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Laurent Martin présente Domestik Life and the other side à Mac Paris

18 novembre 2009
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laurentmartin21

 

C’est un univers très affirmé que Laurent Martin dévoile dans Domestik life and the other side. Les meubles de Laurent Martin ne sont pas ordinaires, il se les réapproprie et les détourne pour leur conférer une allure singulière. Ses installations, ou mises en scène, apparaissent comme des décors familiers et facétieux sinon oppressants, du buffet de cuisine déstructuré à l’horloge déhanchée, comme au beau milieu d’un cartoon. Les proportions sont rompues, les échelles fracturées, les couleurs saturées, la lumière repeinte de façon à exagérer les contrastes, et les repères sont ainsi malmenés. Voilà pour le visible, une esthétique du mobilier gagnée par le merveilleux. Le pragmatisme du meuble populaire et rustique est rejoint par le lyrisme d’Alice au pays des merveilles. La vocation fonctionnelle du meuble est mise à mal par tant de contresens qui sont des allégories de l’innocence. La comparaison avec les décors du conte de Lewis Carroll est manifeste, teintés par le surréalisme de Salvador Dalí et ses objets dégoulinants.

Laurent Martin accorde une importance à la scénographie qu’il souhaite inquiétante et ludique, dans l’idée d’un dessin animé. Le regard de l’enfance se trouve court-circuité par les névroses de l’adulte, son passif et ses réminiscences réprimées. C’est l’évocation de la déformation du paysage infantile, les peurs et les souvenirs que rencontrent l’expérience. Le mobilier, héritage et témoin du passé, ce passé qui se dérobe et laisse place à des images fabulées, des interprétations, dans le prisme du vécu. D’où ce rapport aux dimensions et à la déstructuration. De ces objets, tantôt superposés, tantôt courbés, a priori inanimés, émane la vie, celle des histoires qu’ils racontent et de leurs protagonistes. Incarnés, ils semblent respirer. Il y a là donc du sensible. En vertu de la thématique design, à la lisière du dessin animé et de la physique quantique, la plasticien manipule les matières en autodidacte et use d’une spontanéité technique pour mener à bien son œuvre. Il cherche symboliquement la dématérialisation du sentiment de domination, du grand, de ces éléments dressés face au regard du spectateur, l’enfant puis l’adulte.

Sur fond social et familial, Laurent Martin traduit son questionnement personnel quant à la relation empirique de l’objet, auquel il attribue un caractère spécial le laissant transcender par son histoire, au-delà de sa super solidité. Si par extension la vie sert l’art ou l’art sert la vie, il en est de même pour le meuble. Sert-il l’homme, où – ici – l’homme lui sert-il ? Cause à effet, nécessaire et contingence, en substance la démarche artistique de Laurent Martin revient à mettre l’objet au centre de la comédie humaine, et à le faire exister sans l’homme, en son absence, dans son dos. Et le fait est que sans lui, un lit défait, un commode qui s’enfonce dans l’abîme, l’humain n’y est plus visible mais on peut encore sentir son passage, son empreinte. L’individu ou la masse, peu importe, à l’instar du Pop art qui l’inspire, l’artiste se joue du flux humain, du contenant et du contenu. Doué d’une théâtralité avérée, le meuble est dans Domestik life and the other side ravivé par sa teneur expressionniste. Le décorum y est semblable à celui délirant crée par Robert Wiene dans le film allemand de 1919, Le Cabinet du Docteur Caligari, fait de perspectives désorientées et de proportions déformées.

Laurent Martin se targue de ses influences féminines, Louise Bourgeois, Sarah Lucas et autre Tracy Emin, arborant un « raffinement grinçant ». C’est pourtant aux travaux d’hommes comme Erwin Wurm, César, Armand ou encore Claes Oldenburg que s’identifie l’auteur de ces installations râblées mais pour le moins fuselées. Laurent Martin s’inscrit dans des courants évocateurs et contigus comme le Nouveau Réalisme et l’Art Nouveau pour développer son concept.

Un fond en référence à la mythologie et une forme hyperbolique contribuent à personnifier le meuble et l’objet, psyché de ceux qui le manipulent ou le regardent. Tel est le propos de Domestik life and the other side.

Hélène Martinez

 

 

Le site de Laurent Martin : la Main dans le tiroir

 


MACparis

125 peintres, créateurs de volumes ou d’installations, photographes et vidéastes, prendront possession des 5 000 m² de l’espace Champerret, lors de la prochaine manifestation d’art contemporain MACparis.

Du 19 au 22 novembre 2009

Jeudi 19 – 14h-22h
Vendredi 20 – 11h-22h
Samedi 21 et dimanche 22 – 10h-20h

Tarifs : 8 euros – Réductions et gratuité sur justificatif

Espace Champerret, hall A
2, place de la Porte Champerret
75017 Paris

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