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Présumé Coupable

13 septembre 2011
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Presume Coupable

La Justice, dit-on, est aveugle. Elle n’établit aucun verdict au faciès, ne considère pas ceux sur qui elle s’exerce en fonction des préjugés qui parasitent la compréhension des individus-sujets ; elle est aveugle, donc équitable et identique pour tous. Sauf que si dans la mythologie égyptienne, la déesse Maât n’avait pour évaluer les âmes qu’à poser le cœur des défunts sur une balance ; il est de nos jours plus compliqué de juger ceux que l’on soupçonne d’avoir enfreint les lois de la société. Alors les paupières vides de la Justice deviennent un réel handicap, proclame Présumé Coupable, deuxième long-métrage de Vincent Garenq, terrible récit du calvaire d’Alain Marécaux. Car empêchée d’ouvrir jamais les yeux, la Justice oublie de considérer l’Humain, transformée en un système implacable, une machine de destruction étouffante et désincarnée. « On ne fait pas une instruction dans l’émotion » déclarera d’ailleurs au procès d’Outreau le juge Burgaud, ici interprété par un Raphaël Ferret absolument glaçant.

Les faits sont connus, le scandale est passé par là. Myriam Badaoui, son mari Thierry Delay, ainsi qu’un couple de voisins, avouent en 2001, suite à une enquête des services sociaux, avoir violé, abusé sexuellement et prostitué leurs propres enfants. Une affaire qui semble se révéler de plus en plus sordide à mesure que Myriam Badaoui dénonce des complices, clients, violeurs, peut-être assassins. Dans le contexte anxiogène généré par l’éclosion de l’affaire Dutroux en 1996, le jeune et ambitieux juge Fabrice Burgaud croit démanteler un vaste réseau de pédophilie sur le territoire français. Treize personnes se retrouvent sur les bancs des Accusés au tribunal de Saint-Omer le 4 mai 2004, après avoir passé entre un et trois ans en détention préventive. Peu après l’ouverture du procès, Myriam Badaoui avoue avoir menti.

C’est sur le supplice vécu par Alain Marécaux que le film centre le récit de cette débâcle judicaire. Le spectateur est prévenu dès le générique d’ouverture : la fidélité au livre du vrai Marécaux (Chronique de mon erreur judiciaire : une victime de l’affaire d’Outreau, éditions Flammarion, Paris, 2005) sera totale. Ainsi, tout au long du film, Vincent Garenq prend le parti de cet homme que, contrairement à la Justice, il regarde bien au fond des yeux. Philippe Torreton prête pour l’occasion ses propres pupilles à Marécaux, se glisse littéralement dans sa peau. Une peau qui va intégrer la souffrance, la déchéance, comme autant de stigmates.

Présumé Coupable ne laisse pas plus de répit au spectateur que la machine judiciaire n’en laisse à Marécaux : dès les premières images, la violence est ressentie. La police fait irruption chez la paisible famille au petit matin se signalant par de brusques coups à la porte, tire froidement les enfants du lit, retourne les placards. La politesse d’un Marécaux surpris ne rencontre que des tutoiements méprisants, des menaces, des allégations. Ses questions demeurent sans réponse jusqu’à l’arrivée au poste. Et puis c’est la pression psychologique pour extorquer des aveux. La présomption d’innocence est inexistante. Privé de tout recours, Marécaux entame une lente dégradation, d’abord amaigri par l’angoisse, cumulant les tentatives de suicide, puis choisissant la grève de la faim comme ultime forme protestataire. Philippe Torreton impressionne. Métamorphosé dès le début du film en une version bonhomme et bedonnante de lui-même, il diminue peu à peu physiquement. Son visage et son corps se creusent. Sa performance charnelle, la dureté qui émane de la vision des scènes carcérales, ne sont pas sans évoquer Hunger, le film de Steve McQueen qui narrait la lutte à mort menée en 1981 par Bobby Sands, dans l’effroyable prison de Long Kesh en Irlande du Nord. Mais quand Steve McQueen préservait la grâce par un contraste permanent entre une mise en scène poétique et l’horreur de son sujet, Vincent Garenq, lui, choisit de ne rien embellir. Il livre une vision sans concession de la cruauté judiciaire, admirablement soutenue par l’interprétation indignée de Philippe Torreton. C’est ainsi que le film est paradoxalement à la fois trop démonstratif et terriblement intelligent : sous le regard du spectateur, la souffrance d’un Homme qui cherche désespérément celui de la Justice ne peut laisser indifférent.

Raphaëlle Chargois

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Présumé Coupable

Film de Vincent Garenq

Avec Philippe Torreton, Raphaël Ferret, Noémie Lvovsky et Wladimir Yordanoff

Sortie le 7 septembre 2011

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– les films à voir en 2011

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