De la rue au musée
L’histoire du graffiti est celle d’un mouvement underground, né dans les ghettos américains, les banlieues de New-York. Le Bronx, Brooklyn, Harlem sont, dans les années 60’, des territoires délaissés regorgeant de terrains vagues, des no man’s lands, où une population défavorisée s’évertue à survivre. Pour se protéger des gangs, les jeunes s’organisent dans chaque quartier en crews partageant la culture Hip Hop, cherchant à marquer leur territoire. Les writers vont envahir la ville de leurs pseudos (leurs « blazes ») pour gagner popularité et reconnaissance. Ils s’emparent du métro et des trains, qui assurent la circulation de leurs pièces à travers la ville, et instaurent peu à peu les codes stylistiques de cette pratique. L’art de la lettre engendre de véritables prouesses techniques dans un climat tendu entre crews mais aussi face aux autorités qui font preuve d’une tolérance zéro devant ce phénomène devenu incontrôlable. C’est une campagne d’éradication, une guérilla urbaine qui est menée dans la ville. Cet art est qualifié de « sous culture », de vandalisme. Il est jugé sauvage car exercé dans un espace public en toute illégalité et éphémère car souvent effacé par les municipalités ou par d’autres artistes. Soumis aux contraintes extérieures, cet art ne s’inscrit pas dans le circuit muséal malgré sa structuration en véritable mouvement artistique. Aux lettres devenues de plus en plus complexes et illisibles (« wild-style ») s’ajoutent peu à peu une figuration qui dépeint les paradoxes de la société. Les graffeurs s’adressent de plus en plus au grand public.
Le Street Art arrive en Europe dans les années 80 et gagne sa légitimité sous la plume des journalistes et sur les cimaises des musées. Les artistes investissent non seulement la ville mais également les galeries, entre escapades nocturnes et productions sur toile ou bois dans leur atelier. Les Street artistes de la seconde génération vont « bomber » sur des murs autorisés ou commandés. La pose sur toile marquera l’entrée du graffiti sur le marché de l’art. Les artistes européens vont s’approprier les performances de leurs ainés américains (Taki 183, Seen, Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Futura 2000). Leurs interrogations remettent en question les structures sociales, particulièrement dans un contexte de crise économique.
Les acteurs du marché de l’art se sont longtemps demandé si l’art contemporain urbain avait une place dans l’Histoire de l’art, une place sur un marché auquel il voulait se soustraire. Tout en créant encore dans la rue, les artistes contemporains investissent les lieux traditionnels de l’art pour faire reconnaître et pérenniser ce patrimoine éphémère. L’art urbain est aujourd’hui un mouvement artistique international qui regroupe toutes les formes d’art issues de l’univers de la rue. Ses figures emblématiques interrogent l’absurdité des clivages sociaux, questionnent l’urbanité et les rapports humains.
Laetitia Bélanger
[Visuel : Banksy graffiti on the Bottom of Park Street Bristol.Date 2008-04-07 (original upload date)Source Transferred from en.wikipedia; transferred to Commons by User:Mattbuck using CommonsHelper. Auteur Original uploader was Ajuk at en.wikipedia. Licence Creative Commons paternité – partage à l’identique 3.0 (non transposée)]
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