Maison des Amériques Latines – Femmes de la révolution mexicaine
Sans la participation active des « soldaderas » – littéralement, les femmes à soldes – Emiliano Zapata et Pancho Villa, les leaders charismatiques de cette lutte armée au Mexique, ne seraient pas arrivés au bout de leurs ambitions. C’est l’épopée de ces milliers de femmes, engagées volontaires pour certaines, enrôlées de force pour d’autres, que la Maison des Amériques Latines met à l’honneur dans une exposition de photos en noir et blanc. Un témoignage précieux, provenant des archives Casasola, du nom de la famille fondatrice de la première agence de photo-journalisme d’Amérique latine. A eux seuls, Agustin Casasola, son frère Miguel et son fils Gustavo, réussiront à constituer une réserve de plus de 450000 tirages, retraçant l’histoire du Mexique de 1900 à 1970.
Ce voyage dans le temps, à la découverte des soldaderas de la révolution mexicaine, démarre par une rencontre sur un quai de gare. « Femmes descendant d’un train », que l’on peut admirer dans la première salle de l’exposition est une photo devenue un symbole. Celui d’une vie d’errance à travers le Mexique, au gré de l’avancée des révolutionnaires.
Qui étaient-elles réellement ? Quel rôle jouaient-elles au sein de l’armée ? Pour le savoir, il faut suivre le fil de ces photos, véritable reportage qui nous révèle l’histoire et l’origine sociologique de ces héroïnes si particulières. On y apprend donc que les soldaderas, terme générique pour désigner toutes les femmes-soldats de l’époque révolutionnaire mexicaine, se subdivisaient en plusieurs catégories. Il y avait les célèbres « cucarachas », galvaudées par le film éponyme du réalisateur mexicain, Ismael Rodriguez. Ces femmes choisissaient de suivre leurs maris sur le front, avec leurs enfants sous le bras. Miguel Casasola les a immortalisées, dans un magnifique cliché en clair-obscur où elles apparaissent, immobiles et silencieuses, attendant leurs maris devant une caserne.
Beauté esthétique
Mais leur rôle ne se cantonnait pas à seconder leurs époux. D’autres images les montrent, posant fièrement avec leurs fusils aux bras et leurs ceintures de cartouches en travers de la poitrine. Et que dire de ce cliché pris par Agustin Casasola montrant une femme touchée au bras, image emblématique de la situation sans équivoque de certaines soldaderas au sein de l’armée révolutionnaire. Tout comme n’importe lequel de leurs camarades masculins, elles se battaient. Et comme n’importe quel combattant, elles pouvaient se blesser ou y laisser leur vie.
Certaines soldaderas sont même parvenues au sommet de la hiérarchie militaire, en accédant aux postes de « coroneras » (colonnelles) ou « generales », à l’image d’une Juana Ramona, d’une Petra Ruiz ou d’une Carmen Serdan dont l’exposition montre un portrait.
Mais loin du firmament de ces femmes-soldats célèbres, se rassemblaient des milliers de femmes anonymes, formant le contingent des révolutionnaires. Les « adelitas » regroupaient ainsi toutes celles qui ont été réclamées en tribut par les révolutionnaires à chaque ville assiégée délivrée, celles enlevées dans les villages indiens ou tout simplement celles qui ont été vendues par leurs familles. Cette catégorie de soldaderas servaient à la fois d’esclaves sexuelles pour réchauffer les couches des soldats fourbus, de cuisinières corvéables pour la garnison, ou bien pour les plus chanceuses, de guérisseuses et infirmières si elles maîtrisaient la science des plantes.
Outre leur intérêt historique, ces clichés interpellent par leur beauté esthétique. Portraits, scènes de la vie militaire, processions et meetings… Le temps semble suspendu au-dessus de ces soldaderas et leurs enfants assis sur le toit d’un wagon de train, de cette cantinière en train de cuisiner sur un quai de gare, ou de cette guérisseuse qui prépare ses plantes pour soigner les soldats.
Ces photos ont la vertu de raconter la vie réelle des soldaderas de la révolution méxicaine. Une existence éloignée de l’imaginaire et du fantasme des cinéastes et des musiciens, mais bien plus proche de la vérité historique.
Roxane Ghislaine Pierre
Las Soldaderas – Femmes de la révolution mexicaine
Du 19 janvier au 29 mai 2010
Du lundi au samedi de 10 heures à 19 heures
Informations : 01 53 63 13 40
Entrée libre
Maison des Amériques Latines
3, rue Cassette
75006 Paris
Métro Saint-Sulpice
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