« Avec de vrais morceaux de gens à l’intérieur » – Yann Dumoget – Montpellier
En 1998, puisant son inspiration dans la pratique du graffiti autant que dans une idée particulière de l’art nommée esthétique relationnelle, Yann Dumoget eut l’idée de proposer à son entourage d’écrire ou de dessiner sur ses propres peintures avec de petits feutres indélébiles…
Peu après, tandis qu’il peignait une toile par jour pendant un an, les visiteurs se succédaient dans son atelier pour graffiter cet ensemble de 366 pièces et prendre part à ce qui fut sa première exposition personnelle importante, en l’an 2000, au Carré Sainte-Anne de Montpellier.
Exactement 20 ans plus tard, après bon nombre de pérégrinations artistiques autant que géographiques, l’artiste a souhaité revenir pour l’Espace Dominique Bagouet sur cette pratique initiale qu’il considère toujours comme un pilier important de son travail.
Mises en regard d’une petite partie de la série réalisée en 1999, l’exposition comprend ainsi neuf peintures récentes que l’artiste a proposées aux contributions du public lors d’événements s’étant tenus dans la ville préalablement ainsi que deux peintures que les visiteurs sont invités à finaliser soit directement pendant la visite, soit via Internet.
En donnant la possibilité à plusieurs centaines de montpelliérains de différents quartiers d’investir symboliquement l’espace d’exposition avec lui, c’est un portrait singulier de la ville que propose Yann Dumoget à travers l’expression spontanée de ses habitants.
LA PEINTURE PARTAGEE
La peinture partagée est pour Yann Dumoget prétexte à des rencontres qui se formalisent ensuite à la surface de la toile jusqu’à figurer un espace commun symbolique où parviennent les échos d’un monde en mutation.
Transposition de nos sociétés portées par la révolution numérique vers un modèle contributif et horizontal, la collection d’éléments hétérogènes qui ailleurs pourrait relever de l’altération s’affirme ici au contraire comme une prise en compte stimulante de l’altérité. Motivée par un désir de « compréhension » — au sens étymologique de prendre avec soi — celle-ci renvoie aux notions antagonistes d’hospitalité et d’hostilité à partir desquelles peuvent se penser aujourd’hui les flux humains et culturels générés par la globalisation et les changements climatiques.
Ici, Yann Dumoget fait le pari de croire en la co-construction d’une identité artistique plurielle et apaisée, version picturale d’une utopie qu’il souhaiterait réalisable. Celle, à l’heure où certains idéaux humanistes fondateurs semblent perdre de leur attrait, d’un territoire partagé en bonne intelligence comme base de tout projet démocratique.
BIOGRAPHIE DE YANN DUMOGET
Né à Calais en 1970, Yann Dumoget entame son activité artistique au milieu des années 80. À cette époque, il emprunte des panneaux routiers de signalisation qu’il peint avant de les remettre en circulation. Début des années 90, parallèlement à ses études d’histoire de l’art, il devient musicien et s’investit dans un groupe de rock pour lequel il réalise décors, pochettes de disques et supports publicitaires. Dès 1998, il décide de se consacrer exclusivement à la peinture, mais une peinture fortement influencée par la culture graffiti. Lors de sa première exposition, les visiteurs sont ainsi invités à commenter directement les toiles en utilisant celles-ci comme livre d’or. Suivent deux expositions inespérées en Allemagne et au Japon. Mais c’est dans son atelier qu’il passe l’année 1999 pour une performance consistant à peindre une œuvre par jour pendant un an sur laquelle il invite également le public à intervenir.
Installé ensuite à Berlin, le graffitage de ses œuvres se structure autour de différents protocoles de rencontre qui assument une modestie d’ambition autant que de moyens. Cet art de proximité étant pour lui le contrepoint du marché mondialisé de l’art et des grandes expositions-événements.
En 2002, il investit ainsi par dérision les WC des lieux d’exposition de la prestigieuse Documenta 11 de Kassel et propose une version pirate du site Internet officiel, Doklomenta, où un module expérimental permet aux visiteurs de graffiter ses peintures à distance, ce qui constituera l’un des premiers outils de graffiti virtuel de l’histoire du net.
De 2004 à 2007, jeux de société, cadavres exquis picturaux, actions humanitaires, peintures en DIY (Do It Yourself), lui permettaent de multiplier les expérimentations sociales au point d’en éprouver de moins en moins le besoin de recourir au prétexte initial de la peinture.
En 2008, il abandonne celle-ci provisoirement avec Le chant des pistes, une errance autour du monde qui se poursuit jusqu’en 2010.
En 2011, l’historien de l’art Paul Ardenne, l’invite à présenter le Compte-rendu de son voyage à l’Espace Vuitton à Paris. Marqué par la crise financière, il y propose une installation qui inaugure une série d’œuvres minimalistes dans lesquelles le texte tient une place prépondérante et qui constituent une façon poétique de négocier avec les réalités d’un monde en mutation.
À partir de 2010, il se rend ainsi dans de nombreux pays : Islande, Grèce, Portugal, Espagne, Italie pour réaliser dans une grande sobriété de moyens des œuvres multiformes qu’il expose ensuite en galeries et centres d’art.
La peinture est pour un temps une pratique annexe. Mais dans cette relation d’amour haine engagée dès le début avec elle, se joue quelque chose qui le dépasse et continue à le fasciner. Dès 2012, il découpe ses toiles, les coud, les colle, les recompose. De 2013 à 2015, en clin d’œil à sa peinture partagée, il en inverse le procédé pour inoculer son Pictovirus aux œuvres de ses voisins d’ateliers avant de repartir en 2017 à la rencontre du public pour l’exposition à l’Espace Bagouet.
[Source : communiqué de presse]
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