Gloria Friedmann – Play-Back d’Eden – Fondation Maeght
Artiste engagée, philosophe, humaniste, Gloria Friedmann, d’origine allemande, travaille en France depuis 1980. Son travail explore de façon intense le rapport à la nature, marqué, pour elle, par une forme de déracinement familial comme par la violence de l’histoire de la première moitié du XXe siècle. Formée auprès des cinéastes des années 1970, Gloria Friedmann débute son itinéraire d’artiste par la photographie, en autodidacte, pour déployer ensuite une œuvre puissante, d’une grande diversité formelle et technique.
« L’œuvre de Gloria Friedmann est un théâtre où les hommes et les animaux dialoguent, conscients d’appartenir au même espace, conscients d’avoir la capacité d’user de leur intelligence, même si cela est souvent nié. Dans une sorte de fiction en acte, Gloria Friedmann s’interroge sur leur histoire commune ou ce qu’il en reste, à travers leurs ossements découverts ici ou là. Héritière de certains collages photographiques Dada (Hannah Höch, Raoul Haussmann), Gloria Friedmann propose une pensée du cosmos très vivante et très contemporaine. Je suis heureux que cette artiste sur le « qui vive » ait accepté notre invitation : son exposition délivre autant d’intelligence sur le sort du monde que de tendresse vis-à-vis de notre condition d’être vivant » commente Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght.
Sculpture énigmatique de plâtre blanc, un homme en pied vêtu d’un pardessus froissé est muni d’un long chapelet de clés, L’Intouchable ouvre l’exposition. Figure silencieuse et isolée, ce « célibataire cosmique », peut-être souriant, présente sur son front une serrure fermée. Y a-t-il une clé pour ouvrir ses pensées ? Au terme du parcours, nous sommes invités à pénétrer dans une « chambre des merveilles », une « Wunderkammer » où une dizaine de têtes, faites de terre et de matériaux divers (ProteinSpecies), ne sont plus seules, désormais, mais se dressent parmi une centaine d’animaux naturalisés. L’histoire de ce changement, de cette humanité est l’histoire de cette exposition.
Une liberté sans concession
Les images du monde délivrées par Gloria Friedmann saisissent, perturbent les repères esthétiques et les échelles de valeurs. Elles déclenchent l’imaginaire, amusent autant qu’elles repoussent, apaisent ou inquiètent. Le grotesque est-il un jeu ou une menace ? La théâtralité, très présente, peut utiliser la sobriété, mais aussi révéler une part d’excès et de sauvagerie. Les couleurs « criardes » côtoient les matériaux bruts et la terre, première et neutre, dialogue avec l’artifice de la taxidermie. Des formes s’élèvent et se transforment : elles se confrontent avec celles qui s’enfouissent dans la matière. Les animaux naturalisés provoquent l’imaginaire intime alors que les vidéos emmènent le spectateur vers des rencontres improbables, « surréelles » au sein de l’espace social.
Trouver la forme juste d’une idée – juste et inattendue
« J’aime que l’œuvre signifie quelque chose et que la personne en face reçoive du sens, mais je ne suis pas, pour autant, une artiste à message. Je n’ai pas mieux compris que les autres, je suis semblable à tous, mais j’aime trouver la juste forme d’une idée – juste et inattendue » précise Gloria Friedmann dont l’œuvre présente néanmoins une volonté d’alerte, de mise en éveil. « Ce que je souhaite, c’est proposer aux autres une expérience, et, peut-être des possibilités de vie différentes ».
Entre nature et culture, humanité et animalité ?
« Nous créons la différence entre l’animal et la nature qui nous entoure », explique l’artiste qui, nourrie par des préoccupations qu’on peut qualifier d’écologiques, développe une œuvre très singulière sur le thème de l’animal et ses rapports avec les autres règnes. « J’étais d’abord une contemplative. Avec la nature je trouvais une certaine paix » déclare Gloria Friedmann, qui précise « je n’ai pas une approche rationnelle différenciant nettement l’être humain, l’animal et la nature. En ce qui me concerne, je me sens partie intégrante de cette nature. Cette vision est tantôt apaisante, tantôt inquiétante ».
