Manifeste des Arts Visuels – Maison des Artistes
« Le repliement de l’appareil institutionnel sur lui-même bloque la reconnaissance de la diversité de l’offre artistique et l’écoute de tous les artistes auteurs professionnels par l’intermédiaire de leurs structures représentatives. Il est donc urgent que l’État admette la nécessité de réformes structurelles pour permettre dans ses missions l’élargissement du regard administratif et la fin d’une ségrégation esthétique. Pour TOUS les artistes des arts graphiques et plastiques, Pour que TOUTE la diversité de la création artistique soit soutenue et reconnue, les pouvoirs publics doivent …
1 – Replacer l’artiste au coeur de l’expertise. C’est un fait, les artistes auteurs sont les seuls professionnels à être quasi exclus de l’expertise qui naturellement les concernent. Détenue par l’institution d’une part et par le marché d’autre part, cette fonction est aujourd’hui amputée du regard de l’ensemble des professionnels. Nous exigeons que les artistes auteurs soient représentés au tiers, à égalité avec l’État et le marché dans toutes les instances et commissions d’évaluation et d’expertise à tous les niveaux […]
2 – Réhabiliter la transmission des savoirs et des pratiques artistiques. Les relations des artistes avec leur public sont indispensables et nécessitent de réelles remises en question :
– L’enseignement de l’Histoire de l’Art doit être introduit à tout niveau de la scolarité. Jamais des initiatives individuelles ne remplaceront l’absence de directives dans les programmes et les moyens de sa mise en oeuvre. Comment découvrir et appréhender le domaine des arts sans y être préparé dès le plus jeune âge. Mise en place en 2011, l’obligation pour les professeurs de collège d’enseigner l’Histoire de l’Art doit être recadrée […]
– Dans les collèges et les lycées, les cours d’Arts Plastiques n’abordent que succinctement les pratiques de base. La réintroduction des fondamentaux des pratiques dans les programmes du collège et du supérieur serait un acte déterminant pour la reconstruction d’une culture artistique partagée […]
– Les Écoles des Beaux-Arts qui devraient ouvrir les élèves à la grande diversité des expressions et des pratiques, se cantonnent à quelques unes, trop souvent celles soutenues par l’État. Certaines pratiques risquent de disparaître, alors qu’elles sont toujours susceptibles de répondre aux sensibilités actuelles […]
3 – Redonner une visibilité aux artistes dans leur diversité. Aujourd’hui, bien au delà des galeries, les artistes auteurs présentent leurs créations dans les lieux les plus divers, du salon traditionnel ou des foires d’art contemporain à l’espace le plus éphémère et underground qui tous, sont des outils de découverte et de reconnaissance majeurs pour des milliers d’entre-nous. Il est injuste et scandaleux que ces lieux de présentation et leurs acteurs soient majoritairement autant méprisés et aussi peu soutenus par les Pouvoirs Publics […]
4 – Faire respecter les obligations sociales et fiscales. L’état doit prendre les mesures nécessaires pour faire respecter les obligations sociales et fiscales des artistes des arts visuels graphiques et plastiques, et de leurs diffuseurs. Pour mettre fin notamment à la « concurrence déloyale », qui casse le marché professionnel. Il est inadmissible que des expositions-ventes s’organisent au mépris des obligations déclaratives, cautionnant ainsi l’exercice dissimulé d’actes de commerce […]
5 – Créer un dispositif d’incitation fiscale. Pour redynamiser et développer le marché intérieur français, pour élargir le choix de la diversité esthétique, pour faire régresser la pratique des artistes et des diffuseurs non déclarés, nous exigeons de l’État la création d’un système raisonnable d’incitation fiscale à l’achat d’oeuvres d’artistes vivants par les particuliers […]
6 – Faire appliquer les rémunérations dues aux artistes. Alors qu’ils sont réglementés par des lois précises, les droits d’auteurs sont trop souvent méprisés et bafoués. Demander à l’artiste auteur la cession partielle ou totale des droits de reproduction de son oeuvre et/ou d’exploitation est devenu pratique courante. Ceci n’est pas acceptable et porte atteinte à la valeur du travail de l’artiste-auteur. […]
7 – Revoir le fonctionnement des commissions du 1% artistique. Le 1% artistique doit systématiquement être intégré dans les projets de construction publique en s’adressant à des artistes auteurs professionnels des arts visuels graphiques et plastiques. Le choix des bénéficiaires doit faire l’objet de décisions collégiales assurées par une commission tournante dans laquelle siègeraient avec l’institution, les associations et organisations professionnelles représentatives des artistes, des diffuseurs, des médiateurs, des collectionneurs et tout représentant légitime de la diversité de la création actuelle […]
8 – Développer le champ du mécénat. Le mécénat d’entreprise a besoin d’être redynamisé. Les entreprises désireuses d’investir dans l’art se tournent vers ce qui est le plus visible, c’est-à-dire vers l’oeuvre des artistes fléchés par les réseaux institutionnels. Les entreprises s’engageant dans le mécénat doivent bénéficier d’une véritable liberté de choix par une large information et avoir accès à un fichier exhaustif des artistes présents sur leur territoire. L’Institution doit assumer ce recensement, en particulier par les DRAC en dialogue avec les structures représentatives dans chaque région et en collaboration avec La Maison des Artistes, garante de la diversité […]
