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Exposition Soft Peace – Brent Wadden – Almine Rech Gallery

30 mars 2016
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Brent Wadden Almine Rech Gallery

Soft Peace

Oeuvres de Brent Wadden

Du 14 avril au 28 mai 2016

Vernissage le 14 avril à 18h

Du mardi au samedi de 11h à 19h

Entrée libre

Almine Rech Gallery
64 rue de Turenne
75003 Paris
M° Saint-Sébastien – Froissart

www.alminerech.com

Brent Wadden Almine Rech Gallery copiePour le simple observateur, il semble s’articuler sur les toiles tissées de Brent Wadden (comment définir autrement cette combinaison si caractéristique mêlant laine tissée, coton et fibres diverses et variées tendue sur la toile) une géométrie de formes et de couleurs souvent hypnotique.

 

Une œuvre pourra présenter une répétition de triangles et de rectangles (ou de lignes tout en couleurs, horizontales, verticales et diagonales) ; chaque itération différant légèrement de la suivante : les angles un peu modifiés, avec ici et là une variation dans le déploiement des couleurs, une couture apparente, laissant penser qu’il s’agit non d’un ensemble uniforme, mais d’une pièce composée d’éléments distincts. 

On y trouve simultanément le rythme visuel propre à la machine et la marque perturbatrice du fait-main. De plus, si Brent Wadden intitule cette pièce 5 Green Bars (double fade) (2015), vous y voyez peut-être de votre côté cinq triangles oranges (car votre vision aura fait passer les bars à l’arrière-plan). Un dialogue commence alors. Peut-être avez-vous l’impression de participer à une expérience de psychologie de la perception. Peut-être n’êtes-vous pas encore certain de quoi il retourne exactement. 

L’amateur d’art qui découvre les œuvres de Brent Wadden pourra y distinguer différentes sources d’influence ; celle de l’abstraction géométrique ; du traitement radical de la couleur propre à l’expressionisme abstrait (même si nombreux de ses premiers travaux étaient principalement tissés en noir et blanc) ; et dans une moindre mesure de l’art optique, d’une touche d’art conceptuel, et peut-être d’un peu de la théorie de la couleur élaborée par Paul Klee (dont l’influence fut déterminante sur l’atelier de tissage du Bauhaus, organisé à l’origine par le peintre suisse Johannes Itten). 

Inhérente à ses méthodes de travail, il se profile en fin de compte dans la pratique de Brent Wadden la continuation d’une réflexion moderniste sur la grid [qu’on pourrait traduire en français, par une surface quadrillée]. Et pour cet artiste, qui débuta sa carrière en tant que peintre, tout est là : c’est le langage dans lequel il s’exprime et, en toute vraisemblance, dans lequel se formulent ses idées. Au-delà de ces références, ses dernières œuvres regorgent d’informations sur l’expérience de la vie humaine, passée, présente et peut-être même future. Brent Wadden vient d’une famille d’ouvriers. 

« J’ai le travail dans le sang », déclare-t-il dans un entretien. Chacun de ses travaux est le souvenir et l’expression même de son patient labeur. Il y a les mois passés à rassembler les matériaux, les journées à construire le métier à tisser et, au cas où on l’oublierait, avant l’assemblage des tissus en un produit fini, l’action même de tisser… 

Ce processus consiste à glisser deux fils positionnés en angle droit l’un par dessus puis sous l’autre, le tissage garde la mémoire ou la trace de l’énergie que l’ouvrier lui consacre. C’est peut-être pour cela que, si souvent, ce type d’ouvrage est riche en connotations mystiques (par exemple, tandis que le visiteur sonde l’une des œuvres de Brent Wadden, il lui viendra peut-être à l’esprit quelques vers de Weaving Your Name, écrit par le poète mystique indien du XVème  siècle Kabîr : « I weave your name on the loom of my mind/ To clean and soften ten thousand threads/And to comb the twists and knots of my thoughts », bien qu’il existe également pour l’artiste des liens avec l’artisanat traditionnel de la Nouvelle-Écosse, d’où il est originaire). 

De cette idée répandue dans la société occidentale découle celle selon laquelle le travail manuel ne survivra pas à l’ère des machines, de l’automatisation et de la fabrication assistée par ordinateur. Forme d’art datant au moins de l’époque néolithique, peut-être même du paléolithique, le tissage marque clairement l’émergence des premières civilisations. Bien plus tard, il compta parmi les tout premiers processus de mécanisation qui furent les moteurs de la Révolution industrielle et qui engendrèrent certaines des philosophies de fabrication à la base de notre société actuelle. 

Toutefois (et en partie à cause de ce processus d’industrialisation et plus tard d’automatisation), le tissage manuel est aujourd’hui souvent associé à une forme de plaisir casanier, au temps du repos (le tissage demande d’avoir du temps [libre]) ainsi qu’à une forme d’insurrection contre les avancées technologiques. 

Un statut avec lequel jouent assurément les pièces de Brent Wadden – comme en témoigne, aux extrémités de chacune d’entre-elles, la soigneuse dissimulation des fils desserrés. Si le tissage consiste notamment à apprivoiser la matière, dans la pratique de Brent Wadden les géométries, les fils aux couleurs variées (l’artiste confie avoir du mal à en trouver suffisamment) et les abstractions expressionnistes servent également à lui ouvrir la voie de la liberté. Ce qui de loin ressemble à de rigides géométries se révèle beaucoup plus fragile qu’il n’y parait, un équilibre précaire semble même apparaître de ces lignes et divisions irrégulières. 

De ces lignes on pourrait même dire qu’elles sont rastérisées, car quelque part, entre la chaîne et la trame se dissimule certainement un pixel fondateur. Et dans le métier à tisser, forme primitive de l’ordinateur, réside un générateur de motifs mathématiques, un organisateur d’informations. Tant pis pour le Néolithique… 

Les fils de couleur sont généralement achetés d’occasion (c’est à ce stade qu’intervient l’ordinateur, le site Ebay en particulier), souvent en quantité insuffisante que ce soit pour une pièce entière ou pour une de ses composantes. En ce sens, les œuvres de Brent Wadden témoignent aussi de types d’échanges et de communications régissant les marchés de tissus médiévaux et les manifestations plus anciennes encore du commerce international (n’oublions pas que ses œuvres sont faites de sorte qu’une fois extraites du métier à tisser elles peuvent être pliées, transportées puis étirées et fixées sur une toile avant d’être exposées au mur d’une galerie) ; elles vont au-delà du langage visuel de la forme et de la couleur pour exprimer quelque chose de l’ordre du travail en réseau et de la mobilité. 

Voici qui nous ramène au métier à tisser, à l’assemblage de fils en chaîne et trame et à la capacité de créer quelque chose d’harmonieux à partir d’éléments hétéroclites, une des particularités qui, indéniablement, participe au côté irrésistible de ce travail. Vers la fin du XIXème siècle, Gustave Flaubert commença un Dictionnaire des idées reçues. 

L’écrivain ne vécut pas assez longtemps pour terminer cet ouvrage qui, publié post-mortem, avait pour ambition de répertorier les différentes opinions, souvent infondées, parfois superstitieuses et toujours drolatiques, des petites gens de France. Dans l’entrée pour « art », Flaubert rapporte ceci : « Ça mène à l’hôpital. À quoi ça sert, puisqu’on le remplace par la mécanique qui fait mieux et plus vite ? ». Brent Wadden nous prouve le contraire.

 

A découvrir sur Artistik Rezo :
– Vernissages – Paris – Avril 2016

[Source texte: communiqué de presse // © Brent Wadden]

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