D’après une histoire vraie, le film “Cassandre”, de la réalisatrice Hélène Merlin, sort en salle le 2 avril
Été 1998. Campagne. Cassandre a 14 ans. Dans le petit manoir familial, ses parents et son frère aîné remarquent que son corps a changé. Heureusement, Cassandre est passionnée de cheval et intègre pour les vacances, un petit centre équestre où elle se fait adopter comme un animal étrange…
Elle y découvre une autre normalité qui l’extrait petit-à-petit d’un corps familial qui l’engloutit…
Extrait de l’entretien avec la réalisatrice Hélène Merlin
Cassandre est un prénom programmatique. Et votre titre, Cassandre ou la mécanique des ombres, inscrit d’emblée votre personnage au cœur d’un système.
Dans la mythologie grecque, Cassandre reçoit du Dieu Apollon le don de dire l’avenir mais, comme elle se refuse à lui, il décide que ses prédictions ne seront pas crues. C’est donc une figure féminine lucide et clairvoyante qui dérange et dont la parole n’est pas entendue. Même si l’époque est en train de changer et qu’on écoute davantage la parole des femmes aujourd’hui, ce prénom faisait sens, il permettait de convoquer la force de caractère d’un personnage qui ne se soumet pas. Quant au sous-titre, il précise que c’est le système dans lequel Cassandre se trouve piégée que l’on va découvrir. La famille est la plus petite unité sociale et résonne avec le fonctionnement de la société tout entière. Ce qui m’intéressait, c’était d’observer les mécanismes en action dans ce système et montrer la complexité des situations et des personnages.

Cassandre de Hélène Merlin © Shanna Besson
Les ombres de votre titre évoquent les fantômes familiaux qui peuplent l’environnement de vos personnages, à commencer par ce grand escalier décoré de photos et portraits d’ancêtres.
Cet escalier illustre effectivement une généalogie familiale avec son lot de fantômes, de secrets, de non-dits, de traumatismes, de souffrances. Ces ombres font écho aux loyautés inconscientes qui nous emprisonnent, aux parts obscures que nous portons en chacun de nous et qui peuvent se transmettre de génération en génération. La mécanique de la violence, c’est, par exemple, celle qu’a subie le père, qui s’abat sur Philippe, le frère, se répercute sur Cassandre, puis sur son cheval. La violence circule par un effet domino. L’enjeu de ce film était de mettre en lumière ces réactions en chaîne.

Cassandre de Hélène Merlin © Shanna Besson
Votre film s’ancre dans une réalité, la vôtre, mais dès les prémices du récit, vous faites tomber le quatrième mur et générez de la distance par l’usage de la marionnette, des voix off et regards caméra…
Le film s’articule autour de deux thématiques : l’intrusion et la transcendance. Rompre le quatrième mur, c’est incarner de façon formelle ce qu’est l’intrusion. Cette idée de faire des incisions dans le récit par différents procédés filmiques existe depuis le début de l’écriture. L’objectif était de surprendre, de donner à ressentir le malaise, l’étrangeté et la fragmentation d’une identité comme conséquences d’un traumatisme. Ça permet aussi d’amener de la conscience, du recul au spectateur, par rapport à ce à quoi il est en train d’assister. Les regards caméra des parents révèlent aussi à quel point ces personnages envahissent l’espace, du spectateur comme celui de leurs enfants. Ils veulent monopoliser l’attention à tout prix.
“La forme, c’est le fond qui remonte à la surface”, disait Victor Hugo, cette citation m’accompagne depuis longtemps et m’a vraiment inspirée pour écrire la grammaire du film. Je voulais par ailleurs inscrire le trajet de ce personnage dans une Histoire familiale et sociale, et la voix-off du début permet cette narration sur un temps long car elle place les personnages en perspective dans une Histoire qui les dépasse tous. Elle permet aussi d’entrer dans le film sans se laisser affliger par le sujet et amène d’emblée l’idée d’une résilience puisque le personnage est en vie et à même de témoigner. Je voulais aussi, par ce procédé, prendre le spectateur par la main et expliquer la complexité des mécanismes à l’œuvre pour déconstruire les figures de bourreau et de victime. C’est pendant la première scène de viol que la voix-off comme voix intérieure du personnage survient. Ce premier choc traumatique provoque une scission en elle, son corps est figé mais son mental continue de fonctionner. Et c’est cette voix intérieure que l’on retrouve dans les autres scènes intimes qui permettra de mieux comprendre la réaction de Cassandre, lorsqu’elle se met à presque devancer les abus, voire même à les provoquer. Cela peut sembler totalement incompréhensible pour un cerveau sain qui raisonne en dehors d’une situation traumatique, et la voix-off intérieure permet d’expliquer que dans ces situations anormales, la réponse que Cassandre a, a une logique propre, et raconte à quel point l’événement est en fait traumatique pour elle. Quant aux marionnettes, elles offrent des respirations dans des moments intenses et amènent cette idée de transcendance. À l’âge adulte, Cassandre a réussi à puiser son inspiration et sa force dans l’expérience qu’elle a vécue pour la dépasser. Les marionnettes qu’elle anime, s’inscrivent en filiation des figurines de porcelaine fabriquées par sa mère, et représentent cet héritage positif que Cassandre choisit de sublimer.

Cassandre de Hélène Merlin © Shanna Besson
Traitant d’une situation d’inceste dans un cadre familial toxique, ce film est susceptible de perturber un public sensible
[Source : communiqué de presse]
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