9 – Repenser la politique publique des ateliers d’artistes. L’artiste auteur a besoin d’un lieu de travail et d’un lieu de vie adaptés à son activité de créateur, c’est la raison d’exister des ateliers-logements […]
10 – Étendre les dispositions relatives aux activités accessoires aux assujettis. Les sources de revenus d’un artistes-auteur ne concernent plus aujourd’hui seulement la vente d’oeuvres ou les droits d’auteur. Car, soit par choix, soit pour compléter leurs revenus, nombre d’artistes exercent une ou des activités annexes directement liées à leur activité principale (ateliers, interventions, co-réalisations d’oeuvres, etc.) […]
11 – Faciliter la mobilité des artistes et des oeuvres. Une politique de mobilité des artistes doit être mise en place, particulièrement, en direction de ceux qui exposent à l’étranger ou qui ne résident pas en France métropolitaine. Même s’il existe avec certains pays de l’Union Européenne des accords et des dispositions sur le séjour des artistes auteurs français, l’absence de visa de travail vraiment adapté aux artistes plasticiens accentue leurs difficultés de mobilité. La création d’un tel document reconnu à l’International pour les artistes-auteurs des arts visuels (tel qu’il existe pour les intermittents du spectacle) leur faciliterait l’accès aux offres d’exposition, de résidence et appels à projet à l’étranger. De même, les formalités douanières et administratives de transport des oeuvres à l’étranger sont très lourdes et coûteuses. Simplifier le déplacement des artistes et assouplir les formalités de transport des oeuvres les inciteraient à s’exporter et participeraient ainsi au rayonnement de la France à l’étranger.
12 – Renforcer les droits sociaux des artistes. Alors que les accidents du travail et la maladie professionnelle sont prévus par le régime général de sécurité sociale des salariés auquel les artistes sont rattachés, ces derniers ne peuvent prétendre à ces prestations. Des négociations avec nos partenaires institutionnels doivent être engagées en tenant compte de la réalité des revenus des artistes-auteurs et le risque d’une augmentation trop importante du taux de cotisations de sécurité sociale […]
13 – Veiller à la transparence et à l’équité du système d’attribution des subventions publiques et des marchés publics d’achats d’oeuvres d’art. Toutes les aides publiques allouées aux artistes auteurs ou à leurs diffuseurs par l’État (ministères, institutions culturelles, etc.) et les collectivités territoriales doivent faire l’objet d’une attention particulière, d’une transparence et d’une équité dans leur destination. Ces aides publiques doivent être attribuées exclusivement à tout projet d’artistes auteurs ou aux structures auxquels ils sont liés, respectueuses des obligations administratives inhérentes à leur activité. Les commissions chargées d’étudier les demandes doivent être composées à égalité de représentants institutionnels et d’artistes auteurs choisis parmi les structures professionnelles représentatives […]
14 – Développer les possibilités d’accès aux résidences d’artistes auteurs sur l’ensemble du territoire et clarifier les critères de sélection. Dans chaque cas d’attribution d’une aide à résidence ou à la participation sur un projet au choix du résident, l’institution doit particulièrement être attentive à la diversité de ses choix et de leur transparence.
15 – Repenser les critères d’attribution des subventions aux structures professionnelles et soutenir financièrement leurs actions de défense des intérêts des artistes auteurs. Sans évidemment remettre en cause la légitimité des organisations professionnelles, et face à la baisse des adhésions dans la majorité des grandes centrales syndicales, elles ne peuvent plus être les seuls interlocutrices à être reconnues et entendues par les Pouvoirs Publics. Les subventions de fonctionnement ou les aides financières destinées à des actions ou projets ponctuels doivent impérativement tenir compte de la réelle représentativité professionnelle de la structure demandeuse […]
Le présent Manifeste a pour vocation de s’inscrire dans une politique culturelle riche et respectueuse de chacun de ses acteurs. Des réformes structurelles sont indispensables pour replacer l’État dans son rôle de régulateur, l’ouvrir aux réalités professionnelles de tous les artistes et lui donner un autre objet d’intérêt que lui-même. Ces réformes doivent être portées par les politiques : Parce que c’est leur rôle. Parce qu’ils sont les élus du peuple. Parce qu’ils sont les garants d’une mission publique qui doit rester au service de l’Art. Nous réclamons ces nécessaires réformes de fonctionnement qui apporteraient un retournement à 180° de la logique des soutiens publics concernant les arts visuels graphiques et plastiques. C’EST L’OBJECTIF DE CE MANIFESTE. »
Retrouvez l’intégralité du manifeste sur :
lamaisondesartistes.fr/site/wp-content/uploads/downloads/2012/03/ManifestedesArtsVisuels2012.pdf
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