Cui Xiuwen – Galerie Dix9
Malgré son apparente simplicité, l’oeuvre de Cui Xiuwen recèle un contenu aux multiples significations. Sans intention militante avouée, l’artiste part de son expérience pour évoquer la condition de la femme en Chine et questionner les stéréotypes sur l’identité et le genre.
Née en 1970 dans une famille nombreuse et pauvre dans le Nord de la Chine, Cui Xiuwen commence par peindre. Membre du groupe des « Sirènes», elle expose comme ses trois amies dans son petit appartement, les femmes étant difficilement accueillies dans des espaces publics dans les années 90. Premier signe d’affirmation de son identité de femme émancipée, Cui Xiuwen peint des hommes nus.
Venue à la vidéo au tournant du siècle, l’artiste aborde le problème de la sexualité dans la Chine contemporaine. Ladies (2000) est le fruit d’une caméra cachée dans les « ladies room» d’un night club de Pékin où des prostituées bavardent en se préparant pour leurs clients. Dans Toot (2001), Cui Xiuwen se met en scène et paraît telle une momie immobile, enveloppée de la tête aux pieds dans du papier toilette. Image de la femme soumise aux regards de l’homme. Lentement des gouttes d’eau désagrègent l’enveloppe, laissant la femme nue et triomphante comme La naissance de Vénus de Botticelli.
Dans Public Space, l’artiste prend pour décor une projection de cinéma comme il en existait en plein air dans les années 70. Elle diffuse en boucle une scène de déclaration d’amour extraite d’un film de l’époque et s’interroge sur la réaction des jeunes d’aujourd’hui face à la même scène.
Sanjie est une réinterprétation de la Cène de Léonard de Vinci avec pour seule figure une jeune écolière chinoise portant un foulard rouge, symbole des membres du Groupe des Jeunes Pionniers. Ce foulard représente toute une période dans la mémoire de l’artiste. La chemise reste très blanche dans son souvenir, même si elle crée une image qui n’est pas aussi pure. Consciente que les mémoires deviennent floues, elle sait quela couleur de l’histoire tente de masquer les dérives et les erreurs du passé. Et Judas pourrait bien être en chacun d’entre nous.
Cui Xiuwen va dorénavant centrer son oeuvre sur l’innocence de la jeunesse avec un personnage qui semble être son alter ego, du moins une sorte d’icône qu’elle place dans différents contextes.
En 2004, elle se tourne vers la photographie. Dans la série Angel (2006 – 2008), la jeune fille, enceinte, est habillée d’une robe d’un blanc virginal. Seule, elle n’exprime pas la sérénité que pourrait supposer son état. Dans Angel 13, une larme coule. D’autres photos de la série démultiplient le personnage et les mettent en scène dans des lieux symboles de pouvoir. Ainsi les jeunes filles paraissent prisonnières, essayant d’escalader une pyramide de sable pour s’échapper de la Cité Interdite (Angel 6).
Avec ces modèles, l’artiste évoque le sort des jeunes femmes bridées par les traditions sociales ou la politique de primauté donnée à l’enfant mâle. Vendues autrefois dès leur jeune âge comme épouses, servantes ou concubines, elles sont aujourd’hui kidnappées, victimes d’inceste ou du Sida.
Ici encore se retrouvent des références culturelles composites. Une architecture impériale chinoise, un ciel bleu emprunté à l’art occidental, une adolescente bien contemporaine. Dans cette lumière égale et atemporelle, les incongruités du contexte (que vient faire une écolière seule dans le Palais impérial?) ou encore le maquillage artificiel créent une sorte de disharmonie sentie plus que perçue. Une sorte de nouvel opéra chinois qui transcende les particularismes de temps et de lieu.
Au retour d’un séjour au Japon, la dernière série de Cui Xiuwen (2009) qu’elle nomme Existential Emptiness, analyse les différents aspects de son moi, variables dans le temps et l’espace. Elle met ici en scène une jeune fille un peu plus âgée qu’avant, accompagnée d’une poupée qui lui ressemble. Assez monochromes, ces photographies s’inspirent de la peinture traditionnelle chinoise dans leur format et leur compositiontandis que la poupée rappelle les marionnettes du théâtre japonais bunraku.
Placées ensemble ou séparées, dans des mises en espace très étudiées, les deux figures sont les deux parties d’un puzzle, évoquant la dualité corps/âme, yin et yang, vie et absence de vie. Ainsi dans Existential Emptiness 1 elles sont allongées en miroir dans la neige, leur tête dirigée vers le centre de la composition. Parfois elles sont trés proches, ailleurs leurs silhouettes minuscules dans un paysage immense sont éloignées par une distance considérable.
Dans ces paysages gelés du Nord de la Chine, magnifiés par des formats démesurés, Cui Xiuwen opère dans un nouveau style où la poupée accentue le contenu symbolique de l’oeuvre. Une oeuvre énigmatique et forte, toujours emprise entre modernité et tradition.
Cui Xiuwen
Du 16 novembre 2010 au 8 janvier 2011
Du mardi au vendredi de 14h à 19h, le samedi de 11h à 19h et sur RDV
Galerie Dix9
19, rue des Filles du Calvaire
75003 Paris
Tél-Fax : 33(0)1 42 78 91 77
Métro Filles du Calvaire
www.galeriedix9.com
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