Hervé Di Rosa – galerie Louis Carré & Cie
La galerie Louis Carré & Cie, qui expose son travail depuis 20 ans présente du 25 octobre au 30 novembre, une trentaine de tableaux et 5 sculptures qu’il a réalisées pendant son séjour à Séville.
« Sa vision est radicalement antibourgeoise, enracinée dans l’esthétique d’une génération punk déjà fatiguée par le style pompier du rock des années soixante, et qui cherchait à se libérer de tous les modèles de consommation de luxe. Depuis le début des années quatre-vingt, il a été aux premières lignes de nombreuses années de création et d’évolution linguistique permanente, a participé à la Figuration libre à l’origine d’un bouleversement majeur dans la façon dont elle a absorbé le Pop Art et l’Art brut ; il a navigué à travers la bande dessinée, la télévision, le théâtre, créé son propre magazine. » écrit le critique d’art Kevin Power, dans le catalogue de l’exposition.
Il poursuit, à partir d’une conversation entreprise avec l’artiste dans son atelier : « C’est un voyage qui répond à un intérêt pour les techniques plutôt que pour les lieux, et qui n’a, bien sûr, rien à voir avec le tourisme.
Il s’agit pour lui de travailler avec des artisans locaux qui possèdent un savoir-faire, un savoir traditionnel et personnel d’un ensemble de techniques, auxquelles il veut avoir accès, et de se mêler à la population locale. »
« Le sujet n’a pas d’importance pour Hervé. Il ne cherche pas à raconter l’histoire de Séville. « Le sujet, dit-il, est une maladie ». Le vrai travail est toujours ailleurs, loin de son thème ; et il en allait de même à la Renaissance, selon lui, lorsque le plus souvent le sujet était imposé par la commande… »
« Hervé vit au coeur de Séville, niché entre le marché aux Puces d’El Jueves et le marché central désormais transformé en un morceau d’architecture baroque contemporaine et adopté par la ville sous le nom affectueux de Las Setas de la Encarnación (ou Champignons de l’Incarnation), une structure ornementée conçue par Jürgen Mayer-Hermann […]. Il travaille avec des images populaires, sans complication, colorées et directes, relevant largement de la culture de ceux qui l’entourent et qui disent le niveau de communication que l’artiste souhaiterait maintenir avec eux […] Il évoque la décoration de la vitrine de la boutique de l’électricien près de son atelier, avec ses rangées d’ampoules, ses pois colorés et ses séries de formes simples. Ce qui séduit Hervé dans ces vitrines, c’est qu’elles soient encore arrangées de la main de leur propriétaire, que les assemblages ne soient pas des arrangements standards, mais conservent la marque d’une pâte humaine. »
« Comme dans toutes les villes, il ramasse à Séville tout ce qu’il juge faire écho aux couleurs de la culture, détails qui recoupent d’autres cultures et contextes urbains, mais qui aident à définir le local : jouets, masques de comics, Dolls hospitals pour poupées, petits soldats, Infanteria espagnole, robes flamenca de la Feria, papiers de bonbons, X-Men, Alien/Extra-terrestres, une reproduction de L’Origine du Monde de Courbet, Megamind, Batman, Emma Frost, collection de papillons tropicaux. Sa table de travail est une accumulation sans fin du quotidien, dénuée de toute prétention, un mélange de pots de peinture, de voitures en plastique, de petits jouets et de Vierge étrange ; les murs couverts d’autocollants, « Trop vieux pour le graff, trop jeune pour mourir », de reproductions des processions de la Semana Santa (el baratillo, etc.), de collections Disney. Des BD s’empilent au sol, des séries de Pipo, Pepito, Pulgarcito (Petit Poucet), de telef-novelas, Hong Kong Fou Fou et des collectors de journaux et magazines comme Portadas de la Feria de 1954 à 1999, tous probablement dénichés aux puces. »
« Comme on pouvait s’y attendre à Séville, les vierges sont de retour avec une vengeance, celle de l’Amargura (l’amertume), celle des Desamparados (des sansdéfenses). Elles possèdent plusieurs yeux comme la vierge suspendue dans le choeur de Sainte-Anne avec les figures et totems africains. Comme souvent, la Semana Santa séduit Hervé, car, loin de représenter une tradition fermée, elle s’est volontiers laissée altérer par et pour le tourisme depuis les années soixante, intégrant à sa version originelle de plus en plus de processions, afin de la garder en mouvement perpétuel et de garantir des revenus aux petites entreprises et à l’industrie touristique ! »
Pourtant Di Rosa déclare : « Je déteste le tourisme, on n’y voit jamais rien. Quand je me déplace, c’est pour travailler un certain temps avec des personnes, pour prendre contact avec elles. Nous ne voyons pas assez de l’immense production artistique, artisanale et traditionnelle de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Pendant trente ans, j’ai voulu être capable de cela : appartenir à une sorte de communauté d’artisans ou d’ouvriers. Le travail de la nacre au Vietnam, la terre cuite au Mexique, les peintres d’enseignes au Ghana, les tisserands à Durban, les bronzes à Foumban… Finalement, les oeuvres ne sont que ce qui reste, les scories du projet artistique. Le véritable projet est de comprendre une façon de faire. Je veux que la pratique de l’autre intervienne dans mon propre travail, transforme mes propositions. »
Le critique d’art et ami de l’artiste Kevin Power observe encore « Di Rosa s’attache aux marges de l’art, car c’est là, selon lui, que peuvent encore se produire des choses hors des manoeuvres du circuit professionnel, sclérosé par son monopole. Il veut repartir de Dubuffet, et par là il entend se concentrer sur les matériaux, accepter les erreurs et affirmer le nomadisme comme forme de résistance et acte de violence…
Il repart de la vision de Dubuffet des marginaux, des fous et des enfants, pour aller vers les artisans ou fabricants spécialisés, marginalisés et souvent sans aucun contact avec le circuit professionnel de l’art. La vie de Di Rosa forme un processus continu de déménagement ; c’est un artiste nomade pris dans un processus de recommencement perpétuel et obsessionnel. Il défend l’idée de Dubuffet d’une « création sans penser à la création » et s’attache à poursuivre la tradition d’un art brut contemporain. »
Hervé Di Rosa – Pasaje Los Azahares, 41003 Sevilla
Du 25 octobre au 30 novembre 2013
Du lundi au vendredi, de 10h à 13h et de 14h à 18h30
Le samedi sur rendez-vous
Galerie Louis Carré
4, avenue de Messine
75008 Paris
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