La rétrospective “Viva Varda !” à la Cinémathèque française !
Agnès Varda est souvent présentée comme une femme libre qui n’a jamais cessé de se réinventer, guidée par un désir toujours inassouvi d’expérimentations.
Une femme cinéaste que le goût pour les autres et l’appétit des rencontres aurait conduit à traverser, à sa guise, les catégories : court et long métrages, fiction et documentaire, argentique et numérique. Comme si sa détermination avait garanti le fait qu’aucun carcan – esthétique, politique, économique – ne contienne sa folle liberté. Il est vrai de dire que Varda était libérée. Dans sa jeunesse et alors que les femmes vivent encore sous l’emprise du Code Napoléon, elle fait des choix de vie conjugaux, sentimentaux et familiaux très modernes : vivant une dizaine d’années en concubinage quand le mariage est une norme à laquelle il est difficile d’échapper, un temps en couple avec une femme (Valentine Schlegel), ou encore choisissant d’élever sa fille sans le père biologique. Dans sa vie professionnelle, Varda a été tout aussi audacieuse. Mais la célébration d’une artiste ayant navigué avec aisance entre les formats et supports – le cinéma, mais aussi la photographie et l’art contemporain – peut avoir tendance à effacer les renoncements que ses partis pris lui ont coûtés.
Une précurseuse qui renouvelle des images
À l’âge de 26 ans, Varda produit et réalise La Pointe Courte (1954), et s’émancipe des règles cinématographiques en usage. Elle attache par ailleurs une importance égale aux personnages féminins et masculins : au travail des villageoises comme à celui des pêcheurs, à Philippe Noiret comme à Silvia Monfort, qui n’est pas réduite à un rôle de faire-valoir, de muse ou d’objet de désir.. Dans Cléo de 5 à 7 (1962), elle articule une trame narrative inédite, incarnée cette fois-ci par une chanteuse coquette dont la peur de la maladie l’éveille au monde qui l’entoure. C’est le « réveil du regard » bien avant que l’on ne parle du male gaze. Varda repense les formes et les récits autant que les représentations des femmes et du couple. Parfois en choquant, comme avec Le Bonheur (1965) où elle revisite aussi bien les aplats matissiens que l’imagerie de la femme au foyer des magazines « féminins », dépeignant un triangle amoureux avec une audace et une ambivalence inédites. À partir de la fin des années 60, l’attention qu’elle porte à l’expérience et la vie des femmes se politise plus ouvertement. Un esprit très en phase avec l’effervescence sociale de l’époque qu’elle embrasse et capte, notamment dans Black Panthers (1968). Mais qu’il s’agisse du droit des femmes à contrôler leur propre corps ou du poème baudelairien Les Dites cariatides (1984), il s’agit toujours de renouveler les images, loin de ce que Varda appelait les « clichés collectifs ».
En étant modestement lotie
À sa disparition en 2019, la cinéaste est célébrée comme l’une des figures les plus importantes de la Nouvelle Vague : La Pointe Courte comme l’une de ses premières manifestations et Cléo de 5 à 7, l’un de ses succès les plus emblématiques. Mais cette valorisation (ou révision de l’histoire) qu’illustre le récent classement des « 100 meilleurs films de tous les temps » de Sight and Sound, est arrivée tardivement. Si son ami Jean-Luc Godard réussit à enchaîner les fictions pendant les dix premières années de sa carrière, Varda doit attendre huit ans pour réaliser son deuxième long métrage. En dépit de ses débuts prometteurs, elle peinera toujours à obtenir la reconnaissance et le soutien financier de ses pairs. Son œuvre est ainsi hantée de scénarios inaboutis, de documentaires mal financés et de courts métrages certes astucieux, mais réalisés à la place de projets plus ambitieux. Avec pour conséquence des résultats au box-office peu spectaculaires, malgré une large couverture médiatique et festivalière, comme pour Les Glaneurs et la Glaneuse (2000) : copieusement commenté et vu par 125 576 spectateurs. Le Goût des autres d’Agnès Jaoui – pour citer une autre réalisatrice – en rassemble cette même année presque quatre millions, Être et avoir de Nicolas Philibert (2002) quasiment deux. Ces chiffres peuvent sembler d’autant plus étonnants que Varda est une figure populaire, la cinéaste française par excellence. Depuis 2008, elle est connue comme la « petite vieille » à la coiffure bicolore – distinction bourdieusienne pourrait-on dire, un peu comme Godard s’était lui-même créé un personnage public (qui fascinait, vers la fin de sa vie, sans doute plus que ses propres films).
Et pas si libre
En 1967, Varda sacrifie la possibilité d’un long métrage financé par la Columbia, Peace and Love. Se faire pincer la joue par le directeur du studio comme si elle était une petite fille, ça ne passe pas. Par représailles – d’avoir écarté la main paternaliste avec fermeté –, le projet est annulé. S’ensuit Lions Love (…and Lies), pour lequel elle arrive à trouver un budget auprès d’un producteur indépendant, mais réduit de 3/4, sans compter la direction de production à prendre en charge en plus de la réalisation. Dans cette affaire, Varda a toujours mis en avant la difficulté à obtenir le final cut. Et si elle a maintes fois dénoncé les inégalités dans le milieu du cinéma, notamment le fait que les producteurs ont du mal à confier leurs capitaux aux réalisatrices, elle préféra toujours lier ses propres difficultés non pas au fait d’être une femme, mais à l’exigence de son cinéma d’auteur. À la différence d’autres personnalités comme Delphine Seyrig ou Coline Serreau, qui développeront des propos féministes un peu moins « acceptables ». Le plus grand succès public de Varda (un million de spectateurs) est Sans toit ni Loi (1985). Elle y dessine une vagabonde en rage refusant les cadres de la société. Ce personnage à contre-courant est inséparable de son perpétuel mouvement, souligné par une série de travellings balayant un environnement hostile. Mona semble faire vaciller les normes, y compris celles de la mise en scène, en revendiquant une solitude radicale. Godard avait déclaré que pour faire un film, il suffisait d’une fille et d’un flingue. Comme l’a remarqué Lauren Elkin, Varda elle, prouve qu’une femme seule suffit.
[Source : communiqué de presse]
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Photographe, cinéaste et artiste, Agnès Varda a déployé sur 70 ans une œuvre personnelle et fondamentalement ancrée dans son temps. Sa filmographie compte plus de quarante courts et longs métrages naviguant entre fiction et documentaire. Elle est l’une des rares femmes de sa génération à avoir fait carrière en tant que réalisatrice et continue d’inspirer des générations de cinéastes même après sa mort en 2019.
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