Toutes les filles pleurent – Judith Godrèche
C’est un défi d’envergure, que de vouloir maîtriser de bout en bout la création d’un film, d’endosser la responsabilité triple de former un personnage sur le papier, de l’animer sur la pellicule et de lui prêter ses traits. Judith Godrèche est une habituée de la troisième épreuve, elle a passé la première quelques fois, en publiant un roman puis en participant à l’écriture des films où elle tournait ; quant à la réalisation, elle en est ici à son coup d’essai.
C’est pourtant par l’écriture qu’elle pèche le plus. Des personnages aux caractères insuffisamment dessinés échangent tout le long du film des répliques qui s’entrechoquent sans parvenir à faire jaillir le sens. Les mots font défaut, sont banals ou abrupts, souvent empruntés, ne sonnent pas juste. Toute discussion finit par prendre la forme d’un exercice d’acteur.
Les acteurs, quant à eux, ne semblent pas y croire non plus, tant leurs yeux se fixent trop souvent sur un point vague loin du plateau. L’innocence de Lucie manque de profondeur, sa rêverie est trop peu intérieure, et dans un film où, paraît-il, toutes les filles pleurent, pas une seule fois elle ne peut se contraindre à se mouiller les yeux. Eric Elmosnino ne parvient pas à faire oublier sa performance récente en Gainsbourg et flotte d’un bout à l’autre du film dans un nuage d’antipathie.
Pourtant, dans les interstices de silence, quand les voix trop connues ou trop incertaines se taisent et laissent place à l’image, le miracle a lieu. Au son des ballades folk de Julien Doré, étonnamment adéquates, les visages des acteurs se détendent, sortent de la torpeur où les plonge l’impuissance du langage, et la caméra se fait intime. Dans ces moments-là, l’atmosphère naît d’une mélodie ou d’une lumière, d’un regard soudainement naturel, d’un geste filmé avec grâce. Eux seuls laissent aux acteurs la latitude de faire preuve de talent, eux seuls permettent de comprendre l’attrait de la petite fille solitaire et naïve, en quête d’une volonté plus ferme dont elle ignore elle-même l’objet ; une enfant orpheline dont une femme tente péniblement d’émerger.
Desservi par un projet sans doute trop ambitieux de la part de Judith Godrèche, Toutes les filles pleurent n’est pas une réussite au point du vue du scénario ni au point de vue de l’interprétation. Bien autre chose qu’un échec pourtant, il est une promesse : c’est sous sa casquette la plus récente que Judith Godrèche offre ici la meilleure surprise, dans un film dont le point fort est, contre toutes attentes, la réalisation.
Anna Winterstein
Toutes les filles pleurent
De Judith Godrèche
Avec Judith Godrèche, Eric Elmosnino…
{dmotion}xcdk50{/dmotion}
Sortie le 31 mars
Articles liés
« Les Parallèles » : comédie romantique douce amère sur la difficulté à se rencontrer
À l’heure du speed dating et de la multiplication des sites de rencontres, Alexandre Oppecini imagine une rencontre entre deux êtres que tout oppose, sur le pas d’une porte qui devait s’ouvrir sur une fête de crémaillère avec des...
Découvrez les artistes diplômés du Centre National des Arts du Cirque à La Vilette
Rendez-vous incontournable avec la relève du cirque, ce spectacle sous chapiteau à La Villette est l’occasion de découvrir les artistes tout juste diplômés du CNAC – Centre National des Arts du Cirque. Pour les jeunes talents qui arpentent la...
MINIATURE : l’expo événement pour les 10 ans de la Galerie Artistik Rezo
La galerie Artistik Rezo et FIGURE s’associent pour présenter la troisième édition de l’exposition MINIATURE : un événement unique en son genre à l’occasion des 10 ans de la galerie. Cette édition réunit plus de 80 artistes français et...