M+ Hong Kong, un musée d’envergure internationale enraciné dans la culture locale – Rencontre avec son directeur
M+ Hong Kong, un musée d’envergure internationale enraciné dans la culture locale – Rencontre avec son directeur Le 27 mai 2014 |
Le 27 mai 2014
D’origine suédoise, Lars Nittve a évolué tout au long au long de sa carrière au plus proche des musées, devenant notamment curateur en chef du Moderna Museet à Stockholm et directeur fondateur du Rooseum – Centre d’Art Contemporain. Après une expérience en tant que directeur de la Tate Modern à Londres, il retourna au Moderna Museet en qualité de directeur. Durant son mandat, il renforça avec succès la collection en incluant davantage des œuvres d’artistes féminins et en levant des fonds à hauteur de 70 millions de dollars. Outre sa qualité de jury de nombreux prix et d’auteur de divers ouvrages sur l’art, Lars Nittve est devenu directeur exécutif du M+ en 2011, musée en cours de création célébrant l’art visuel à Hong Kong. Art Media Agency a rencontré ce personnage emblématique du monde muséal afin d’en savoir davantage sur la philosophie du futur M+. Votre expérience s’est principalement développée dans un cadre européen, quels aspects peuvent être transposés à Hong Kong et quels sont les challenges spécifiques à l’environnement asiatique? Le respect de procédures spécifiques liées à la gestion de la collection d’œuvres d’art concernant le stockage, la température à laquelle la collection doit être conservée, et la manipulation des œuvres d’art est peu développé en Asie pour le moment. La raison en est simple : le concept même de musée est purement occidental, tandis que cela est très récent en Asie. Ces procédures peuvent donc être transposées ici à profit. Mon expérience européenne m’a également permis de réfléchir aux stratégies concrètes à mettre en place afin d’attirer le public. L’audience est sans conteste l’élément pivot pour un musée. Dans cette perspective, le rôle du musée est de créer une relation fructueuse entre les différentes parties impliquées. Le public Hongkongais semble très intéressé par l’art, comme en témoigne les records d’entrées aux différentes foires d’art qui ponctuent l’année. Pour autant, l’offre culturelle institutionnelle est particulièrement limitée, et de toute évidence le futur M+ tendra à combler ce manque. Comment s’adapter à ce public local peu familier aux arts visuels ? Il est curieux de noter qu’avant la tenue de foires d’art, il était commun d’entendre dire qu’il n’y avait pas de public intéressé par l’art à Hong Kong. Mais créer des situations dans lesquelles le public se sent à l’aise permet d’éveiller sa curiosité. Pour nombre de personnes, il est plus aisé de se rendre dans une foire d’art que dans un musée. En achetant son ticket pour la foire, on s’octroie le droit de faire partie de l’événement, et cela sans qu’un achat soit nécessairement effectué. Mais l’audience à Hong Kong est bien plus riche et variée qu’on ne le croit. Il ne fait aucun doute qu’elle est composée de bon nombre de curieux, et de personnes disposant d’un certain niveau d’éducation. Hong Kong se trouve aujourd’hui probablement dans la même situation que Los Angeles dans les années 1960, ou New York dans les années 1940/1950. Cela étant, il est donc primordial de construire ce projet muséal à partir de la curiosité des gens. Et peu à peu, cela permet de développer les connaissances et l’expertise du public. Créer une situation dans laquelle le public est à l’aise, curieux et se sent légitime dans sa présence est le facteur clef pour l’attirer. Cette philosophie a fait le succès de la Tate Modern. Le centre d’éducation qui sera mis en place au sein du M+ ainsi que le design même du bâtiment vont en ce sens. Quand il est compliqué de se repérer dans un musée, on devient nerveux avant même d’atteindre l’œuvre d’art. Or celle-ci est bien souvent déjà suffisamment déroutante, nul besoin d’en rajouter. Jusque dans les moindres détails, il faut se soucier de l’audience : le choix même des employés présents dans les espaces d’exposition est important. Il n’est pas souhaitable que les employés soient intimidants. Tout doit être mis en place afin de mettre le public à son aise. Le M+ a vocation à devenir un musée d’envergure internationale tout en restant ancré dans la culture locale hongkongaise. Comment êtes vous parvenus à affiner plus précisément les contours de l’identité du futur M+ ? Vient ensuite la question de la période à couvrir. Dans notre cas, nous nous focalisons sur l’art produit après la venue au pouvoir de Mao en Chine en 1949. Cette date marque un remaniement sans précédent de l’espace asiatique, avec des flux de population en direction de Hong Kong et Taiwan notamment. Enfin, à mesure que l’équipe du M+ s’étoffe avec des curateurs à l’expertise variée, des plans d’action plus détaillés se dessinent. Cela permet de déterminer avec plus de précision les artistes auxquels nous souhaitons accorder de l’attention, et de définir quelles histoires nous souhaitons écrire. Cette progression est portée par l’équipe du M+, provenant en grande partie d’Asie. Leurs expériences et expertises sont très diverses et cela crée un climat hautement propice à l’émergence d’idées nouvelles. Votre stratégie consiste à élaborer d’abord le cœur de la collection, qui sert ensuite de base au développement de celle-ci. À quel stade de la constitution de la collection en êtes-vous aujourd’hui ? Si Hong Kong ne manque pas d’artistes de qualité, ils manquent néanmoins cruellement de reconnaissance internationale. Dans quelle mesure le M+ va-t-il devenir une plateforme d’expression pour eux ? Hong Kong est un territoire disposant d’un statut particulier, et dans bien des domaines la Chine semble exercer une influence sur les décisions prises. Par ailleurs, le projet M+ a été initié par le gouvernement de Hong Kong, qui supporte financièrement massivement son développement. Quelles forces en présence définissent la conduite concrète du projet ? D’une manière générale, l’adhésion de notre équipe et la conduite effective de cet exaltant projet repose sans conteste sur notre liberté d’action ! Art Media Agency |
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