Les Aventures de Tintin – Le Secret de la Licorne
Transposer Tintin sur grand écran représentait un pari audacieux, tant furent nombreuses les générations d’enfants et d’adultes fascinées par les aventures du reporter à la houppette. Un tel challenge nécessitait donc bien la présence d’un réalisateur de la trempe de Steven Spielberg, dont la faculté de faire exister au cinéma des univers enfantins capables d’émouvoir petits et grands, n’est plus à démontrer depuis bien longtemps. Cependant le problème est qu’en dépit de sa maîtrise de l’angle de caméra, de sa connaissance manifeste de la BD et de son affection évidente pour le jeune héros, Spielberg passe à côté : l’adaptation n’est ni franchement réussie ni vraiment ratée.
Tout d’abord il y a ce fameux procédé de « motion capture » qui permet d’obtenir un plus grand degré de réalisme dans la représentation pourtant graphique des personnages. Au départ, c’est une bonne idée puisqu’il permet de sortir les héros de papier du carcan bidimensionnel de la BD, en recourant pour cela à une innovation technique purement cinégénique. Transposer la BD au profit du format dessin animé eût été un choix plus traditionnel, moins risqué et donc moins intéressant. Cependant, si cela n’est pas patent tout au long du film, ce procédé a également la fâcheuse manie de figer l’expression des « acteurs ». Ainsi se fait par moments cruellement ressentir l’impression que les personnages ont récemment subi un mauvais lifting, ce qui empêche leur nouvel univers de susciter la pleine adhésion du tintinophile de longue date.
Pourtant, l’atmosphère facétieuse de l’œuvre d’Hergé est bel et bien là. Certaines péripéties, telles que la traque du sympathique pickpocket Aristide Filoselle, la rencontre rocambolesque du jeune reporter et du capitaine Haddock, ou encore les effets dévastateurs d’une prestation de la Castafiore, sont admirablement bien rendues. Mais quelque chose manque dans la caractérisation de ces personnages en 3D.
Ce qui tient peut-être aux coupes et aux raccourcis qui sont allègrement effectués dans l’intrigue d’origine. Ainsi, le certes ambigu mais bien inoffensif Sakharine devient le Méchant du film, en lieu et place des frères Loiseau, complètement évincés au profit d’une histoire de vengeance, entre prédestination et réincarnation, qui n’apporte strictement rien au récit. A ce titre, il faut reconnaître que l’exercice d’adaptation exige toujours des concessions, qui bien souvent s’effectuent hélas au détriment de la profondeur des personnages. Mais le problème est qu’ici le procédé manque de cohérence, dans la mesure où les raccourcis ne sont pas censés favorisés la condensation d’une œuvre trop complexe, des éléments étant artificiellement rajoutés à la BD. Quel besoin était en effet de mélanger dans ce film syncrétique Le Secret de la Licorne, Le Crabe aux Pinces d’Or, Le Sceptre d’Ottokar, Les Cigares du Pharaon ?
En ne choisissant pas d’adapter la toute première aventure de Tintin, prenant la série dans l’ordre, mais l’un des albums – avec Objectif Lune – les plus emblématiques, Spielberg semblait engagé dans une démarche plutôt futée, qui ne nécessitait aucune surenchère. Tous les ingrédients d’un palpitant divertissement étaient déjà dans l’album : une mystérieuse enquête policière, des scélérats prêts à tuer et kidnapper pour déchiffrer l’énigme, une chasse au trésor, une bataille avec des pirates, et des gags à foison. En voulant en faire plus, Steven Spielberg en fait trop, comme s’il n’avait finalement pas confiance dans la capacité de la BD à captiver un spectateur d’aujourd’hui. Il commet alors une erreur inimaginable : celle de confondre trépidance de rythme scénaristique et cacophonie visuelle. Voici donc Tintin et Haddock lancés dans une gradation d’action et d’effets spéciaux, dont le paroxysme est atteint dans une invraisemblable course-poursuite à-travers le sultanat de Bagghar. Non seulement la séquence est superflue, mais elle va effectivement tellement vite que l’on s’y perd comme dans la ville labyrinthique : au bout de quelques secondes à peine, on n’y comprend déjà plus rien. Dès lors, ce qui se produit sur l’écran ne ressemble plus à la transposition d’une BD, ni à la réalisation d’un film autonome ; mais plutôt à une attraction, ou plus exactement à une séquence animée destinée à assurer la transition entre deux niveaux d’un jeu vidéo.
En outre, comme s’il redoutait que les producteurs ne lui laissent pas l’opportunité de réaliser la suite que l’album Le Secret de la Licorne exige, et dont il laisse entrevoir la possibilité ; Steven Spielberg accole une conclusion bancale et peu nécessaire à l’aventure, qui laisse un peu perplexe. De tout ce micmac, il résulte un divertissement agréable et drôle, qui frôle l’esprit de Tintin, mais sans jamais vraiment l’atteindre, constat frustrant s’il en est.
Raphaëlle Chargois
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Producers Guild of America Awards 2012 (21 janvier)
- 1 nomination : Meilleur Producteur de film d’animation
Golden Globes 2012 (15 janvier)
- 1 prix : Meilleur film d’animation
The Washington DC Area Film Critics Association Awards 2011 (5 décembre)
- 1 nomination : Prix du meilleur film d’animation
Voix d’étoiles – Festival International des Voix de Films d’Animation 2011 (26-29 novembre)
- 1 prix : Etoile d’Or de la Meilleure voix masculine
Les Aventures de Tintin, le secret de la licorne
De Steven Spielberg
Avec Jamie Bell, Andy Serkis, Daniel Craig, Nick Frost et Simon Pegg
Sortie le 26 octobre 2011
A découvrir sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2011
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