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Julien Salaud, une ascension fulgurante depuis le Salon de Montrouge

2 juin 2014
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Julien Salaud, une ascension fulgurante depuis le Salon de Montrouge

Le 2 juin 2014

Le 2 juin 2014

La 59e édition du Salon de Montrouge a fermé ses portes le 28 mai 2014. Comme chaque année depuis que Stéphane Corréard a été nommé à la direction artistique en 2009, le salon est devenu un rendez-vous incontournable de la planète art contemporain en France, où collectionneurs, galeristes, amateurs traquent les stars de demain. AMA a rencontré son invité d’honneur, l’artiste Julien Salaud.

Le salon, créé en 1955, a ainsi vu défiler Jean-Michel Alberola, Ernest Pignon-Ernest, Hervé Télémaque, Carole Benzaken,  Arnaud Labelle-Rojoux et plus récemment Théo Mercier ou Julien Salaud. AMA a rencontré ce dernier qui a fait une ascension fulgurante depuis le salon de 2010 où il a été lauréat du Prix du jury, ce qui lui a permis d’être exposé au Palais de Tokyo et de rencontrer la galerie parisienne Suzanne Tarasiève. Gageons que Tatiana Wolska – la lauréate du Prix du jury de cette année – ou Louise Pressager et Qingmei YAO – les deux lauréats ex-aequo du prix spécial du Jury – auront une carrière comparable. Rencontre avec un rêveur chamane qui a créé pour le salon un centaure féérique et une colline sortie de ses rêves.

Vous avez été invité cette année à exposer deux œuvres au salon de Montrouge. Pourriez-vous présenter le principe de votre travail ?

Ce qui m’intéresse c’est l’idée de métamorphose, qui est selon moi importante dans la construction de l’individu puisque c’est ce qui permet de passer à un stade plus en adéquation avec la vie que l’on mène et avec le lieu où on la vit. Ce qui m’intéresse c’est de me transformer de façon à avoir une écologie qui ne soit pas dictée par des lois et un système de justice qui soit imposé par l’autorité d’un Etat. Ce que j’aime bien dans l’imaginaire c’est l’esprit que j’ai découvert chez les Indiens : leurs légendes qui semblent sans queue ni tête n’ont aucune morale, ce ne sont pas des fables. Le résultat est que les Indiens ont copulé avec tout ce qui existe sur terre, les animaux, les oiseaux, les arbres, les rivières, la terre… Ils ont donc des liens de parenté avec tout. Cela crée de l’affect, et donc puisqu’ils aiment leur entourage, ils en prennent soin sans se poser de question. C’est cela qui m’intéresse dans leur écologie. Notre problème est que nous sommes nettement déresponsabilisés dans notre écologie d’Occidentaux, il faudrait qu’on réintègre nos responsabilités. Il faut rajouter du sentiment.

Pourriez-vous nous parler des deux sculptures que vous avez réalisées pour le salon ?

J’ai fait des pièces qui peuvent fonctionner indépendamment l’une de l’autre, mais j’ai utilisé les mêmes matériaux pour que des liens puissent se créer : des branches de noisetier, des peaux de chevreuil, des perles. Lorsque l’on regarde par la fente de la sculpture en forme de colline, on peut voir une œuvre qui était déjà exposée au salon de 2010, mais sous une autre forme. A l’époque, il y avait des clous uniquement sur la partie arrière et les fils étaient colorés. Le tout était exposé en lumière blanche. J’ai voulu montrer cette pièce dans un nouvel état car en général, mes pièces se métamorphosent.

C’est un processus sans fin, puisque votre propos est de travailler sur la métamorphose et les pièces elles-mêmes ont plusieurs vies car elles vont se transformer.

Oui, j’avais fait un cerf pour la Fondation d’entreprise Ricard : il était avec des clous et du fil blanc, ensuite, j’ai ôté tous les fils et les clous, et il a été transformé pour être montré lors de la Fiac hors les murs au Muséum d’histoire naturelle. Il était posé sur un socle et couvert de perles avec des branches à la fin des bois.

Est-ce que le jeu de la réintervention et de la métamorphose concerne également les pièces qui ont été acquises par un collectionneur ou par un musée ?

Cela pourrait se faire, mais je n’ai pas encore rencontré ce cas de figure. Je travaille à chaque fois sur des pièces dont je reste propriétaire, c’est aussi pour cela que je peux me permettre de réintervenir de cette façon dessus.

Vous n’avez pas forcément encore proposé ce concept ?
Le collectionneur achète une œuvre sur laquelle il y aura plusieurs interventions au fur et à mesure, selon votre envie, et c’est formalisé dans le contrat. Le collectionneur peut accepter ce concept d’une œuvre qui va se métamorphoser lorsque vous le souhaitez.

Je ne connais pas encore bien le monde des collectionneurs, mais j’ai l’impression que je serais beaucoup plus partant qu’eux. Dès qu’on rentre sur le marché, il y a des questions de pérennité de l’œuvre, de conservation…

Vous rappelez-vous de la présentation et du Prix du Jury qui vous a désigné en 2010 ?

J’étais très flippé, c’était la première fois que je présentais vraiment mon travail. Très souvent je dis qu’il y a dans mon travail un côté sombre, mais j’ai l’impression que je suis le seul à le voir.

Au contraire, je trouve que dans votre travail, il y a quelque chose de très positif, c’est comme si toutes ces perles envahissant le sujet le transformaient en un être hybride proche de la nature et rayonnant. Je ne vois pas cet aspect menaçant dont vous parlez.

