Passion – film de Brian De Palma
Dans son dernier film, Crime d’amour, Alain Corneau décortiquait une relation démoniaque de possession, d’intimidation, de séduction, d’admiration et de haine sur fond de hiérarchie dans une multinationale. Deux femmes, la patronne et l’employée modèle indécente à force de beauté et de talent, se livrent à un jeu de massacre dont Corneau, en excellent technicien, parvient à retranscrire toute la fibre transgressive. Tout en respectant la trame du Français, c’est un film qui lui ressemble à sang pour sang que livre le plus européen des cinéastes américains.
De Palma s’est en effet adjoint les services du chef opérateur d’Almodovar (sur La piel que habito notamment, thriller très proche de l’univers de De Palma), du producteur de Crime d’amour et surtout de Pino Donaggio, son compositeur fétiche (Carrie, Pulsion, Blow out et Body Double) qui réalise une partition qui s’inscrit parfaitement dans la lignée de leur ancienne collaboration. Le décor quant à lui, est planté à Berlin. Le maestro se charge d’injecter son immense savoir filmer dans cette histoire qu’il va faire totalement sienne.
Depuis toujours, la grammaire de palmienne passe par le regard et tout ce qui s’y agrège. Le voyeurisme patenté du spectateur, toujours convoqué, ne manque pas ici d’être sollicité avec notamment cette utilisation que le cinéaste a systématisé du split screen (écran partagé). Il y ajoute cette multiplicité des points de vue qui avait atteint son acmé d’efficacité dans le génial Snake Eyes à travers les organes de visée et de vision, en particulier ici de la caméra (de surveillance, de téléphone portable) mais aussi d’écran télé comme dans cette scène où Christine humilie publiquement devant tout son staff la pauvre Isabelle qui ne peut trouver d’autre échappatoire que d’éclater d’un rire forcé pour sauver la face.
Un rire de connivence ne peut d’ailleurs s’empêcher de s’emparer du spectateur, et plus particulièrement du « de palmophile » qui retrouve disséminés ça et là des indices pour ne pas dire des clins d’œil. Mais nous sommes bien sûr très loin de la comédie et si le cinéaste s’amuse, c’est surtout avec notre entendement. Brouillant à l’envi les pistes qu’il fait réelles ou oniriques parfois même au deuxième degré du rêve, il nous embarque dans son vaisseau de fantômes et de masques, optant résolument vers la coloration transgressive du propos. Si les hommes ne sont pas à la fête dans « Passion », les femmes, sublimées physiquement, fardées et vêtues de ce rouge andrinople « saisi-sang » ne font manipulatrices à souhait, assumant leurs ambiguïtés, sexuelle notamment.
La caméra, aussi froidement brûlante que chaudement glaciale selon qu’elle filme les êtres ou les décors dans lesquels ils évoluent, n’a pas perdu de sa virtuosité. Aux décors intérieurs aussi distordus que les esprits des protagonistes dans les phases oniriques où les jeux d’ombre se taillent une place de choix, succèdent des plans d’une rigueur géométrique frôlant le hiératisme absolu. De cette alternance naît un film d’une beauté plastique sidérante à laquelle l’interprétation remarquable notamment des deux comédiennes principales ne fait que confiner vers le prix d’excellence. Un retour au thriller réussi par ce cinéaste démiurge qui, tout en lorgnant toujours vers Hitchcock, a depuis longtemps tracé son sillon que suivent désormais tant bien que mal bien de ses émules.
Franck Bortelle
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Mostra de Venise 2012 (du 29 août au 8 septembre)
- Sélection officielle
Passion
De Brian De Palma
Avec Rachel McAdams, Noomi Rapace et Karoline Herfurth
Durée : 98 min.
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– les films à voir en 2013
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