Jane Eyre – drame avec Mia Wasikowska et Michael Fassbender
En pleine ère victorienne, trois timides sœurs vivant recluses avec leur frère alcoolique dans leur manoir isolé, perdu dans la lande anglaise, révolutionnèrent la littérature en écrivant de fougueuses passions amoureuses qu’elles ne connurent jamais. Ainsi, l’histoire-même des sœurs Brontë aurait pu suffire à construire leur aura de mythes littéraires. Mais en plus d’avoir été ces personnages énigmatiques et solitaires, elles ont offert au monde au moins deux chefs-d’œuvre intemporels et d’une grande modernité ; Les Hauts de Hurlevent, magnifique histoire d’un amour tumultueux qui se prolongera par delà la mort, dû à la plume d’Emily ; et Jane Eyre, œuvre de Charlotte Brontë.
Orpheline maltraitée par ses cousins et finalement chassée par sa tante, la sèche Mrs Reed, Jane Eyre grandit brimée dans un pensionnat où elle voit sa seule amie mourir de consomption. Suite à cette tragédie, néanmoins, les conditions déplorables d’existence des jeunes filles sont dénoncées, et l’école de Lowood reprise en main. Jane Eyre y achève donc son éducation et trouve une place de gouvernante à Thornfield, pour la pupille du terrible et caractériel Mr Rochester. Rochester exerce sur la jeune femme un pouvoir étrange, mêlé de fascination et de répulsion. Il est effrayant et semble cacher un lourd secret, mais fait battre le cœur de Jane, que personne n’a jamais aimée. Dans le paysage presque irréel du domaine de Thornfield, au cœur de la lande désolée, les destinées de tous vont être bouleversées…
Le cinéma et la télévision se sont souvent emparés de la palpitante histoire de Jane Eyre avec plus ou moins d’idées, et par conséquent, plus ou moins de bonheur, la violence de la littérature romantique n’étant au fond, pas si aisée à retranscrire en passant des mots à l’écran. Toutefois, la version que nous propose Cary Fukunaga a la très grande qualité d’éviter le sentimentalisme facile auquel on aurait pu craindre de voir réduit le superbe roman de Charlotte Brontë. D’une part, parce que le scénario, sans pour autant tout pouvoir reprendre des péripéties vécues par son héroïne, en capture suffisamment l’essence pour imprégner l’imaginaire des spectateurs. Ensuite, parce que la mise en scène délicate de Cary Fukunaga restitue avec talent et poésie l’atmosphère de cette lande anglaise sauvage, du mystère qui plane sur Thornfield et semble menacer tous ses habitants cependant qu’une idylle naît en son cœur. Et enfin, parce que le casting est irréprochable.
Mia Wasikowska prête avec grâce son teint diaphane au personnage de Jane Eyre, que Rochester se plaît souvent à décrire semblable à un petit oiseau perdu. Mais surtout c’est le décidément toujours excellent Michael Fassbender qui impressionne, en se glissant dans la peau de l’effrayant Mr Rochester. Lunatique, le regard trouble et hanté, déroutant, diablement séduisant, il magnétise l’écran dès sa première apparition, surgissant au crépuscule d’une sombre forêt. Ainsi l’acteur incarne avec force l’un des personnages les plus fantasmatiques de toute la littérature victorienne, et semble prouver une nouvelle fois qu’il peut tout jouer ; lui qui composait déjà un Bobby Sands plus vrai que nature dans Hunger, ou un Carl Jung éminemment complexe dans A Dangerous Method.
Bien sûr, on pourra donc regretter que le déchaînement des passions habitant le roman de Charlotte Brontë ne transparaisse pas davantage dans la mise en scène, somme toute d’un grand classicisme formel, et pâtisse peut-être justement d’une trop grande délicatesse. Mais ce serait inutilement bouder le plaisir procuré par cette nouvelle adaptation de Jane Eyre, dont la très belle photographie aux douces couleurs n’en fait que plus nettement ressortir la pâleur des joues et l’incandescence des flammes ; flammes qui brûlent au plus profond de chacun de ces fantastiques personnages.
Raphaëlle Chargois
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Paris Cinéma 2012 (du 29 juin au 10 juillet)
- Avant-premières
Festival du Film de Cabourg – Journées romantiques 2012 (du 13 au 17 juin)
- Nominations : La sélection européenne, Grand Prix Cary, Mention spéciale du Jury, Prix de la Jeunesse et Prix du Public
Oscars 2012 (26 février)
- Nomination : Oscar des Meilleurs costumes
BAFTA Awards 2012 (12 février)
- Nomination : Meilleurs costumes
The British Independent Film Awards 2011 (le 4 décembre)
- Nomination : Prix de la meilleure actrice (Mia Wasikowska)
Festival International du Film de Catalogne de Sitges 2011 (du 6 au 16 octobre)
- Nomination : Panorama fantastique
Festival international du film fantastique de Neuchâtel (du 1er au 9 juillet)
- Nomination : Films of the Third Kind
Festival international du film de Karlovy Vary 2011 (du 1er au 9 juillet)
- Hors compétition
Jane Eyre
De Cary Fukunaga
Avec Mia Wasikowska (Jane Eyre), Michael Fassbender (Edward Rochester), Jamie Bell (St. John Rivers), Imogen Poots (Blanche Ingram), Judi Dench (Mme Fairfax), Sally Hawkins (Mme Reed), Jayne Wisener (Bessie) et Sophie Ward (Lady Ingram)
Durée : 115 min.
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