Populaire – comédie de Regis Roinsard
Une nuit, au beau milieu de la boutique de bric-à-brac tenue par son père, Rose Pamphyle se relève pour tenter d’apprivoiser un objet qui la fascine : une machine à écrire. C’est dans une sorte de fièvre qu’elle tape alors son prénom sur la feuille de papier pressée contre le rouleau. A partir de cet instant, la passion de la dactylographie la saisit. Une passion qui va également transformer sa destinée : alors que son père la voit mariée au fils du garagiste, Rose, elle, ne rêve que de devenir secrétaire pour pouvoir mener sa vie librement et voir d’autres choses que le petit village où elle a toujours vécu. L’occasion s’en présente lorsqu’elle apprend que Louis Échard, séduisant agent d’assurances de Lisieux, recrute. Déplorable secrétaire, Rose attire malgré tout son attention en révélant son don les mains sur un clavier. Habité par la fibre sportive, Louis Échard décide de faire de la jeune fille une championne de concours de vitesse dactylographique. Coach inflexible, il lui permettra de s’enquérir d’elle-même en même temps que de la performance sportive, à laquelle se mêlera bientôt le sentiment amoureux.
Très inventif, ce premier film à l’esthétique rétro — puisque situé en l’an de grâce 1958 — signé par Régis Roinsard surprend et séduit. Tout d’abord parce qu’à tous points de vue, il est audacieux. De par son thème, il n’est pas sans présenter certaines similitudes avec les pièces de Molière, dans la mesure où il narre le parcours d’une jeune ingénue que l’écriture libère. Et c’est là l’intelligence remarquable de ce film, que de rendre cinégénique ce procédé d’émancipation par l’écrit. Non seulement le procédé d’écriture est bien présent à l’image, puisque, pratiquant la dactylographie comme un sport de haut niveau sous l’égide de son mentor et coach, Rose est filmée tapant à la machine avec une vraie intensité cinématographique. Mais la littérature est aussi présente elle-même, par le biais des ouvrages que Rose retranscrit ainsi en guise d’exercice. Flaubert, Stendhal, sont alors les maîtres qui lui permettent d’ouvrir les yeux et l’esprit, et d’entreprendre ainsi sa propre éducation sentimentale.
Mais il y a encore bien d’autres dimensions dans cette très entraînante comédie, le talent de mise en scène de Régis Roinsard se révélant incontestablement dans son habileté à les mêler. Ainsi, l’ascension de la jeune Rose est également filmée comme une success story à l’américaine, suivant une petite provinciale en train de gravir les sentiers de la gloire grâce à l’accomplissement sportif en dépit des embûches jalonnant son chemin et des sacrifices que cela exige.
Gracieux, les deux comédiens, Romain Duris et Déborah François s’attirent, se repoussent, se cherchent, pris dans un touchant tourbillon amoureux, auquel on ne ressent même pas l’envie de résister. Ainsi, cette comédie au parfum rétro s’avère une excellente surprise, particulièrement délectable en ce terne hiver, et qui saura probablement séduire tous les publics par son élégance et sa sincérité, astucieusement populaire sans faire preuve du populisme réac qui gangrène trop souvent les films jouant sur la nostalgie et l’esthétique rétro.
Raphaëlle Chargois
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Festival du Film de Sarlat 2012 (du 13 au 17 novembre)
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Populaire
De Regis Roinsard
Avec Romain Duris, Déborah François, Shaun Benson, Bérénice Bejo, Miou-Miou, Eddy Mitchell, Nicolas Bedos, Mélanie Bernier et Frédéric Pierrot
Durée : 111 min.
Sortie le 28 novembre 2012
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