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Le design sous l’œil de Phillips : entretien avec Ben Williams, directeur des ventes à Londres

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Le design sous l’œil de Phillips : entretien avec Ben Williams, directeur des ventes à Londres

Le 23 mai 2014

Le 23 mai 2014

Le département de Design de Phillips organise des ventes de pièces du XXe et XXIe siècle, proposant, ce qui est rare pour une maison de ventes, des ventes d’œuvres conceptuelles, de céramiques contemporaines et travaux architecturaux. Art Media Agency s’est entretenu avec Ben Williams, spécialiste et directeur des ventes à Londres. 

Vous travaillez dans le département dédié au design chez Phillips. À quelles périodes est-il consacré ?

Nous allons du mouvement Arts and Crafts, à l’échelle internationale, jusqu’au contemporain. Nous essayons de trouver des éléments intéressants. Parfois, nous avons accès à une collection particulière, qui pourrait entraîner une vente orientée vers l’arts and crafts. Nous essayons alors de trouver des pièces complémentaires.
Nous pouvons finir par avoir des ventes qui ont un sens tout à fait différent. C’est à nous de travailler à partir de ce que nous avons et d’essayer qu’elles suscitent de l’intérêt.

Que recherchent les collectionneurs ? Est-ce que des tendances spécifiques se dessinent ?

C’est difficile de répondre à cette question. Et s’il y a une chose que je ne ferai pas dans cet entretien, c’est de donner des conseils d’achats. Les acheteurs recherchent réellement la qualité, avec par exemple des pièces du début de la production du design classique, réalisées par les meilleurs ébénistes. Les objets les plus recherchés sont d’une très grande qualité et rares. Voici la tendance, et ce que nous essayons de proposer.

Est-ce que les collectionneurs de design se distinguent de ceux d’art en général ?

Ce sont souvent les mêmes, mais pas toujours. Certains forgent des collections spécifiques et sont seulement intéressés par les figurines Art Deco, les objets en verre de Venini ou les années cinquante. Souvent, nous travaillons avec des personnes qui meublent une demeure entière : des éclairages mettant en valeur les œuvres d’art sur les murs aux chaises dans lesquelles on s’assoit. Il y a un recoupement important des clients, c’est la philosophie de Phillips. Nous avons un petit nombre de départements et, même si la photographie et le design vont un peu plus loin, nous travaillons tous essentiellement sur l’art contemporain et le design.

Est-ce que c’est un genre accessible ? Si vous commencez une collection, est-ce qu’il est faisable d’acheter des pièces de design ?

Oui, pourtant les moyens de chacun sont différents. Nous voyons de jeunes personnes commencer une collection ou meubler leur maison avec un budget conséquent. Ils peuvent se permettre de s’offrir le meilleur de ce que nous proposons. De la même manière, il est possible de construire un environnement stimulant dans lequel vivre avec des moyens plus restreints. Pourtant, ce n’est pas forcément quelque chose que Phillips est capable d’offrir.

Votre département propose à la fois du « mobilier fonctionnel » et des « œuvres conceptuelles ». N’est-il pas plus difficile de trouver un marché pour cette seconde catégorie ? Est-ce que certaines « œuvres conceptuelles » se sont montrées particulièrement populaires ?

Il y a de nombreuses zones grises dans le design. Une chaise peut ne pas être particulièrement pratique pour s’asseoir, mais les personnes qui collectionnent de l’art contemporain peuvent y voir une œuvre sculpturale. De la même manière, nous vendons de nombreuses céramiques qui ne se classent pas forcément dans la catégorie de la vaisselle, mais qui peuvent être perçues comme des sculptures.
Nous travaillons aisément dans ce secteur entre le design et les autres départements. Entre nous, nous essayons de trouver un marché pour ces travaux.

N’avez-vous jamais rencontré des objets qui défient les catégorisations ?

Si, parce que chacun pense qu’il est artiste (rires). Mais, si vous prenez quelqu’un comme Ken Price, le grand céramiste américain, il a commencé par réaliser de la vaisselle dans les années 1950 et 1960, une époque où ses vases étaient systématiquement proposés dans les ventes de design. Il y a également eu une phase où il réalisait des tasses. Il n’arrivait pas toujours à atteindre le rendu qu’il souhaitait avec le vernis. Il a commencé à les peindre et à les vendre à travers les galeries.

Nous avons vendu un œuf sculptural de Price, datant de 1963, pour un peu plus d’un demi-million de dollars. C’est quelque chose qui pourrait facilement s’intégrer dans une vente d’art contemporain. Une grande partie de son travail se situe à la frontière entre l’art et le design. Vous pourriez dire la même chose à propos du mobilier de Ron Arrad. C’est un genre très varié, et il y a beaucoup de chevauchements observables.

Souvent, le problème majeur se rencontre véritablement avec les œuvres conceptuelles, au niveau du second marché. Les collectionneurs les achètent dans une galerie ou une exposition, souvent à un prix assez conséquent. Mais, ces travaux ne se dirigent pas vers le second marché et n’ont pas assez augmenté en valeur pour que les gens se sentent suffisamment confiants pour les mettre en ventes. C’est une approche légèrement orientée vers la prudence.

Vous proposez également des « travaux architecturaux ». Quels sont-ils ? Pourquoi cette catégorie s’est-elle ajoutée au département ?

