« La Cenerentola » de Gioachino Rossini au Théâtre des Champs-Élysées
La popularité de La Cenerentola (créée à Rome en 1817 puis à New York dix ans plus tard) rivalisa pendant une bonne partie du XIXe siècle avec celle du Barbiere. Le merveilleux qui faisait le charme de la Cendrillon de Perrault a disparu dans l’opéra. Plus de carrosse magique se changeant en citrouille, plus de marraine qui règle toutes les difficultés d’un coup de baguette magique, et surtout plus de pantoufle de vair – cette chaussure à la fourrure délicate qui faisait les délices de notre enfance parce que son nom, déjà, nourrissait de féeriques ambiguïtés. A la place de celle-ci, un bracelet, qui permettra aussi la reconnaissance de l’élue. Néanmoins, Rossini et son librettiste ne s’attarderont pas vraiment sur cet épisode, capital chez Perrault, et alors paré d’un érotisme puissant.
Bien sûr, l’essentiel est préservé. Chez Rossini, Cendrillon est tenue en esclavage par ses deux demi-soeurs et son beau-père ; elle rencontrera un Prince forcément charmant et l’épousera. Mais l’opéra envisage cette trame connue suivant des points de vue fort surprenants. L’aspect moral y est omniprésent. Le sous-titre de l’ouvrage est bien “le triomphe de la bonté”, celle qui caractérise Cendrillon bien entendu, et tout devra concourir à ce qu’elle éclate. Rien n’est alors excessif qui peut servir utilement cette démonstration, jusqu’au contraste le plus souligné.
Ensembles vocaux plus magnifiques les uns que les autres
Dans ce conte qui n’est rien d’autre que le récit d’une initiation, Cendrillon a la faculté de passer avec aisance de l’estaminet au palais – peut-être parce qu’elle sait se conformer à l’esprit des lieux. Mieux encore que le livret, la musique de Rossini traduit ce changement. L’héroïne garde généralement la tête froide. Au début, elle est déterminée mais modeste, et la ligne qui est requise par le personnage se plie à cette exigence. Très intelligemment, le chant se fera plus héroïque dès que la jeune fille sera somptueusement parée. Rossini désirait que le registre de la mezzo qui doit chanter ce rôle soit d’une rare étendue afin que la voix s’ouvre et se déploie, insensiblement, à l’image d’un éventail. La mise en scène et le costume viennent alors conforter ce que disent les notes de musique. Et, comme Don Magnifico et ses filles, le spectateur est troublé : cette femme mystérieuse et admirable qui pénètre dans la salle de bal en enchaînant tous les coeurs après elle ressemble à Cendrillon ; mais c’est impossible ; l’ordre des choses établies ne le permettrait pas…
Dramma giocoso avant tout, l’opéra est porté par la confusion – des opinions, des genres et des sentiments. Musicalement, celle-ci prend plusieurs visages. Cendrillon s’embrouille dans ses propos quand elle veut expliquer au Prince sa position familiale. Plus loin, Don Magnifico perd pied dès qu’il est pris de boisson. Ce sera un autre éloge du bégaiement. Mais le traitement musical de la confusion s’entend plus spécialement dans les ensembles vocaux, plus magnifiques les uns que les autres. A ce titre, le moment le plus incroyable de l’opéra est sans doute le sextuor de l’acte II où les personnages commentent justement leur embarras face à l’enchevêtrement des événements. La confusion est alors portée à son comble. La signification du texte s’évanouit : seul persiste le jeu, halluciné et joyeux, sur l’énonciation régulière des syllabes et sur le frottement des consonnes, plus ou moins rudes, plus ou moins sifflantes. D’une manière naturelle, on claque des doigts, les corps se déhanchent, le pied vient conforter le rythme. Rossini l’a toujours dit : la morale ne saurait se passer de la bonne humeur.
« La Cenerentola »
Dramma giocoso en deux actes (1817)
Musique de Gioachino Rossini (1792 – 1868)
Livret de Jacopo Ferretti
Michael Güttler, direction musicale
Irina Brook, mise en scène
Noëlle Ginefri, décors
Sylvie Martin-Hyszka, costumes
Cécile Bon, chorégraphie
Arnaud Jung, lumières
Antonino Siragusa, ténor Don Ramiro
Stéphane Degout, baryton Dandini
Pietro Spagnoli, baryton Don Magnifico
Carla di Censo, soprano Clorinda
Nidia Palacios, mezzo-soprano Tisbe
Vivica Genaux, mezzo-soprano Angelina
Ildebrando D’Arcangelo, basse Alidoro
Concerto Köln
Choeur du Théâtre des Champs-Élysées
Production Théâtre des Champs-Élysées
France Musique enregistre ce spectacle.
Du 30 janvier au 5 février 2010
4 représentations
Samedi 30 janvier, lundi 1er, mercredi 3, vendredi 5 février, 19h30
Tarifs Euros : 135, 98, 78, 55, 30, 12, 5
Location : 01 49 52 50 50 / www.theatrechampselysees.fr
Théâtre des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne – F
75008 Paris
Métro : station Alma-Marceau. ou Franklin-Roosevelt (ligne 9)
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