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Des algorithmes pour l’inimaginable : interview avec Michael Hansmeyer

18 septembre 2014
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ama

Des algorithmes pour l’inimaginable : interview avec Michael Hansmeyer


Michael Hansmeyer est un architecte post-moderniste qui utilise les techniques algorithmiques appliquées à l’architecture, explore l’art génératif et le logiciel CAO pour mener à bien des projets complexes de construction. Titulaire d’un MBA obtenu à l’INSEAD, et d’un Masters en Architecture (MA) de l’Université de Columbia, il travaille actuellement au sein du Groupe CAAD au département architecture d’ETH, à Zürich.

Bien connu pour son Subdivided Columns – A New Order (2010): des colonnes symétriques d’une grande complexité, créées par des prototypes fabriqués à partir d’outils en acier utilisés pour façonner une façade en plastique ABS, vouée à être exposée en extérieur et à être porteuse. Son dernier projet, Digital Grotesque (2013), utilise des algorithmes pour créer des formes qui apparaissent tant synthétiques qu’organiques. AMA a eu la chance de rencontrer Michael Hansmeyer, l’architecte nous présentant sa vision de l’architecture contemporaine.

Pouvez-vous nous présenter votre méthode de création ?
Mon travail est avant tout une recherche des formes plus qu’une recherche portant sur la fonctionnalité. La méthode consiste en l’utilisation de ressources disponibles telles que les technologies digitales, les ordinateurs, les algorithmes et procédés permettant de produire de nouvelles géométries et formes que nous ne connaissons pas, voire difficiles à imaginer. Le fait de voir que ces ressources et ces technologies peuvent être utilisées par les architectes et voir leurs effets sur les structures finales m’intéresse.

Quelle est votre approche ?
L’élément central de mon travail se trouve dans les algorithmes qui créent les structures que j’envisage. Traditionnellement, les architectes commencent un projet en connaissant le résultat final souhaité. Dans mon cas, je n’ai aucun contrôle sur le résultat final. La notion de contrôle est présente mais seulement dans les premières étapes, lors de la création du programme et du choix des algorithmes à utiliser. Le résultat n’est pourtant pas tout à fait prévisible. L’utilisation d’algorithmes rend le résultat non aléatoire, mais il comporte plutôt des surprises, ce que je trouve passionnant pour le travail d’un architecte.

Je ne cherche pas à micro-gérer le processus, j’utilise plutôt les technologies disponibles pour ajuster certains éléments ou aspects du processus. L’un des défis, je crois, est de savoir comment on sélectionne le «bon» algorithme afin de satisfaire la recherche de nouvelles formes. Dans le cas des Subdivided Columns, par exemple, la fonctionnalité n’était pas un facteur prioritaire dans l’écriture des algorithmes. Un de mes objectifs était de donner au processus autant de liberté que possible afin de tester ses limites.

Comment les autres architectes réagissent-ils à votre travail ?
Les réactions sont variables, suivant les pays et les cultures. Les architectes voient mon travail différemment suivant les formations qu’ils ont reçues, ou leurs caractères conservateurs ou libéraux. C’est également une question générationnelle. Les architectes expérimentés sont plus sceptiques vis à vis de mon travail et des procédés que j’utilise. La question qui m’est souvent posée est «Qui a conçu ça, vous ou votre ordinateur ?». Alors que les architectes de la nouvelle génération utilisent des ordinateurs et d’autres dispositifs, pour la simplicité et l’efficacité que cela leur apporte.

Comment envisagez-vous la relation entre votre travail et l’espace public ?
L’objectif est de concevoir mes structures, comme ma Subdivided Columns, comme des parties de l’espace public et de créer des éléments d’architecture sur plusieurs niveaux. Je cherche à créer des structures qui offrent une nouvelle perspective, qui offrent de nouveaux détails au fur et à mesure que l’on s’en approche.

Où verriez-vous vos œuvres ?
Je pense que c’est une question de contexte. Cela dépend de la manière dont la structure s’adapte à l’endroit et comment elle interagit avec les structures préexistantes. Il y a une place pour tout. Je trouve l’architecture plus intéressante quand elle s’adapte aux lieux et à l’échelle de son environnement. Les architectes contemporains doivent travailler très dur pour créer des structures qui peuvent s’adapter. Dans le monde de l’architecture, le manque d’échelle est un terme très péjoratif. C’est pour cette raison que je me concentre sur cette notion, tout comme les architectes contemporains. Je peux surmonter cette connotation péjorative et continuer à montrer la richesse et la pertinence de mes structures au grand public.

Quelle est l’échelle que vous avez adopté pour vos structures ?
Pour les colonnes, je les ai toujours imaginées à l’échelle des anciennes colonnes romanes. En effet, elles reflètent certains aspects et dimensions de ces structures anciennes. L’intention a toujours été de créer quelque chose d’architectural. De la même manière que les Romains imposaient des règles pour la construction de leurs propres structures. J’ai utilisé ces mêmes ressources mais dans un contexte contemporain.

Quel est le rôle des architectes contemporains ?
En tant qu’architectes, nous devons transcender nos approches fonctionnalistes. Je voudrais créer une architecture qui évoque le sens de la curiosité, de l’émerveillement et de la découverte. Cela doit être reçu par tous les sens, pour donner non seulement une force intellectuelle mais aussi provoquer une réaction viscérale.

Nous nous situons à une stade important à présent, où la conception computationnelle et la fabrication additive permettent d’imprimer tous les détails imaginables, sans que cela ne coûte plus que l’impression d’une simple boîte. Imprimer une centaine de formes très différentes ne coûte rien de plus que d’imprimer un même motif un grand nombre de fois. L’ornementation perd toute connotation sociale. Les arguments de la modernité rationnelle pour la standardisation ont perdu leur fondement. Le futur nous réserve bien plus d’individualisation et de customisation. La complexité, longue et périlleuse devient une opportunité qui n’attend que d’être explorée. Ce sera l’exubérance et nous serons surpris ! Durant ces dernières années, l’architecture a été divisée entre l’ingénierie et les écoles de Beaux-Arts. Par l’utilisation du design computationnel, nous avons une opportunité historique de lier ces deux idéologies.

Art Média Agency

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