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Star Trek

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A bas la rationalité !

J.J. Abrams est un homme d’ambition. En noble enfant de la télé, créateur des séries Lost et Alias, il écume ses fonds de tiroirs et sort Star Trek de la poussière, la série de science-fiction fondatrice. Véritable entité télévisuelle à l’heure du tube cathodique, supportée par des groupes de fans amateurs d’effets en carton, de papier aluminium et de boutons en plastiques, le réalisateur passe un grand coup de torchon, prend sa baguette magique et que la poussière d’étoile scintille. On est au XXIème siècle, enfin ! On peut débourser 185 millions de dollars pour quelques kilomètres de pellicule, parce que quand même, ça fait longtemps que plus personne ne meure de faim. Nous vous défions d’ailleurs de me trouver un mort de faim dans Star Trek. Alors voilà, quand on est plongé dans un projet pareil, difficile d’appréhender toute forme de réalité. A bas la rationalité !

Années Lumière

Et au vu du résultat, comment donner tort à Abrams? Nos yeux s’envoient en l’air pendant les deux heures passées dans l’au-delà atmosphérique, balancés entre trois planètes. C’est un bonheur et Hollywood, une usine à rêve. Ce qui compte c’est le voyage entre deux planètes et la Terre – vu de Manhattan, c’est étonnant – un voyage qui n’évite pas les aberrations temporelles et narratives. Les héros affrontent leur futur pour transformer le passé, puis le trou noir, perte de mémoire collective. L’aveuglement se fait par les effets spéciaux : 185 millions à la fabrication de spacieux petits vaisseaux spatiaux et de faisceaux lumineux, il n’y a finalement que ça qui compte. Comment alors s’y retrouver dans ces déplacements temporels à faire perdre la boule aux agneaux de Back to the Future ? On n’est plus là pour penser, nous avions eu le siècle des Lumières, voici venir les Années Lumière… décennie 2010, années de la lumière ?

Performance Sou(cou)pe-opéra

Là où l’on peut se mettre à douter, c’est lorsque cette lumineuse démonstration technique ne vaut finalement que pour elle-même et qu’à son expérience visuelle et sonore. Il y a dans ce Star Trek un profond dédain par rapport à la richesse de pensée que peut apporter le genre science-fiction. Sous fond de guerre interplanétaire, le film se réduit à la naissance de l’amitié entre Kirk, l’humain et Spock, mi-homme, mi-vulcain. Mais, outre ce gentil et bien-pensant rapprochement des cultures, d’ailleurs imaginé dès 1966 par le créateur de la série, Gene Roddenberry, à l’intérieur de la navette Enterprise (franchement bien vu pour le coup !), le film souffre d’un cruel manque d’envergure. Les productions cinématographiques dans leur infinie majorité pâtissent d’avec la rencontre avec les autres arts. Combien de films en salles peuvent se targuer de remettre en cause l’existence et la nécessité de tel ou tel tableau, de tel ou tel roman ?

Sans faire dans la surenchère, pourrait-on simplement confronter l’unique performance technique de J.J. Abrams avec des chefs d’œuvre comme 2001, l’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick ou le Solaris d’Andreï Tarkovski ? Oserait-on pire, ne serait-ce qu’évoquer la formidable entreprise Fondation développé par l’auteur Isaac Asimov ?

La Fusée Abrams

La réponse est évidemment, non. Parce qu’à la différence de ces œuvres-ci, si ce dernier Star Trek avait quelque chose de complexe, il ne le devrait qu’à la déroute de son scénario. Médiocre, simpliste et paradoxalement cafouilleux. Vide de sens et d’ambition comme le néant de l’espace intergalactique. J.J. Abrams est une fusée, il ne s’étend pas. Formé à l’école de la série américaine nouvelle génération, il joue sur une tension permanente comme l’angoisse d’un zapping télécommande à la coupure pub. Au cinéma, sur grand écran, cette vivacité ne laisse au spectateur aucun répit. Il est à regretter que ces frissons ne soient dus qu’au seul et grossier jeu d’esbroufe organisé autour d’une superbe rayonnante partition musicale et lumineuse. Ce sont pourtant de grands hommes qui font les grands décors…

Florent Boucheron

Star Trek

De JJ Abrams

Avec Chris Pine, Zachary Quinto, Leonard Nimoy et Simon Pegg

Sortie le 6 mai 2009

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