Cold Specks – live au Point Ephémère
La « Doom soul » de Cold Specks, c’est le son de la lutte et des conflits, mis au goût du jour avec toute la puissance et la force d’une voix qui semble arrêter le temps.
Cold Specks est une Canadienne de 24 ans, Al Spx. Ce n’est pas son vrai nom, mais c’est le seul qu’elle donne. Elle a écrit ses chansons pendant des années, dans le placard de sa chambre d’adolescente à Etobicoke, une banlieue de Toronto. « C’est juste une banlieue, explique-t-elle. Les gens sont gentils, mais il n’y a rien à faire. » Née dans une famille de sept enfants, Spx a partagé sa chambre avec une de ses sœurs et le placard était le seul endroit où elle pouvait s’isoler. « On essayait de faire plus de bruit que l’autre – elle montait le son de sa télé et je jouais de la guitare très fort, dit-elle en riant. Ce n’était pas facile ». Enfant, Spx était fascinée par la musique d’Afrique de l’Est de son père et le son du oud. Adolescente, elle opta pour quelque chose de moins exotique : la décharge d’adrénaline rock’n’roll du premier album des Strokes. Son éducation musicale se poursuivit : elle découvrit Smog, Tom Waits, les compilations d’Alan Lomax et l’album live de Sam Cooke au Harlem Square Club (« l’un des meilleurs trucs dans l’histoire du disque ! »). Elle commença à donner des concerts dans des maisons et des petits bars sous le nom de Basket Of Figs, en général avec un ami et partenaire, mais elle ne s’adapta pas naturellement aux rigueurs de la scène. « Un soir, on a organisé un concert ensemble. Un seul type est venu. J’ai arrêté après. »
En dehors de l’université, Spx exerça des petits boulots sans avenir, vendant des couteaux au porte-à-porte, travaillant dans une boucherie industrielle et répondant au téléphone dans un centre d’appels, ce qui lui valut d’autres pseudonymes. « Dans l’un d’eux, il fallait avoir un nom standard et je suis devenue Chris Johnson. Tout le monde doit être Chris Johnson un jour. » Hésitante au sujet de sa musique, Spx posta une série de EPs en ligne avant de changer d’avis et de demander au site d’en effacer toute trace. Finalement, elle rassembla ses compositions et grava une poignée de CD de 12 titres qu’elle ne donna qu’à ses amis. L’un d’eux traversa l’Atlantique et arriva chez son ami Noel Anderson, qui le passa à Noël lorsque son frère producteur, Jim, était présent. Dès qu’il l’entendit, Jim en tomba amoureux.
S’en est suivie une cour transatlantique : Jim a appelé Spx en février 2010 et lui a demandé de venir s’installer en Angleterre pour travailler avec lui. Après mûre réflexion, Spx décida de sauter le pas: « Londres est une mégapole – comme s’il y avait plusieurs villes dans la ville – et c’était un peu impressionnant au début, mais je m’y plais, » dit-elle. Ensemble, Anderson et Spx transformèrent les chansons puissantes et brutes en entités polies, recrutant au passage le collaborateur de longue date de PJ Harvey, Rob Ellis. N’ayant jamais joué avec un autre musicien, Spx forma un groupe pour donner vie à ces nouveaux arrangements somptueux. Tout en enregistrant l’album en 2011, Spx fit aussi ses vrais débuts sur internet, ouvrant, lors d’une soirée arrosée chez Anderson, une page Facebook sous son pseudonyme qui qualifiait de doom soul (soul lugubre) son propre son. « J’utilise le terme de doom soul pour décrire ma musique aux gens, explique-t-elle. Visiblement, ça leur parle. »
Quand le titre Holland est sorti sur les blogs, « tout a commencé à devenir dingue, les choses se sont accélérées. » Spx a attiré l’attention de l’émission de la BBC, Later… With Jools Holland, et fait ses débuts à la télé dans des circonstances difficiles. « J’étais venue à New York pour le festival CMJ. J’ai perdu mon passeport et mon visa la veille de mon retour, mon ampli vintage a été détruit pendant le voyage et j’avais d’horribles quintes de toux. On m’a collée au centre de la scène : Florence était juste là, Pete Townshend et Mary J Blige derrière moi, My Morning Jacket d’un côté, Brett Anderson de Suede de l’autre. J’étais morte de trouille. »
La doom soul de Cold Specks est forte en émotions. « I Predict A Graceful Expulsion » est intime et fermé par moments, ouvert et riche à d’autres, mais toujours touchant. Ses textes parlent de la difficulté de grandir, de religion (qui suscite encore la controverse aux USA où, à cause du mot Goddamn, Holland et Blank Maps ont été censurés à la radio) et des événements qui marquent une jeune vie. « Je crois que c’est un album sombre, remarque Spx. Ça ne pouvait pas être autrement. »
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