En avril, nous avons commencé à présenter une vente intitulée « The Architect ». C’était une exploration. Nous avons réalisé que beaucoup de pièces de design que nous offrions venaient d’architectes. Elles pouvaient aussi avoir été réalisées par des personnes qui ont reçu une formation auprès de ce corps de métier. Dans les deux cas, ces personnes s’étaient ensuite fait connaître pour leurs lampes ou leurs chaises.

Il nous était possible de nous étendre à une zone différente du marché, offrant des pavillons de petite dimension, des éléments architecturaux et à des projets de construction emblématiques. C’est un dialogue intéressant à propos du rôle de l’architecte dans le monde du design. Ce n’était pas nécessairement les pièces les plus évidentes à vendre, mais c’était une expérimentation captivante. Je suis sûr que nous allons réitérer cette expérience.

Que pouvez-vous nous dire à propos des considérations pratiques concernant le transport et le stockage des travaux plus grands ?

Je vais prendre l’exemple du « tea room » de Shigeru Ban. Il a été présenté lors de notre vente d’avril. Une grande partie de la production de Ban est liée à la conception d’aides lors de catastrophes. Elle est donc conçue pour être plus transportable que ce que vous pouvez imaginer. En outre, l’entrée de la maison de Jean Prouvé, que nous avons vendue, a été originalement conçue comme un bâtiment d’une caserne. Donc, elle a été pensée pour être transportée et érigée rapidement.

Nous trouvons que nos clients caractéristiques pour ce genre de travail sont des personnes qui possèdent une propriété à la campagne, avec de l’espace. Ils peuvent ainsi assembler la structure pour une occasion particulière. Il y a de nombreux cas où posséder ce type de pièces n’est pas moins pratique que de posséder une sculpture.

Nous travaillons de manière active avec des collectionneurs sur le long terme. Nous savons souvent ce qui se trouve dans leur collection et nous essayons de leur parler, de leur faire savoir que cela pourrait être une opportunité très intéressante pour eux d’orienter leur collection de manière différente. Nous leur expliquons que s’ils veulent vendre une pièce, nous avons des travaux complémentaires qui ont déjà été sélectionnés. Les pièces viennent d’une grande variété de sources. Il y a de nombreuses discussions avec les collectionneurs et les galeristes, avec lesquels nous sommes ravis de travailler aussi bien.

Où est-ce que Phillips se procure ses œuvres ? Avez-vous, par exemple, des œuvres recueillies dans des collections particulières ?

Nous travaillons de manière active avec des collectionneurs, sur le long terme. Nous savons souvent ce qui se trouve dans leur collection et nous essayons de leur parler, de leur faire savoir que cela pourrait être une opportunité très intéressante pour eux d’orienter leur collection de manière différente. Nous leur expliquons que s’ils veulent vendre une pièce, nous avons des travaux complémentaires qui ont déjà été sélectionnés. Les pièces viennent d’une grande variété de sources. Il y a de nombreuses discussions avec les collectionneurs et les galeristes, avec lesquels nous sommes ravis de travailler de manière aussi harmonieuse.

Nous essayons de créer des liens entre nos catalogues. Nous voulons développer des conversations intéressantes autour des travaux que nous sélectionnons. De temps en temps, des thèmes se construisent autour de pièces que nous avons déjà. D’autres fois, nous tentons d’explorer une thématique de manière délibérée.

Les ventes de design de Phillips New York vont se dérouler le 11 juin. Que vont-elles présenter ?

Elles comprennent des travaux fantastiques. Cela sera assez réduit au niveau de leur nombre, mais les pièces seront exceptionnelles. Nous avons des chefs d’œuvres Art Déco d’Edgar Brandt et une pièce de Shiro Kuramata, the Ishadate residence, précurseur de sa production actuelle.

De quelle manière les ventes de design diffèrent-elles à l’échelle internationale ?

Lorsque vous regardez les ventes américaines, ils vont répondre à l’attente de certains goûts américains. Vous avez des lieux, comme Rago, qui possèdent un grand nombre de mobiliers de George Nakashima et beaucoup de poterie artisanale américaine. Mais, ils s’adaptent au marché local. Vous trouverez la même chose en Italie. Il y aura des ventes qui présenteront exclusivement du design italien.

Phillips déplace souvent des pièces. Nous prenons de nombreux travaux de ventes européennes et nous les ramenons aux États-Unis, donc elles se ressemblent souvent par certains aspects. Il y a une marque Phillips, qui est tout à fait conforme à Londres et à New York, mais pas nécessairement ailleurs.

De quelle manière évolue le département design de Phillips? Quel est son avenir ?

Un des plus grands défis est de garder la trace de nos clients potentiels, par exemple, quelqu’un qui déménage, qui dispose d’un budget très important pour préparer sa maison pour une soirée.

Souvent, ils restent dans la partie pour une courte période. Il faut donc localiser la personne suivante, qui a peut-être déménagé de Hong Kong pour aller à Paris, ou qui a acheté un chalet dans les Alpes, qu’elle doit aménager. Nous travaillons avec leurs conseillers et leurs décorateurs, afin de nous assurer que nous sommes capables de leur présenter des opportunités intéressantes.

Pensez-vous que le design est un champ qui va continuer à se développer ?

Absolument. Il fait partie intégrante de Phillips depuis longtemps. C’est très important pour ce que nous réalisons en tant que société. Il y a aussi la perception sur le marché que le design, ou certains éléments du design, sont relativement abordables, par rapport à l’art contemporain. Ce marché semble tout à fait sain.

Art Media Agency
 

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