Augustine – drame d’Alice Winocour
Fin du 19ème siècle, le professeur Charcot, père de la neurologie moderne, est confronté à une patiente peu ordinaire, Augustine, qui souffre de crises d’hystérie singulières où se mêlent tremblements classiques et contorsions impressionnantes mais aussi une érotomanie qui va rapidement intriguer le scientifique dont la vie intime affiche un électroencéphalogramme désespérément plat.
La magistrale première séquence montre la servante Augustine en proie à une souffrance qu’elle ne parviendra pas à cacher malgré l’aréopage de notables invités à la table de ses maîtres. La possible explication de ce mal est suggéré selon deux hypothèses (la vue d’un crabe mourant dans l’eau bouillante et le regard furtif et concupiscent d’un convive), semant dans l’esprit du spectateur doute et incompréhension. Tout le reste du film naviguera entre ces deux polarités.
Mais là où le propos, parfaitement bien cerné grâce à un scénario au cordeau, aurait pu déraper vers une énième fiction sur les rapports ancillaires (après Les Sœurs Papin et La Cérémonie tout a déjà été dit ou presque) ou pire encore sur une histoire d’amour basique entre le patient et le praticien, il parvient à afficher une réjouissante originalité grâce à une emprise historique clairement assumée. Il justifie ainsi cette observation quasi clinique des méthodes médicales de l’époque, lesquelles renvoient inévitablement vers cette incompréhension évoquée plus haut. Nous sommes aux balbutiements de la neurologie, les condamnations au bucher pour sorcellerie ne sont pas si lointaines et le rationalisme médical peine à se faire entendre.
Alice Winocour, dont Augustine signe l’entrée dans la cour des grands (ou tout au moins des longs), est parvenue à un très juste équilibre entre ces composantes, fictionnelle et historique, en en soignant tous les détails. Le remarquable travail notamment sur les costumes souligne le terrible emprisonnement du personnage dans ce qu’il est devenu, un phénomène théâtral que l’on n’hésite d’ailleurs pas à comparer à des comédiennes de l’époque. Il en va de même avec les décors, particulièrement soignés et cadrés comme de véritables tableaux. Quant à la passion qui se fait sentir entre les deux protagonistes (justifiée aussi par l’évidente frigidité de l’épouse du professeur) elle se pare de toute la pudeur nécessaire, se lit au détour d’un regard sans franchir le cap de la parole, qui elle, reste austère, cassante, barrière sociale oblige.
Nous retrouvons, quelques semaines après le sublime Quelques heures de printemps, un Vincent Lindon particulièrement inspiré dans le rôle de Charcot. Comédien caméléon à la filmo quasi parfaite, il parvient à nous surprendre encore. Sombre et sobre, autoritaire mais laissant évader des failles béantes, il livre une composition où parlent les regards lorsque les mots n’ont qu’à se taire. La réalisatrice, qui avait songé au départ à Benoît Poelvoorde pour ce personnage, a eu la très bonne idée de lui adjoindre la chanteuse Soko qui campe le rôle-titre avec tout ce qu’il faut d’effronterie pour ne jamais susciter l’empathie. L’austérité de ce film, rehaussée par la présence de la toujours impeccable Chiara Mastroianni, en agacera plus d’un mais son indéniable beauté plastique et ses qualités d’écriture le hissent immanquablement vers le prix d’excellence.
Franck Bortelle
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Festival du Film Francophone d’Angoulême 2012 (du 24 au 28 août)
- – Nomination : Valois d’Or et Valois Magelis
Festival de Cannes 2012 (du 16 au 27 mai)
- – Nommé Caméra d’Or
Semaine Internationale de la Critique 2012 (du 17 au 25 mai)
- Séances spéciales
Augustine
D’Alice Winocour
Avec Vincent Lindon (Professeur Charcot), Stéphanie Sokolinski (Augustine), Chiara Mastroianni (Constance Charcot), Olivier Rabourdin (Bourneville), Roxane Duran (Rosalie), Lise Lametrie, Sophie Cattani et Grégoire Colin
Durée : 101 min.
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