The Dark Knight Rises – film d’action de Christopher Nolan
Figure de l’ombre, ayant construit son aura super-héroïque sur la crainte d’une image traumatique, Batman est peut-être le plus étrange des Superhéros, en cela qu’il se situe toujours à la lisière de la morale et du Bien idéal, manichéen. Contrairement à Superman ou Spiderman, modèles de vertu et de justice irréprochables, Batman est un personnage ambigu, « Chevalier Noir » d’une cité qui ne peut pas être sauvée du crime et de la corruption mais purgée, car elle est déjà viciée et corrompue. Ce pourquoi, sans doute, la franchise réussit si bien, dans les années 90, au cinéma poético-macabre de Tim Burton.
En la reprenant en 2005 avec Batman Begins, Christopher Nolan avait su y imprégner sa marque, tirant parti de l’ambiguïté de son héros pour construire dans un monde post-11 septembre l’univers d’un justicier vengeur toujours en tension entre ombre et lumière. The Dark Knight, second volet de sa trilogie renouvelée, constituait ainsi un chef-d’œuvre d’action tirant son éclat de la noirceur d’une intrigue refusant le manichéisme hollywoodien : toutes les frontières morales y étaient brouillées, et dans un superbe final, Christopher Nolan résolvait magistralement un dilemme ancré au cœur de l’âme humaine, en affirmant que parfois c’est de l’Ombre la plus noire que surgit le véritable Bien.
Ainsi l’idée de voir le justicier masqué se relever éveillait une curiosité légitime. Quel adversaire serait de taille à motiver son retour, et surtout, à succéder à l’effroyable Joker brillamment campé par Heath Ledger – qui, hélas, s’est quant à lui définitivement éteint ?
La réponse de Nolan est Bane, un terroriste qui semble vouloir ressusciter la Ligue des Ombres et condamner Gotham à expier ses perversions en se consumant dans des brasiers jaillis de sa propre folie. Une malfaisance perçue comme venant de la ville elle-même, rongeant profondément le cœur de ses citoyens. Citoyens qui prennent tout d’abord Batman pour leur ennemi, depuis huit ans que le Chevalier Noir a disparu, laissant croire qu’il avait tué Harvey Dent, pour que le peuple de Gotham continue à avoir foi en cette icône de droiture. Préserver ce symbole d’espoir semble d’ailleurs avoir porté ses fruits, puisque le vote de lois fortement répressives appelées « Lois Dent » ont permis de ramener la paix dans la ville en remplissant la prison de Blackgate, où croupissent criminels et têtes de réseaux mafieux. Mais peut-on bâtir une paix durable sur un mensonge ?
En réalité, si le spectacle est bien au rendez-vous, le film s’avère plutôt décevant, à mesure qu’il s’enlise dans une vision d’Apocalypse au sens biblique du terme (Ce n’est sans doute pas un hasard si le terme d’ « exode » est même prononcé par un Batman en quête de rédemption !) Ainsi d’une certaine façon, ce sont diverses visions de l’Apocalypse qui se confrontent et s’opposent dans ce dernier opus d’une trilogie qui avait jusqu’alors si bien su résister à cet ésotérisme christique dont le cinéma américain d’action est trop souvent friand : Banes penchant pour la renaissance d’un Humain purifié après une destruction nécessaire quand Le Chevalier Noir, lui, recherche des Justes pour que soient accordés à toute la ville le pardon et le salut.
Ce délire mystico-chrétien est d’autant plus mal venu qu’il s’accompagne d’une construction mythologique autour du personnage de Banes des plus capillotractées. Car enfin, ce mythe originel d’un enfant légendaire évadé d’un enfer inaccessible, fruit des amours interdites d’un mercenaire et de la fille d’un seigneur de guerre à peine digne d’un mauvais film de série B Kung-Fu aurait pu coller à l’univers déjanté et parodique d’un Quentin Tarantino ; mais ainsi utilisé au premier degré pour renforcer l’aspect ésotérique d’un film noir de Superhéros, il apparaît totalement aberrant et grotesque. Si le souci de construire un mythe puissant autour du personnage du « Méchant » s’avère parfaitement compréhensible pour justifier la ferveur de l’antagonisme qui oppose un héros de l’obscurité aussi fantasmatique que Batman au Mal Absolu qu’est censé incarner Banes ; la tentative est ici ratée. La genèse croquignolesque de ce personnage lui enlève toute crédibilité.
Reste la beauté du spectacle et de la mise en scène de Chritopher Nolan, dont la caméra virevolte avec autant d’aisance que la Catwoman espiègle interprétée par la toujours magnétique Anne Hathaway.
Raphaëlle Chargois
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BAFTA 2013 (10 février)
- Nomination : Meilleurs effets spéciaux
Screen Actors Guild Awards 2013 (27 janvier)
- Nomination : Meilleure équipe de cascadeurs
Toiles du Sud – Festival du Rocher de Cotignac 2012 (du 17 juillet au 17 août)
- Avants-premières
The Dark Knight Rises
De Christopher Nolan
Avec Christian Bale (Bruce Wayne / Batman), Anne Hathaway (Selina Kyle / Catwoman), Tom Hardy (Bane), Marion Cotillard (Miranda Tate), Joseph Gordon-Levitt (John Blake), Michael CaineRôle : AlfredGary OldmanRôle : Jim GordonMorgan FreemanRôle : Lucius Fox
Durée : 164 min.
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