Martin Parr, photographe malicieux – Interview
Martin Parr, photographe malicieux – Interview Le 23 mai 2014 |
Le 23 mai 2014
Né à Epsom (Royaume-Uni) en 1952, Martin Parr est l’un des photographes britanniques les plus célèbres. Cette année, la Maison Européenne de la Photographie lui a donné « carte blanche » afin de donner sa vision de Paris. AMA l’a rencontré et a évoqué avec lui cette dernière série, ses projets et la photographie dans son ensemble. Qu’est-ce qui vous a inspiré dans votre pratique documentaire de la photographie ? Quel objectif vous fixez-vous au travers de vos images ? Mon but est de formaliser mes réflexions et mes opinions à propos de diverses choses, d’une manière divertissante et j’espère au travers de photographies « fortes ». Si vous cherchez, vous y trouverez un message plus profond, mais je préfère ne pas m’étaler sur ce point. J’essaie de divertir les gens et, en même temps, de combiner ceci en montrant ce qui me semble intéressant à observer. Diriez-vous qu’il y a une certaine forme d’humour ou de moquerie dans votre travail ? Moquerie n’est pas le terme adéquat. Je dirais plutôt de la malice. Cette malice est récurrente depuis le début de votre carrière ? Et bien cela fait longtemps que je suis photographe maintenant, et oui, effectivement, peu de choses ont changé. J’ai toujours été assez curieux par rapport au monde qui nous entoure et j’ai toujours utilisé la photographie afin d’articuler mes idées. Pourquoi avoir choisi la « malice » comme regard ? Je ne l’ai pas choisie, c’est juste un véhicule. Je choisis le sujet et les personnes que je photographie. Parfois, il y a de la malice. Mais, plus profondément, je suis là pour « enregistrer » ce qu’il se passe. Les gens de cette planète sont à la fois étranges, bizarres et merveilleux. Comme l’ironie, la malice n’est que l’un des outils à notre disposition. Ce n’est pas quelque chose qu’il faut évoquer indépendamment. Pouvez-vous nous dire par quel processus vous passez pour créer une image ? Non, pas vraiment. Je suis photographe. Je peux prendre une photo quand bon me semble, mais je ne peux que très difficilement en parler. C’est quelque chose que je fais naturellement. Pour votre prochain projet, vous travaillez avec Birds Eye, une entreprise agroalimentaire, afin de montrer l’attitude des Britanniques face à la nourriture. Pouvez-vous nous en dire plus ? C’est une nouvelle commande. Les gens me demandent de faire des projets en permanence, je choisis ceux qui me plaisent. J’ai toujours été fasciné par la nourriture, donc c’est un projet qui m’a attiré. Le projet va avoir lieu au Royaume-Uni. Certains critiques parlent de votre travail comme d’un « défi à la fierté nationale ». Êtes-vous d’accord ? Les gens disent tout et n’importe quoi à propos de mon travail. Ils me louent, me conspuent. Je suis tout à fait habitué à être critiqué et loué dans d’égales mesures. Pourtant, il doit bien y avoir quelque chose que je fais de la bonne manière, car je suis remarqué. Vous dites souvent être un photographe de classe moyenne et que cela influe sur votre travail. Vous ne désirez pas vous en démarquer ? J’imagine que vous êtes né dans la classe moyenne. Je suis né dans la classe moyenne. On ne peut pas y échapper. Je m’en démarque parce que j’ai un gros appareil photo. Cela veut juste dire qu’un objet peut servir à essayer de camoufler ce que nous sommes vraiment. Je ne pourrai dire le contraire, sans appareil photo. Je redeviens une personne de classe moyenne. Pouvez-vous nous en dire plus à propos de votre exposition « Paris » ? Pour cette exposition, à la Maison Européenne de la Photographie, j’ai isolé certains événements particuliers que je voulais représenter, afin d’essayer de construire un corpus très « parisien » d’événements se tenant dans la ville. Je voulais donner mon point de vue sur Paris. Vous capturez souvent des personnes prenant des photographies et un photomaton se trouve dans l’exposition. Voulez-vous encourager les gens à faire leur propre photographie ? Cette tendance est très présente dans la photographie actuelle, on ne peut même plus l’arrêter. Les « selfies » prisent par les smartphones sur lesquelles ont peut lire une phrase en sont un exemple. Cela fait partie de la vie moderne, je n’ai pas de problème avec cela. Si vous regardez mon site, il y a même un essai à ce propos. Il n’y avait pas de cartels et peu d’informations durant « Paris », uniquement le catalogue, qui devenait ainsi une sorte de répertoire de l’exposition. Quelle influence avez-vous eue dans cette décision ? Xavier Barral est un excellent éditeur. Il est arrivé avec une maquette pour le catalogue que j’ai vraiment appréciée. Il ne s’agit pas autant de la médiation que de l’impression générale de l’exposition. Les photos présentées avaient toutes été prises à Paris, que fallait-il savoir de plus ? Il y a quelque temps, vous avez déclaré que votre audience était plus importante en France qu’au Royaume-Uni. Connaissez-vous la raison de cela ? Non, pas vraiment. J’aimerais que vous me le disiez ! J’imagine que les Français apprécient plus la photographie que les Britanniques. Avez-vous eu des retours par rapport à ce projet en France ? Non pas vraiment. Vous savez, on apparaît au vernissage et puis on s’en va. Cela vous intéresserait-il d’avoir l’opinion des gens que vous prenez en photo ? Les gens m’écrivent, mais non pas trop. Je préfère me concentrer sur mes projets à venir. Spécialement à Paris, on assiste depuis quelque temps à un certain enthousiasme pour les photographes plus documentaires. L’exposition Henri-Cartier Bresson au Centre Pompidou et la vôtre ne sont que deux exemples pris parmi tant d’autres. Pensez-vous que cela révèle quelque chose de notre goût actuel pour la photographie ? C’est la forme d’art la plus démocratique au monde. D’autant plus que les gens n’ont plus aucune difficulté à prendre des photos avec leurs smartphones, ce qui rend l’audience encore plus forte. Que réserve l’avenir à la photographie ? Je pense que ça va être assez excitant. Les gens aiment de plus en plus la photographie, cela veut dire que de plus en plus de gens vont acheter des livres et aller voir des expositions. Vous produisez également des films… Oui, je travaille actuellement sur un film. Beaucoup de photographes font des films. Ce n’est pas rare. Il y a toujours eu cette tradition de photographe passant derrière la caméra. Ce n’est vraiment pas nouveau. Et vos projets à venir ? Actuellement, je réalise un livre sur Hong Kong, un sur l’Allemagne, un autre à propos d’un festival au Royaume-Uni et un grand livre sur Le Pays Noir. Quel projet vous a le plus marqué, ou quel projet avez-vous le plus apprécié ? Je pense à la série The Last Resort. C’est le projet qui a lancé ma carrière au Royaume-Uni. J’ai une grande affection pour ce projet. Maintenant que vous avez mené beaucoup de projets, vous inspirez-vous de ce que vous avez fait pour créer de nouveau ? On est obligé de regarder en arrière. Un livre rétrospectif de mon travail vient d’être publié, ça m’y a un peu forcé. Sinon, je préfère me contenter de penser à mes projets à venir. Cela vous plait-il de regarder en arrière et de voir se créer vos futurs travaux ? Ça ne me dérange pas, mais l’unique chose qui m’intéresse est le futur. Art Media Agency [Visuel: Portrait de Martin Parr, 2010 ] |
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