“L’Été nucléaire” : un huis-clos à ciel ouvert au cinéma le 11 mai
Quand survient un accident à la centrale nucléaire voisine, Victor se retrouve confiné dans une ferme avec ses anciens copains du village.
L’orage menaçant, ils guettent le passage du nuage radioactif alors qu’ils auraient dû évacuer la zone. En 24 heures, ils vont perdre toutes leurs certitudes.
Les mots de Gaël Lépingle
L’origine : le nucléaire
J’ai grandi dans l’agglomération orléanaise, avec à l’horizon le panache de fumée des tours de refroidissement de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. J’ai le souvenir lointain des accidents de 1980 et 1987, les plus graves survenus en France. J’étais très jeune, et je m’étonnais que ce qui fabriquait le paysage de façon aussi rassurante et imposante (l’électricité, le génie humain) pouvait se retourner contre l’homme. Plus tard j’ai eu des amis qui habitaient tout proche de la centrale, et je me suis souvent demandé : qu’est-ce qui se passerait s’il y avait un problème ? Sachant que la question nucléaire exacerbe un sentiment de défiance envers le pouvoir politique, à cause des mensonges sur Tchernobyl et d’une information souvent brouillée sous les précisions technologiques.
La menace invisible
C’est un film qui joue sur l’invisible, puisque le danger radioactif ne se voit pas. Donc c’est un peu un film de fantôme sans fantôme : la menace nucléaire oblige à réinterroger tout ce qu’on voit, tout ce qu’on sent. C’est là, dans l’air, tout proche, mais on ne sait pas. C’est ça qui me guidait dans la mise en scène, rendre compte de l’épreuve que font les personnages de cette menace, alors qu’ils ne savent pas exactement comment se protéger. Montrer, de façon réaliste et documentée, comment ils réfléchissent, agissent, inventent, à partir des bribes d’informations qu’ils reçoivent des médias. En ce sens on quitte le terrain du film survivaliste – où les personnages ne tardent pas à se retourner les uns contre les autres. Au contraire, face à la froideur technologique implacable de la catastrophe nucléaire, je voulais opposer des comportements humains solidaires, où l’amitié, l’entraide, le soin restent les dernières armes pour tenir.
Un fantastique pris dans le réel
C’est un huis-clos à ciel ouvert : il n’y a pas moyen de s’échapper, les protagonistes sont autant enfermés dans la maison que dans le paysage. Les grandes plaines de Champagne, où se trouve la centrale de Nogent-sur-Seine, se caractérisent par leur aspect vallonné et la monoculture sur des étendues gigantesques, sans habitations, avec ces grands ciels qui sont à la fois beaux et menaçants. Plastiquement ça fait penser au cinéma américain à cause du gigantisme, mais c’est en France, on n’a rien triché! Le scope et le 35mm se sont imposés notamment à cause des scènes en extérieurs, pour « impressionner le vide ». Les rues désertes, les maisons abandonnées, apparemment rien n’a changé et pourtant tout a changé. C’est une leçon du cinéma fantastique, de faire surgir la menace du réel le plus banal.
Teen-movie
Je voulais des personnages jeunes, parce que cela fait résonner encore davantage les effets de la catastrophe. C’est à l’âge où l’on s’élance, où l’on se projette avec le plus d’intensité vers sa vie d’adulte, que le coup d’arrêt – soudain le futur ne sera plus jamais tel qu’on l’avait imaginé – est le plus cruel. On l’a vu avec la Covid et ses répercussions sur les jeunes et étudiants. Et en même temps la situation les hisse à un autre niveau, leur vie devient un destin. Il y a une forme de romanesque dans ces vies à peine commencées que déjà confrontées à leur propre effondrement. Je ne filme pas du point de vue des jeunes mais depuis cette distance-là, je les regarde avec la tendresse et l’inquiétude qu’on peut avoir aujourd’hui pour nos enfants, pour les générations qui arrivent et qui héritent de questions apocalyptiques.
Le casting : trouver un groupe
On a été chercher les acteurs dans des séries, sauf le rôle principal, Shaïn Boumedine, qui n’avait tourné qu’avec Kechiche et arrivait avec un jeu plus instinctif. Cette différence rejoignait celle de son personnage vis-à-vis de ses anciens camarades, puisqu’il ne fait plus partie du groupe tout en voulant retrouver sa place de leader, il y a des frictions, et ça frotte aussi au niveau du jeu entre eux, je trouvais ça intéressant.Tous les protagonistes sont issus d’un milieu modeste, ils flottent encore entre leur jeunesse et les décisions qui vont tracer leur vie – ainsi le couple Cédrik et Tiffany, l’un se destine à l’armée, l’autre à l’aide à la personne. Au contraire, Victor est un jeune qui s’est installé en ménage très jeune, il a une maturité et une gravité qui tranchent. Et pourtant les pôles vont s’inverser : peut-être Victor a choisi trop tôt un modèle qu’il reproduit. Et ses copains vont l’aider à réinterroger ses certitudes – notamment sa confiance dans l’État -, jusqu’à ce qu’à la fin où il ne restera rien du joggeur pimpant qui ouvrait le film.
Un film politique ?
On a commencé le tournage le jour de l’incendie de l’usine de Lubrizol à Rouen, terminé le montage en plein Covid, et le film sort juste après que la France a été recouverte de poussières de sables du Sahara plein de Césium 137 et que Poutine agite la menace nucléaire. On n’est quasiment plus dans le film d’anticipation, malheureusement. Un jour ça va arriver, et c’est effrayant. Alors oui, j’aimerais que le film permette de repointer les risques liés au nucléaire, de faire revenir le débat. À part Malevil, je ne comprends pas que le cinéma français ne se soit jamais saisi du sujet. Ce n’est pas un sujet anodin. Je n’ai pas voulu faire un film apocalyptique de plus, mais montrer les dangers déments d’une industrie qui fait partie de notre histoire, et presque de notre identité.
[Source : communiqué de presse]
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