Avatar – film de James Cameron
Un ex-marine se réveille dans une salle de cryogénisation après avoir dérivé dans l’espace pendant trois ans. Une fine pellicule fend la caméra et impose un effet de surimpression. En deux plans, James Cameron a défini le caractère visuel de son Avatar, et fixé les limites du projet. La scène, déjà vue, évoque le réveil d’Ellen Ripley en prologue d’Aliens le retour ; le visuel, révolutionnaire, annonce l’avènement d’une nouvelle forme de cinéma. Toute la dualité de ce grand film, malade de son histoire. Après quinze ans de development hell, James Cameron est enfin parvenu à exhumer son script Avatar, et avec lui toute la mythologie propre à la science-fiction. On suit donc Jake Sully, bidasse infirme dépêché sur la planète Pandora pour étudier sa population, les na’vi, et leur terre, source d’un minerai inestimable. A l’argument scientifique succède l’imminence de l’invasion humaine, motivée par son appétence économique et son désir de conquête. Mais sur place, Jake Sully rencontre la belle indigène Neytiri, pour laquelle il abandonne sa mission.
L’anticipation tardive
C’est dans la confrontation constante entre l’intime et le grandiose que se situe le cinéma de James Cameron ; quelque part entre le pur entertainement de Georges Lucas et le trip contemplatif d’un Terrence Malick. Comme sur le Nouveau Monde, il reprend le thème ultra codifié du western inversé et orchestre l’alliance contre-nature entre le civilisé et la sauvage. Suivant la structure narrative classique du récit rédempteur, il astreint le personnage de Jake Sully à toutes les étapes de transfiguration romantique : de l’ex-marine nihiliste à l’amant écolo champion des opprimés. Pour justifier la mutation de son anti-héros, James Cameron invoque une figure féminine vierge (l’idée de possession traverse tout le film) comme parfait négatif de son passé. A l’instar de Titanic, où le jeune insouciant DiCaprio se muait in fine en sauveur angélique, c’est aux mouvements du cœur que répondent les conversions de Jake Sully. Sa belle donc, mais aussi son dégoût progressif pour tout ce qu’incarne la civilisation, « le peuple du ciel ». Et Cameron de renouer avec ses vieilles thématiques : confrontation races (Aliens), péril technologique (Terminator) et suicide écologique (Abyss). Mais alors que la notion même d’avatar – et l’antagonisme qu’elle suggère – suffisait à dessiner la transformation du personnage, le réalisateur plombe son récit de dialogues sursignifiants. Comme dans ce plan où Jake Sully désormais na’vi convoque « l’arbre des âmes » (sic) pour l’aider dans sa croisade contre « ce monde qui court à sa perte ». Sans jamais retrouver la force de ses précédents films, Cameron balade ses acteurs anamorphosés dans une jungle new-age, petit théâtre du désastre humain. Partagé entre son désir de création d’un univers ultra réaliste (dialecte, bestiaire, flore) et ses enjeux dramatiques convenus, le réalisateur échoue dans l’édification d’une fresque type Star Wars. Annoncé comme révolutionnaire, cet Avatar souffre paradoxalement d’une écriture anachronique, sorte de synthèse du cinéma d’anticipation arrivée quinze ans trop tard.
Un outil de liberté
Mais le sujet est ailleurs. Conscient des limites de son écriture, James Cameron opère un basculement vers la nature première de son Avatar : le spectacle. A ce titre, son refus de développer des pistes narratives parallèles est particulièrement significatif. S’il interrogeait les relations mère/fille au cœur des batailles d’Aliens, s’il s’amusait de la déliquescence du couple en plein gunfight de True Lies, il resserre le cadre de son dernier film sur l’unique figure de Jake Sully. Nous voilà donc entraînés par un plan en vue subjective dans le parcours initiatique de cet avatar sur la planète Pandora. Secondé par l’équipe des effets spéciaux de Weta Digitals, James Cameron orchestre un voyage totalement immersif, redéfinissant les codes élémentaires de la grammaire cinématographique. Loin des expérimentations de Zemeckis, la motion capture est ici outil de liberté. Affranchie des contraintes techniques de la 2D, le réalisateur multiplie les mouvements de caméra improbables à la faveur d’une profondeur de champs sans limite. Ainsi ces visions d’une terre dévastée, renvoyant aux climat post-apocalyptique de Terminator, ou ces ballades nocturnes tirées de l’imaginaire de Miyazaki. Un sens de la démesure qui trouve son accomplissement dans la bataille finale, où s’opposent humains et na’vi, au rythme des incantations tribales du score de James Horner (Apocalypto). Et lorsque Cameron abandonne le champ de guerre, c’est pour mieux nous rappeler le statut de son film : un pur produit d’exploitation.<
Romain Blondeau
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Avatar
De James Cameron
Avec Sam Worthington, Zoe Saldana et Sigourney Weaver
Sortie le 16 décembre 2009
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