Duchamp aurait-il volé sa Fontaine ?
Duchamp aurait-il volé sa Fontaine ? Le 18 novembre 2014 |
Bien que la controverse soit souvent étouffée par les historiens de l’art, il existerait de nombreuses preuves expliquant comment Marcel Duchamp (1887-1968) se serait approprié l’œuvre d’une baronne et poétesse allemande, faisant habilement passer une sculpture de porcelaine pour son plus célèbre ready-made, Fontaine (1817).
L’histoire bien connue, que l’on retrouve dans les livres d’histoire, est fondée sur le récit de Duchamp lui-même : l’artiste aurait acheté un urinoir à la manufacture new-yorkaise J.L. Mott Iron Works, avant de le signer du pseudonyme « R. Mutt » et de présenter son œuvre à la Société des Artistes Indépendants sous le titre de Fontaine. L’œuvre a été rejetée, créant ainsi le scandale qui signait la naissance de l’art conceptuel, pour lequel l’idée ayant guidé la main de l’artiste, son simple choix, est considéré plus important que l’apparence visuelle et esthétique de l’œuvre. Des travaux menées par bon nombre de chercheurs, dont William Camfield, Kirk Varnedoe et Hector Obalk, ont peu à peu mis au jour des éléments prouvant que d’une part, l’œuvre n’avait pas été soumise par Duchamp en 1917, et d’autre part, qu’il s’agissait d’un envoi d’une artiste allemande, Elsa von Freytag-Loringhoven (1874-1927). La baronne, qui vivait à New York en 1917, était une artiste révoltée contre la société, qui travaillait avec des objets trouvés : de la ferronnerie, de vieux pneus, les transformant en uvres d’art. Selon Irene Gammel, historienne de la littérature, la « poète des objets trouvés » aurait envoyé cet urinoir renversé aux Indépendants suite à l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Allemagne, en 1917. Avec sa signature, « R. Mutt » homophone de Armut, qui renvoie à la pauvreté matérielle, mais surtout intellectuelle , Elsa faisait sa propre déclaration de guerre au monde des hommes, de leurs guerres, aux valeurs corrompues. À la mort d’Elsa von Freytag-Loringhoven, en 1927, Duchamp a commencé à laisser associer son nom avec cette œuvre, avant d’en assumer pleinement la paternité autour de 1950. Autographe ou non, la fameuse Fontaine a admirablement servi la critique et la déconstruction de l’art que proposait Duchamp. De nombreuses répliques de l’original perdu ont été réalisées à partir de photographies dans les années 1960 et sont aujourd’hui exposées dans de grandes institutions à travers le monde : le Moderna Museet de Stockholm, le San Francisco Museum of Modern Art, la Tate Modern, la National Gallery of Canada, le National Museum of Modern Art de Kyoto, ou encore le Centre Pompidou à Paris… Art Media Agency |
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