The Artist – film de Michel Hazanavicius
Comment résumer The Artist ? Bien sûr, on pourrait se contenter de répondre que c’est l’histoire d’un acteur-phare du cinéma muet dépassé par l’arrivée du parlant, tandis qu’une pétillante jeune actrice est propulsée au rang de star par ce même procédé. Le film-hommage de Michel Hazanavicius, réalisateur des aussi hilarantes que politiquement incorrectes aventures d’OSS 117, est pourtant bien plus complexe que cela, et tient justement son charme de cette apparente mais fausse naïveté.
Ainsi donc George Valentin est une star à Hollywoodland, qui n’a pas encore perdu ses quatre dernières lettres. Chacune de ses facéties cinématographiques est acclamée, jusqu’au jour où, dans une salle de projection, son producteur lui montre l’avenir : le cinéma parlant. « Ridicule, déclare Valentin. Si c’est ça le futur, alors le futur se passera de moi ! » Assurément, il ne se doutait pas qu’il serait pris au mot. Tandis que Peppy Miller gravit « les sentiers de la gloire », Valentin déchoit à mesure que la société environnante lui échappe, entre évolution des rapports de production cinématographique, du jeu de l’acteur, de la représentation du monde, et crack de Wall Street. Une très belle séquence décrit cette détresse par une éloquente métaphore : George Valentin n’est soudain plus que le seul être muet dans une réalité désormais sonore.
La panique s’ensuit. Le moindre bruitage survient à la manière d’une agression, y compris pour le spectateur, immédiatement gagné à la cause de cet Artist grâce à l’interprétation remarquable de Jean Dujardin. L’acteur était taillé pour le rôle : tout dans sa présence à l’écran jusqu’à l’expressivité de son visage, évoque les grands noms du cinéma muet, aux destins aussi tragiques que celui de son personnage, de Rudolph Valentino à Douglas Fairbanks. Avec ce petit quelque chose en plus propre à Dujardin.
Car si le film est intelligent, c’est qu’il ne se contente pas de citer ou de révérer. Certes, il utilise les procédés caractéristiques du muet (le comique de répétition, notamment), des références (la scène où George Valentin apprend son renvoi des studios dans un escalier où tout le monde se croise dans tous les sens jusqu’à l’arrivée de Peppy fait songer au ballet permanent des ouvriers de Métropolis), un humour visuel ‘Chaplinien’ et des renvois à des périodes historiques marquées (le muet, l’avènement du parlant, et la comédie musicale), mais sans jamais décalquer.
Au fond, le film et son sujet se rejoignent. Pour esquisser le portrait de cet homme pris au piège d’un décalage entre deux époques qui se juxtaposent jusqu’à produire une société qu’il ne peut plus comprendre, Michel Hazanavicius joue justement sur le décalage. Celui des techniques contemporaines utilisées pour faire un film à l’ancienne mais sans anachronisme ; celui qu’implique la coexistence de jeunes acteurs français comme Jean Dujardin et Bérénice Bejo et celle de « monstres sacrés » tels que John Goodman ou James Cromwell. A la question qui sous-tend tout le film, à savoir comment concilier l’ancien monde en faillite, incarné par Jean Dujardin ; et le nouveau en train de se construire sur les cendres du précédent, à qui Berenice Bejo donne malicieusement vie ; Hazanavicius semble encore répondre en cinéphile. Car telle était la conclusion de Métropolis : « Entre la tête et la main, le médiateur doit être le cœur ». Tel fut également souvent le dénouement des chefs-d’œuvre de l’âge d’or hollywoodien : les pires antagonismes s’harmonisent quand survient l’amour. Ainsi, tandis que George Valentin et Peppy Miller tombent amoureux à l’écran, c’est au Septième Art tout entier que Michel Hazanavicius déclare sa flamme. Le spectateur succombe, lui-aussi, irrémédiablement touché par ce charmant Artist, pris du même désir de se lover dans son costume si bien endossé par Jean Dujardin.
Raphaëlle Chargois
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The Artist
De Michel Hazanavicius
Avec Jean Dujardin, Berenice Bejo, James Cromwell, John Goodman et Penelope Ann Miller
Sortie le 12 octobre 2011
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