Heimo Zobernig – Galerie Chantal Crousel
Cette fois à la galerie Crousel, le redoublement n’a pas lieu de manière évidente. En apparence, un lieu est dédié à des sculptures dont certaines datent des années 1980 et à des vidéos, l’espace de la Douane et l’autre, la galerie de la rue Charlot, est réservé à une série de peintures récentes.
Que dire des peintures d’où semblent émerger des mots d’un épais brouillard ? Elles sont réalisées à l’aide de lettrages adhésifs placés sur la toile et recouverts d’une couche de peinture blanche. Lorsque les adhésifs sont enlevés apparait ainsi un léger relief entre les lettres et le fond, qui persiste lorsqu’on ajoute d’autres couches de peinture à l’aide d’un couteau-palette. Parfois, une partie du fond est peinte directement en brun ou bleu sur la toile ce qui donne un effet plus foncé. Selon les configurations, les mots semblent alors émerger d’un brouillard ou s’y enfoncer. L’effet est phantomatique, la forme pure et minimale n’est plus l’apanage du langage comme on avait pu le voir dans de précédents travaux de Zobernig à l’instar de la série de peintures sur les termes « REAL » ou dans les wall paintings « AMERIKANER », « dCONSTRUCTIVISM » ou, le panneau « SKULPTUR PROJEKT MÜNSTER ». Les lettres apparaissent à présent en retrait ou en avance d’un ton et forment des mots se succédant, parfois avec des répétitions ou des coupures. Que pourrait-on en penser ? Des listes interrompues de genres artistiques, comme si Zobernig essayait de se convaincre ou de se rappeler de quoi il s’agit (PAINTING/PAINTING/SCULPTURE) ? Des jeux de mots bizarres (PAIN-TING) ? Une forme d’ironie à l’égard des artistes conceptuels, gardien des règles de langage, à la manière d’un Joseph Kosuth (BEIGE/OCHRE/MONOCHRO/ME/GOLD) ? Ou des rencontres qui font sourire (CONSTRUCTION/CHARM) ? Ce ne sont que des spéculations car « le texte n’est pas réellement sur la surface visible », nous répond Heimo Zobernig. « Les mots sont des peintures – des formes et des couleurs – et sont en filigrane sur la toile. Un phénomène. »
Sur certaines de ces peintures apparaissent un ou plusieurs fins tracés rouges qui viennent parasiter les fonds brumeux. S’agit-il des contours de formes réminiscentes de l’histoire de l’art ? « Parfois, je sais quelque chose, parfois je ne sais pas », explique Zobernig, évoquant de la sorte un inconscient artistique à la manière du jeune Ruskin et de son obsession des motifs que décrit Rosalind Krauss. Il est vrai que récemment, de manière surprenante, il a commencé à introduire des lignes courbes et des points dans les séries de tableaux inspirés de ses recherches sur Piet Mondrian et Ian Burn, alors même qu’il n’a cessé depuis ses premiers travaux d’explorer les questions laissées ouverte par l’abstraction géométrique. Les lignes courbes réintroduisent ici une dimension subjective dans un domaine qui, jusqu’alors, relevait de l’objectivité (l’abstraction géométrique). « La ligne libre est une forme subjective mais aussi une manière de chercher une “bonne” forme. La grille reste objective » (Heimo Zobernig). En même temps, l’introduction des figures anthropomorphiques dans son travail vidéo et sculpture correspond aussi à une forme de subjectivation. Par exemple, dans l’autre espace de la Douane sont présentées une vidéo le montrant ainsi engagé dans un combat contre des formes vaguement humaines en couleurs Bluebox, rouge vidéo, vert vidéo, ainsi que deux sculptures de la série des “lampes-étagères-mannequins”.
Le lexique composé d’un abécédaire de listes de mots réalisé avec Ferdinand Schmatz en 1992 avait fourni à Zobernig un cadre de règles qui a permis (en collaboration avec les graphistes Experimental Jetset) la création des affiches et de la couverture du catalogue de son exposition au CAPC en 2009. De la même manière, les listes de mots donnent ici à Zobernig la possibilité de travailler la forme et la matière des mots sur la surface de la toile. Il rejoint ainsi un débat sur l’objectivation de la poésie, qu’avait ouvert Mallarmé et Broodthaers, et qu’on peut suivre récemment dans les travaux de Josef Strau, de Clément Rodzielski, de Michael Krebber ou de Bernadette Corporation.
(dans le désordre)
Pain- ting Painting
Love Life Sculpture
Love Living Sculpture
Beige Ochre Monochro-me Gold
Spirit Fuck Painting
Painting Painting Sculpture
Construc-tion Charm
Lavoratory Laborator-y
Sculpture Painting Sculpture Scupture Sculpture
Subject Painting Object Sculpture
Painting Sculpture Sculpture
Beige Ochre Monochro
Beige Ochre Monochro-me
Par Catherine Chevalier
Exposition de Heimo Zobernig
Du 21 janvier au 2 mars 2011
Vernissage le 21 janvier 2011 de 18h à 21h
Galerie Chantal Crousel
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Agenda des vernissages – janvier 2012
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...