Voyage au bout de l’Enfer – drame de Michael Cimino
Quand Michael Cimino prépare ce qui restera comme son chef d’œuvre, il n’a qu’un long à son actif, Le Canardeur, film d’action avec Clint Eastwood qui récoltera un assez joli succès. Il n’est pas encore le cinéaste maudit qui causera la faillite de United Artists avec le rocambolesque tournage de La Porte du paradis qui connaîtra une tardive réhabilitation notamment grâce aux cinéphiles. Talonné de près par l’autre chef d’œuvre traitant de la guerre du Vietnam Apocalypse Now de Coppola (sorti en 1979), Deer Hunter (son titre original beaucoup plus proche de la parabole sur laquelle tout le film est construit) suit le parcours de trois gaillards avant, pendant et après ce conflit qui a durablement traumatisé l’Amérique et dont tous les grands cinéastes d’outre-Atlantique ont jalonné leur filmographie (De Palma et Outrages, Kubrick et Full Metal Jacket, Oliver Stone et Platoon, Hal Ashby et Le Retour qui fut en concurrence avec Cimino aux Oscars en 1979).
1968. Mike, Steven, Nick, Stan et Axel travaillent dans une aciérie de Pennsylvanie. Leur existence faite d’une solide amitié et d’histoires de cœur vagabondes et insouciantes est rattrapée par la guerre du Vietnam lorsque les trois premiers sont mobilisés pour partir au combat.
On ne compte plus les séquences d’anthologie qui ont gravé de manière durable la mémoire des spectateurs. Le mariage, le bourbier vietnamien, la roulette russe, les retrouvailles entre De Niro et Walken puis celles de De Niro et Meryl Streep dont on ne peut que regretter qu’un seul cinéaste à ce jour (Ulu Grosbard dans le très beau Falling in love) ait songé à les réunir à nouveau devant une caméra. Avec un sens de l’épopée que rehausse un montage (d’ailleurs oscarisé) d’une précision métronomique, ce récit à la fois grandiose et intime, où se côtoient les grands espaces (un thème cher à Cimino) et la profondeur psychologique, n’est pas simplement un film de guerre. Il s’agirait plutôt d’un film sur la guerre avec tout ce que cet accident de l’Histoire peut générer de frénésie avant, de douleurs pendant et de séquelles après. Sur trois heures, le cinéaste va explorer les tréfonds de l’âme humaine avec des questionnements sur la vie, la mort, l’amour, les immigrés (la communauté où vivent les protagonistes est essentiellement russe), le tout à travers le portrait d’une génération sacrifiée entre une existence de labeur et l’improbable échappatoire vers un inconnu à l’exotisme incertain. Une tragédie au lyrisme poignant et désenchanté.
Voyage au bout de l’enfer a décroché cinq oscars en 1979 : meilleurs film, réalisateur, second rôle masculin (Christopher Walken), son et montage. Un triomphe dans les salles. Un des rôles majeurs de De Niro alors au sommet. Sa ressortie aujourd’hui en copie restaurée mérite d’être saluée à la hauteur de ses innombrables qualités.
Franck Bortelle
Voyage au bout de l’Enfer (1978)
The Deer Hunter
De Michael Cimino
Avec Christopher Walken, Meryl Streep, Robert de Niro et John Cazale
1978, USA, 182 mn, Couleurs, 2.35:1
Interdit aux moins de 12 ans
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