Kapwani Kiwanga, Maji Maji – Jeu de Paume
Kapwani Kiwanga, Maji Maji Du 3 juin au 21 septembre 2014 Entrée : 10 € Jeu de Paume |
Du 3 juin au 21 septembre 2014
Chez Kapwani Kiwanga, la recherche anthropologique, la littérature et les archives sont au cœur d’une œuvre nourrie d’afrofuturisme, des luttes anticoloniales et de leur mémoire, de systèmes de croyances, de culture vernaculaire et populaire, ainsi que des différentes façons d’envisager les aspects invisibles et intangibles du magique et du surnaturel. Dans ses films, installations et performances, qui tous explorent la notion de croyance et de sa relation au “savoir”, Kapwani Kiwanga fait appel aux modes de représentation documentaires, à diverses sources matérielles et à des témoignages tant subjectifs que quasi scientifiques. Elle s’intéresse aussi aux différentes approches de l’incarnation dans l’art, surtout dans Afrogalactica, un projet de trilogie lancé en 2011 pour lequel elle a imaginé un personnage d’anthropologue venu du futur, un protagoniste qui navigue à travers d’immenses champs de savoir liés à l’afrofuturisme vu comme mouvement historique, aux genres hybrides et à l’astronomie africaine. L’exposition du Jeu de Paume s’inspire du récit historique de la guerre Maji Maji qui, entre 1905 et 1907, constitua l’un des plus grands soulèvements survenus sur le continent africain au début du XXe siècle. La révolte contre l’occupant allemand éclata à l’instigation de Kinjiketile, un médium spirite également connu sous le nom de Bokero. Possédé par l’esprit Hongo, il avait fait de nombreux adeptes et distribuait de l’eau sacrée (maji) supposée les protéger en transformant les balles allemande en eau. La croyance des combattants Maji-Maji dans le surnaturel était un moyen de galvaniser les insurgés, foncièrement convaincus de pouvoir instaurer un nouvel ordre social. Mais le maji fut sans effet et de nombreux Africains y laissèrent leur vie. Dans son exposition, Kapwani Kiwanga se penche sur les vides subsistant dans la mémoire vivante de la guerre Maji Maji et sur les traces matérielles de celle-ci, ainsi que sur l’imagination surnaturelle qui la traverse et la contextualise. L’artiste explique que ce sont souvent les présences qui rendent les vides perceptibles. Comme dans la dualité vide/présence, le surnaturel possède aussi le double pouvoir de protéger et d’agresser. L’empathie de Kapwani pour son sujet permet au spectateur de ressentir et d’imaginer ces vides disparus, insaisissables et inaccessibles. L’absence devient ainsi l’élément constitutif d’un récit revisité qui s’appuie sur la puissance de l’oral, du brisé et du fragmenté. Aujourd’hui, l’étude historique s’applique souvent à disséquer, à mettre dans des boîtes et à étiqueter. On crée ainsi des catégories et des significations qui sont rangées et stockées dans un système ordonné. Une autre méthode consiste à raconter l’histoire au travers des mythes et des anecdotes, des souvenirs et du ouï-dire. En concevant son exposition comme une archive subjective, comme une remise en cause de l’acte de compiler, d’organiser et de catégoriser, l’artiste mêle le récit à l’ordre subjectif en refusant l’illusion de totalité ou d’exhaustivité. Le système de rayonnages présent dans l’espace d’exposition ménage donc des cases vides réservées à la présence de l’immatériel et aux fantômes de pièces absences, tout en présentant des objets trouvés et des vidéos comme traces des recherches de l’artiste. Commissaire : Nataša Petrešin-Bachelez, commissaire indépendante. [Visuel: Lion empaillé. Collection du National Museum of House and Culture, Dar es-Salaam, Tanzanie. Crédit photo : © Kapwani Kiwanga] |
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