Tant mieux. Le salon de 2010 m’a décomplexé et vraiment lancé en me permettant de rencontrer des amateurs comme Gaël Charbau qui me suit depuis Montrouge. Il m’a présenté à la Fondation Ricard, à Séoul, il m’a permis de rencontrer ma galeriste, Suzanne Tarasiève, il a écrit un texte critique dans le premier catalogue que Suzanne a édité au mois de septembre, il m’a fait rencontrer Jean de Loisy, Daria de Beauvais avec qui j’ai fait une petite exposition à la galerie Saint-Séverin. Jean de Loisy m’a fait faire la grotte stellaire au Palais de Tokyo, et l’a promue à Singapour.
Avant 2010, j’étais étudiant, j’ai terminé mon master à Paris 8 en juin 2009 et j’avais peur de montrer mon travail, et mes professeurs m’ont poussé. J’ai envoyé un dossier après avoir vu une affiche par hasard.

Vous travailliez depuis longtemps ce type de sculpture ?

Non, avant d’en arriver aux animaux je faisais de la peinture.

Donc pour le dossier de Montrouge, vous avez montré de la peinture ?

J’avais peut-être mis une peinture, plus des dessins et les premières sculptures. J’ai commencé à travailler les animaux empaillés en 2008.
Beaucoup d’artistes revendiquent le fait de faire des choses nouvelles, moi je ne suis pas dans cette optique-là, je n’invente rien, je réactualise des techniques traditionnelles, je travaille en groupe de cinq à dix personnes depuis deux ans, et je suis porté par des personnes qui me donnent des opportunités de présenter mon travail. Je ne pense pas qu’il y ait de travail artistique qui ne soit pas collaboratif. Et ça le devient très très vite. Il faudrait revaloriser le travail communautaire.

Ces pièces-là sont faites pour être présentées mais également vendues ? Ou elles auront une autre destinée après ?

Elles sont ouvertes à la vente. Les prix ont été convenus avec Suzanne, l’une est à 20.000 euros, l’autre à 45.000 euros.
Peut-être que les collectionneurs attendent encore que je fasse mes preuves pour investir sur des grosses pièces comme celles-là. Ce sont des budgets, et il faut de l’espace. Ces pièces s’adressent peut-être plus à une institution.

Pourriez-vous nous expliquer le choix du noisetier ?

C’est en rapport avec mes dessins, où, sur les montagnes ou sur les gens, il y a des branches qui poussent. On m’a parlé d’un saint représenté également comme ça. Et aussi le mont Golgoth où le Christ a été crucifié sur le crâne d’Adam. Il y a un peu tout ça. Un petit texte accompagne le tout : « Sur la montagne il y a un arbre, dans la montagne il y a une grotte, dans la grotte il y a un chevreuil, sur le chevreuil il y a des étoiles. » Il n’y a pas de morale à la fin de cela.

Vous avez rencontré Suzanne Tarasiève rapidement après le salon ?

Pas tant que ça. Après Montrouge, j’ai travaillé avec des jeunes galeries, en plus j’ai fait la bêtise de travailler avec trois en même temps, il y en avait une à Marseille, la galerie Bonneau-Samames (qui a fermé depuis), Bertrand Grimond et Da-End. Je me suis rendu compte que les jeunes galeries avaient aussi leurs preuves à faire, alors quand tu es jeune artiste dans une jeune galerie, accroche toi à ton porte-monnaie. Du coup, j’ai dit stop, il fallait aussi beaucoup trop produire ! Gaël Charbau a sollicité Suzanne pour qu’elle vienne voir l’exposition à la Fondation Ricard. Nous nous sommes rencontrés en août 2011, elle m’a exposé dès octobre 2011 à l’étage de la galerie. C’était un an et demi après Montrouge.

Il y a eu un changement de prix entre le moment où vous étiez représenté par des jeunes galeristes et le passage dans une galerie reconnue comme Suzanne Tarasiève ?

Non, pas tout de suite. Les prix ne peuvent pas exploser d’un coup. Mais par contre, vu que Suzanne a produit de grosses pièces pour l’exposition au Loft (il y avait la biche, le combat de cerfs, tous les grands panneaux…) donc les prix ont un peu monté à cause des frais engendrés par ces productions. Après Singapour, ils ont pris un petit millier d’euros. Je vends bien les petites et les moyennes pièces, mais moins facilement les pièces plus volumineuses.

Quels sont vos projets ?

Cela fait deux ans que je travaille avec des équipes relativement lourdes de cinq à dix personnes sur des gros projets, je m’éloigne un peu du travail de création, qui est censé être ma priorité, le poste auquel je dois consacrer le plus de temps, et il faut rééquilibrer cela. Il faut que je me mette dans une pratique expérimentale, sans enjeu de commande qui induit une pression, un budget, une date de remise… Il faut que j’aie la possibilité de pouvoir me tromper pour faire évoluer ma démarche. Il faut que je puisse avoir des moments où les accidents peuvent se produire.

On garde les pieds sur terre lorsque la reconnaissance arrive aussi vite ?

Je suis assez sauvage, je vais peu aux vernissages, certains me disent que je devrais le faire plus, mais en même temps je garde ma vie simple. Mon frère est mort trois jours avant mon exposition en Guyane, ma chienne est morte pendant le salon de Montrouge 2010, et là, je rentre de Singapour et mon père est mort en rentrant. Du coup, je ne peux pas décoller.

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