Cheval de guerre – film de Steven Spielberg
Il existe un paradoxe saisissant dans le cinéma de Spielberg. D’un côté, il incarne cet enfant innocent capable de nous faire rêver vers les plus hauts sommets, de l’autre, il arrive à saisir la monstruosité humaine dans toute sa splendeur. Cheval de guerre est à nouveau un exemple de cet artifice si bien ficelé et si héroïque.
La transition semble être une constance chez le cinéaste américain. D’un film d’espionnage comme Munich, il passe à un film d’animation avec Tintin, avant de filmer pour la première fois la Grande Guerre dans Cheval de guerre. Ce changement de genre (mais pas de style) se retrouve dans l’art du montage qu’il manie comme un magicien. Steven Spielberg pourrait bien appartenir à cette profession mystère qui a toujours un truc dans son sac pour nous éblouir. A l’écran, ce tour de passe-passe s’expose à chaque fois dans des transitions ingénieuses qui ne coupent aucunement le fil du récit.
Rappelons toutefois que ce maître du septième art sait très bien s’entourer grâce à une équipe rodée parmi lesquels le compositeur John Williams, le directeur de la photographie Janusz Kaminski et le monteur Michael Kahn. Cheval de guerre est donc une œuvre collective dont les couleurs chaudes et froides se mélangent dans une tessiture parfaite et audacieuse. La séquence finale, qui fait clairement échos au Autant en emporte le vent de Victor Fleming, est bel et bien là pour le démontrer, mais pas seulement.
Grand-huit
La caméra de Spielberg s’apparente à un grand-huit de parc d’attractions : on monte dans un wagon, on franchit une immense colline et l’on plonge à grande vitesse sans savoir quand l’on va s’arrêter. On pouvait pourtant reprocher à son Tintin d’aller vite en besogne avec un récit trop rapidement mis en place. Avec Cheval de guerre, il en est tout autre puisque le récit prend le temps de s’installer. Ce n’est ainsi par pour rien si le film s’ouvre sur une naissance où aucun dialogue ne vient contrebalancer les prises de vues aériennes de la campagne anglaise.
Il existe de même un autre tour du magicien Spielberg : celui du tour de force. Même si Jean-Jacques Annaud l’avait expérimenté bien avant lui avec L’ours, il n’est pas évident de réussir un film avec un animal comme protagoniste principal. Mais n’est-ce pas parce que les animaux sont privés de langages qu’ils arrivent autant à nous émouvoir ?
Le secret réside en fin de compte dans le regard qu’ils expriment. Qu’il soit celui d’un extra-terrestre dans E.T., d’un dinosaure dans Jurassic Park, d’un nounours dans A.I., d’un chien dans Tintin et maintenant d’un cheval, les yeux de ces animaux et l’amitié qu’ils nouent avec les êtres humains sont source d’humanisme que Spielberg porte lui-même derrière ses petites lunettes.
Jeremy Irvine, la relève ?
Avec un large budget de 66 millions de dollars, pas la peine pour lui de s’entourer d’acteurs bankable pour réussir une œuvre cinématographique. Jeremy Irvine, dont il s’agit du tout premier film, est à ce titre un choix de premier ordre qui va certainement lancer de façon fulgurante sa carrière. En sera-t-il de même pour Niels Arestrup aux Etat-Unis ? On ne le sait trop, mais on pourra reprocher à son personnage d’être quelque peu cliché au rire forcé. Heureusement, sa dernière apparition à l’écran suffit pour oublier ce faciès de farceur et retrouver l’Arestrup qu’on aime au regard dure et impassible. Quant au cheval, difficile de juger. La production a en effet dû mobiliser plus d’une dizaine de chevaux durant le tournage. Espérons seulement que la fille de Spielberg sera ravis du résultat, lui qui affirma vouloir avant tout réaliser cette œuvre pour ses enfants férues d’équitation.
Aussi bon enfant qu’il puisse enfin paraître (tout en le revendiquant), Steven Spielberg signe avec Cheval de guerre l’un de ses films les plus touchants, tout du moins son plus romantique. Le maître américain prouve avec une vitalité sans faille qu’après quarante ans de dur métier, on peut toujours compter sur lui. Vivement la suite.
Edouard Brane (Twitter)
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Oscars 2012 (26 février)
- Nominations : Meilleur film, Meilleure photographie, Meilleurs décors, Meilleur son, Meilleur montage sonore et Meilleure musique
BAFTA Awards 2012 (12 février)
- Nominations : meilleure photographie, Meilleurs décors, Meilleur son et Meilleurs effets visuels
Producers Guild of America Awards 2012 (21 janvier)
- Nomination : Meilleur film
The London Critics’ Circle 2012 (19 janvier)
- Nominations : Meilleur acteur britannique de l’année et Jeune acteur britannique de l’année
Golden Globes 2012 (15 janvier)
- Nominations : Meilleur film dramatique et Meilleure musique
Top 10 des meilleurs films de l’année selon Time Magazine 2011 U.S.A. (7 décembre)
- Film n°5
The Washington DC Area Film Critics Association Awards 2011 (5 décembre)
- Nominations : Meilleurs décors, Meilleure photographie et Meilleure musique
Cheval de guerre
De Steven Spielberg
Avec Jeremy Irvine (Albert Narracott), Emily Watson (Rose Narracott), Peter Mullan (Ted Narracott), David Thewlis (Lyons), Niels Arestrup (le grand-père), Tom Hiddleston (le capitaine Nicholls), Benedict Cumberbatch (le major Stewart) et Toby Kebbell (le soldat Geordie)
Durée : 147 min.
Sortie le 22 février 2012
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– les films à voir en 2012
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