Une œuvre contemporaine
Le travail de Gloria Friedmann est profondément enraciné dans son époque, dont il formalise certaines des absurdités, qu’il s’agisse comme nous l’avons dit du rapport au cosmos mais aussi à la société ou à l’humanité, aux technologies ou à la politique (Chambord, Absurdistan) : « Mon attitude n’est pas revendicative, ni d’opposition au mode de vie contemporain. Je sais profiter, par exemple, de toutes les techniques que l’époque peut offrir. Mais comment oublier d’où nous venons, même si nous sommes entourés d’écrans et d’objets industriels ? Mon travail consiste à tenir compte de cette réalité-là tout en la considérant d’un œil critique, en tentant de la contrebalancer». « Pour que ce soit de l’art, il ne faut pas que ça en ait l’air. Pour moi il ne s’agit pas de remplir des institutions existantes, ni de produire du préfabriqué pour musées. J’essaie d’avoir une attitude mobile, de saisir la vie de cette époque et de ne pas pleurer un paradis perdu ».
Diversité formelle et peintures inédites
« Quand j’ai décidé d’être artiste, j’ai éprouvé le désir d’occuper un terrain nouveau qui n’avait pas encore été exploré. L’aventure doit maintenant être menée jusqu’au bout. Le défi consiste ensuite à me dire que je n’y arriverai jamais et donc à mobiliser toute mon énergie pour me prouver le contraire » explique Gloria Friedmann qui présente pour la première fois, à la Fondation Maeght, un ensemble de fusains et de peintures sur toiles. Connue pour ses photographies, ses vidéos, ses tableaux vivants, ses installations et ses sculptures (terres, céramique, plâtre, polyester, acier, bois, verre…), Gloria Friedmann établit un lien entre ses peintures toutes nouvelles et la série des Karaoké (2002) présentée également à la Fondation Maeght en évoquant son désir : « En fait, la peinture, ce mode d’expression, me démangeait et les perroquets et leurs couleurs multiples m’ont ouvert une voie ».
Matière et transformation
Dans les espaces extérieurs de la Fondation Maeght, des sculptures dialoguent avec les grands modernes et contemporains qui les ont précédées. Le visiteur ira à la rencontre d’un corps de femme portant dans ses branches trois squelettes tout en se transformant en arbre. A la manière d’une héritière du romantisme allemand, la sculpture Elle construit un état de visions et de rêves. « Un être humain se promenant dans la nature sent souvent s’établir des liens étranges entre cette nature et lui-même » précise l’artiste. Les Inséparables est le titre d’une tête d’homme avec gorille, affirmant de manière très expressive et primitive cette relation profonde de l’homme et de l’animal. Cette sculpture monumentale est produite pour l’exposition avec le soutien du Musée de la Chasse et de la Nature.
Le travail de Gloria Friedmann est ainsi construit par le thème de la transformation, qui se nourrit de son rapport toujours vivant, toujours vigilant avec la matière. « J’ai besoin de me coltiner le réel le plus brut. L’idée de départ peut être parfaite à cent pour cent, elle n’a aucune existence. La matière résiste, elle a sa force propre. Il va falloir que je la maîtrise. C’est un peu de l’ordre d’un combat. La matière échappe au contrôle et le résultat est toujours une surprise pour moi » explique l’artiste qui, en superposant les couches de terre les unes sur les autres, se sert autant de l’abstraction que de la figure. L’important, pour elle, consiste dans les présences, les formes plutôt qu’une imagerie réaliste.
Gloria Friedmann en quelques dates
Expositions personnelles
2008 : « Lune rousse », Musée Bourdelle, Paris
2004 : « Happy end », Musée d’Art moderne de Saint-Etienne
1995 : « Pour qui ? Contre qui ? », Centre Georges-Pompidou, Paris
Expositions collectives
2013 : « Ici Ailleurs », Marseille Provence 2013
2012 : « Art and Press, art, truth, reality », Martin-Groupius-Bau, Berlin
2009 : « Against Exclusion », Moscow Biennial, Moscou
2007 : « Contrepoint », Musée du Louvre, Paris 2002 « La Force de l’Art 01 », Grand Palais, Paris 1987 : « documenta (8) », Kassel
L’exposition est réalisée avec le partenariat du Musée de la Chasse et de la Nature à Paris, qui a produit l’œuvre Les Inséparables, qui y sera présentée ultérieurement (www.chassenature.org).
Gloria Friedmann – Play-Back d’Eden
Du 30 mars au 16 juin 2013, de 10h à 18h
Plein tarif : 15€ // Groupes (+ de 10 personnes), étudiants et moins de 18 ans : 10€
Enfants moins de 10 ans : gratuit
Droit de photographier et de filmer : 5€
Fondation Maeght
623, chemin des Gardettes
06570 Saint-Paul-de-Vence
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