Lang / Baumann – Galerie Loevenbruck
L/B n’abrite pas l’une de ces multinationales de l’art parfaitement marketées et diffusant ses produits dérivés dans toutes les bonnes enseignes mais plutôt une petite entreprise familiale aux secrets de fabrication jalousement gardés. Une production appliquée, pas de séries ou de cadences infernales, une fabrication sur mesure où rien n’est sous-traité. Tout commence dans cette ancienne usine de Burgdorf, petite ville suisse alémanique où se côtoient verts pâturages et activités industrielles. Atelier de fabrication, bureau d’études et vie de famille se nouent au coeur de cette coopérative. Modèle usé et peu productif pour certains, que Sabina Lang et Daniel Baumann s’attellent à rendre tangible au travers d’une douce utopie : construire un monde plus beau, plus confortable, plus doux, plus rond, plus coloré tout en élaborant une oeuvre radicale et rigoureuse. Ils embrassent avec décontraction les formes et les motifs de leur enfance, apparus dans les années 60, sans verser dans la nostalgie ou la réaction. Les références au passé s’inscrivent dans une stratégie d’utilisation de signes familiers, simultanément connectés à un vécu personnel et à un imaginaire collectif. Les artistes semblent partager l’esprit de l’époque : une foi dans le futur et un décloisonnement des pratiques artistiques, conjugués à une assimilation décomplexée des cultures populaires ; musique, architecture, art, design, sciences sociales avançaient alors de concert au bénéfice de la création. L/B répond au désenchantement des années 00 par de belles entrées « beautifull entrance », de beaux murs « beautifull walls », de beaux salons « beautifull lounges », de belles fenêtres, « beautifull windows », et des aires de jeux « spielfeld ». Dessiner un bar, un baby-foot, une table de billard ou même une chambre d’hôtel reste pour eux la promesse d’une expérience esthétique unique. Toucher, utiliser, ou habiter les espaces, leurs oeuvres sont autant d’invitations adressées aux spectateurs. Les codes relationnels liés à la détente, au bien-être, au jeu, ne constituent pas une fin en soi mais le moyen d’un accès simple et renouvelé à l’oeuvre par un échange hédoniste.
Les matériaux et les formes sont choisis pour leurs qualités plastiques et fonctionnelles, la moquette est douce, elle influe également sur l’acoustique du lieu. Les surfaces plastiques, brillantes, et les angles ronds modifient notre appréhension des dimensions et des distances. Les peintures murales ou installations affectionnent le surplomb, l’angle, le motif cinétique pour accentuer une perte de repères. L/B opère par recouvrement de l’existant (murs, routes, terrains de sports), agit depuis la surface. La pratique du all over permet de déborder de la surface du murcimaise comme espace d’exposition, afin d’exploiter librement les sols, plafonds et éléments de mobilier pour la conception d’environnements. Les « beautifull walls » réalisent le passage de la surface au volume, de la deux dimensions à l’espace tridimensionnel. Ni fascination béate, ni aveuglement de leur part, Sabina Lang et Daniel Baumann sont bien des artistes de leur temps. Ils maîtrisent parfaitement le potentiel des formes qu’ils utilisent et articulent leurs corollaires sociaux et politiques (un vent de liberté et une croyance en la capacité du politique à changer la société). Quand le design joue sur la sérialité et une large distribution, L/B propose des oeuvres qui infléchissent les logiques commerciales : l’hôtel Everland consiste en une chambre dont la réservation dépend plus de la pugnacité du client que de son offre financière. Là où l’architecture se construit et s’inscrit au long terme, les environnements de L/B privilégient des formes éphémères liées à des espaces architecturés préexistants, notamment le cube blanc.Par la matérialisation d’une pensée pragmatique des espaces d’exposition et de leur habitabilité, L/B lève toute ambiguïté : l’architecture et le design au quotidien seront toujours pour eux un art, et non une fonction dans l’attente d’une utopie retrouvée.
Yann Chevallier, T(e)xtes, éditions Loevenbruck, Paris 2009.
Exposition Lang/Baumann
Du 29 avril au 04 juin 2011
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Informations : 01 53 10 85 68 ou contact@loevenbruck.com
Galerie Loevenbruck
6, rue Jacques Callot
75006 Paris
[Visuel : Lang/Baumann, Beautiful Bridge #1, 2011. Peinture mate. 10 x 68 cm. Courtesy galerie Loevenbruck]
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