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Le cocon de Walid El Masri à l’Ayyam Gallery : entretien avec l’artiste

9 juillet 2014
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Le cocon de Walid El Masri à l’Ayyam Gallery : entretien avec l’artiste

Le 9 juillet 2014

Le 9 juillet 2014

Alors que la Syrie vit depuis trois ans au rythme d’une tragique guerre civile, les artistes locaux sont actuellement plébiscités. Le peintre Walid El Masri, né en 1979, présente jusqu’au 2 août 2014 sa nouvelle série Cocoon dans l’espace londonien de l’Ayyam Gallery. Art Media Agency a rencontré l’artiste, qui nous parle de son travail, de son parcours, et nous apporte son regard sur la création syrienne dans ce contexte particulier.

Pouvez-vous nous détailler Cocoon et les œuvres présentées à cette occasion ?
J’y présente ma nouvelle série, Cocoon, sur laquelle je travaille depuis deux ans. C’est la deuxième fois que je la propose, après Paris en mars dernier. L’exposition actuelle donne à voir cinq tableaux de 155 x 200 cm et trois œuvres de 130 x 100 cm. Dans toutes ces œuvres, il y a un grand arbre, sur lequel quelques cocons sont suspendus. Pour moi, le cocon signifie le déplacement entre trois temps : le passé « la larve », le présent « le cocon ». Le futur est symbolisé par le « papillon », si la larve a accompli sa métamorphose, ou la « boule de soie », si la larve a été étranglée dans son cocon. Tout cela donne une valeur supplémentaire au cocon. À côté de la simplicité de la forme, cela lui permet de s’harmoniser avec l’espace de l’œuvre, en y ajoutant une trace magique. Il porte l’énergie de la mort et de la vie. Tout cela dialogue avec ma vision de l’actualité en Syrie.

Comment êtes-vous devenu artiste ?
Depuis l’enfance, la peinture ne m’a jamais quitté. Je n’ai jamais pensé à « étudier » l’art. Mon parcours scolaire est un peu différent. Je ne l’ai jamais aimé. À mes yeux, l’école représentait la stagnation et l’entrave. D’ailleurs, je le pense encore aujourd’hui ! Néanmoins, à treize ans et sans solliciter l’avis de ma famille, je me suis échappé du carcan de l’école pendant deux ans. Je me suis réfugié à Al-Ghouta. Je faisais des gravures sur les arbres. Je sculptais des canaux pour l’eau à côté la rivière. À l’époque, je ne savais pas que je m’imprégnais des petits riens d’un lieu qui allait disparaître à tout jamais.

J’ai quitté l’école définitivement et j’ai travaillé dans l’entreprise de mosaïque qui appartient à mon père. Je n’avais que quatorze ans !

J’ai continué mes études en autodidacte, à côté de mon travail. Durant cette période, j’ai beaucoup lu. Parmi les auteurs qui m’ont influencé, je peux citer Nietzsche et Dostoïevski. J’ai aussi parcouru les ouvrages de philosophes orientaux.

En 2001, j’ai commencé mes études universitaires [à l’École des Beaux-Arts de Damas]. J’ai dû quitter l’entreprise familiale de mosaïque pour me consacrer à mes études. Tout s’est bien passé, de l’examen d’admission jusqu’à la fin de mon cursus. J’ai pris part à de nombreux Workshops, animés par des artistes d’origines arabe et étrangère. Ils traitaient de gravure, de photographie, de vidéo d’art, de sculpture et d’autres moyens d’expression… J’ai participé à de nombreuses expositions collectives à travers le monde. Je n’ai jamais laissé de côté ma recherche personnelle. J’ai fabriqué mes couleurs, j’ai toujours expérimenté. J’ai peint tout ce que rencontrait mon regard. C’était ma manière de contempler et de comprendre les choses qui se trouvaient autour de moi : c’est-à-dire les dessiner et les redessiner. J’ai copié beaucoup d’œuvres de grands maîtres de la peinture, appartenant à différentes époques, afin d’arriver à comprendre la manière de composer une œuvre d’art. J’ai obtenu plusieurs prix. Un était un voyage à Rome, où j’ai visité certains musées pour la première fois. J’y ai vu les œuvres originales de grands artistes. Plus tard, en 2005, j’ai visité Paris, également pour la première fois. Je participais à un work-shop sur l’art contemporain. Mes voyages à Paris et à Rome ont largement influencé ma vision de l’art.

Ma première exposition personnelle a eu lieu au centre culturel français à Damas en 2006. En outre, depuis début 2007, je fais partie des artistes de l’Ayyam Gallery. À l’époque, cette dernière était la plus grande galerie implantée en Syrie et une des plus importantes du Proche-Orient. Grâce à elle, j’ai réalisé de multiples expositions personnelles et collectives à travers le monde.

La mosaïque m’a appris la patience. Grâce à ce procédé, j’ai compris les formes géométriques, et comment une forme simple comme le triangle peut créer des motifs fascinants. La différence se crée seulement en répétant ce motif. J’ai aussi expérimenté les pigments traditionnels du bois et j’ai beaucoup appris sur les bois et la géométrie.

Dans quelle mesure pensez-vous que votre identité syrienne, du Moyen-Orient, influence votre travail ?
De ce point de vue, je crois qu’elle se manifeste principalement par un penchant sentimental et contemplatif. Pour moi, c’est ici que la toile acquiert son authenticité.

Plus spécifiquement, dans quelle mesure le contexte politique délicat de votre pays d’origine influence-t-il votre travail ?
Le massacre qui dure sans interruption en Syrie n’a pas seulement changé ma vision vis-à-vis l’art. Il a aussi changé ma vision de l’humanité et de la vie. Nous vivons, et le massacre continue. Nous peignons, et le massacre continue. Cela revêt de multiples significations.

La répétition a une valeur importante dans mon travail. Les choses dépassent ainsi leurs sens premiers. Elles nous amènent vers un niveau plus profond, en nous permettant de voir leur valeur abstraite, loin du sens commun et premier des choses. Ce côté, je l’ai expérimenté avec la mosaïque.

Envisagez-vous d’autres médiums que la peinture ? De toutes les expérimentations que vous avez menées lors de vos études, pourquoi avoir choisi la peinture ?
Jusqu’à aujourd’hui, je trouve que la peinture me représente bien. Je pense qu’il n’y a rien qui m’empêche de m’exprimer avec n’importe quel autre moyen d’expression, si je le trouve propice à mon travail. À titre d’exemple, il y a quatre ans, j’ai réalisé beaucoup de sculptures en céramique. Ce procédé m’a convenu et correspondait à ce que j’ai cherché en termes de souplesse et la fragilité de matière simultanée. D’ailleurs, je n’ai jamais exposé ces œuvres, qui se trouvent aujourd’hui en Syrie.

Parmi les artistes contemporains, lesquels vous inspirent ? Y a-t-il des artistes syriens ? Peut-on parler d’une identité de la scène artistique syrienne ?
En ce qui concerne les artistes et l’art je suis moody… Pour chaque période, j’admire un artiste ou un mouvement artistique. En ce qui concerne le mouvement artistique en Syrie, il y a de grands noms parmi les jeunes artistes et de l’ancienne génération. Je pense que la toile en Syrie est libre. Peut-être, parce que les artistes ont été influencés par des mouvements artistiques et chacun a son point de vue et sa culture, rarement les artistes ont été réunis pour faire un mouvement artistique… Mais, ces trois dernières années, nous voyons ce qui unit les artistes en Syrie. Ils ont participé à l’expression de la tragédie syrienne.

Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Marwan Kasab Bashi ?
C’était lors de ma participation à l’Académie d’été (Summer Academy) à Darat al-Funun – Fondation Khalid Shoman à Aman. Durant un mois en 2003, il y avait beaucoup d’artistes venant de Proche Orient et notamment d’origine palestinienne. Je me rappelle que nous n’avons pas dormi. Nous avons travaillé jour et nuit et nous avons discuté sur les détails les plus profonds de nos travaux. J’ai alors appris qu’il n’y a rien d’arbitraire dans l’art, l’art soit il est vrai soit non.

Quels sont vos projets (réalisations, expositions)… ?
Jusqu’à aujourd’hui je travaille sur le thème du cocon, à côté d’autres expériences. Il y aura deux expositions, je les annoncerai en temps voulu. 

Art Media Agency 

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