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Aujourd’hui, le monde est mort – Hiroshi Sugimoto – Palais de Tokyo

30 juin 2014
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Sugimoto9

Aujourd’hui, le monde est mort – Hiroshi Sugimoto

Jusqu’au 7 septembre 2014

Plein tarif : 10€
Tarif réduit : 8€ (moins de 26 ans, famille nombreuse,
enseignants, étudiants, séniors)

De midi à minuit tous les jours, sauf le mardi

Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson,
75 116 Paris 

palaisdetokyo.com

Jusqu’au 7 septembre 2014

À travers une œuvre où la maîtrise technique se double d’une solide armature conceptuelle, Hiroshi Sugimo explore la nature du temps, de la perception et les origines de la conscience. « Aujourd’hui le monde est mort [Lost Human Genetic Archive] » est une nouvelle facette d’une exposition que Hiroshi Sugimoto élabore depuis une dizaine d’années en juxtaposant ses collections d’objets, provenant d’époques et de cultures disparates, et ses œuvres photographiques.

Les objets de sa collection sont « ses doubles » et sont indispensables à l’artiste en tant que sources d’enseignements qui lui permettent de renouveler son art. En se nourrissant de références au roman L’Étranger d’Albert Camus et aux objets ready-made de Marcel Duchamp, l’artiste a mis en scène un monde après la fin de l’humanité : une vision personnelle de l’Histoire vue depuis l’avenir.

L’exposition est constituée d’une trentaine de scénarios, racontés par différents personnages fictifs : un apiculteur, un spécialiste des religions comparées ou encore un homme politique qui choisissent de préserver (ou non), pour le futur, leur patrimoine génétique individuel. Conçue comme une sorte de ruine en résonance avec l’architecture atypique du Palais de Tokyo, l’exposition est non seulement la plus importante jamais réalisée en Europe par l’artiste, mais c’est aussi un projet unique qui témoigne de son large champ d’activité, depuis la littérature jusqu’à l’architecture. Elle est à l’image de sa tentative de comprendre l’art et l’histoire humaine selon une vaste échelle temporelle qui dépasse largement celle de l’humanité, tout en incluant sciences, religion, économie…


Sugimoto3Les récits

En référence à l’incipit de L’Étranger d’Albert Camus, «Aujourd’hui, maman est morte», chaque récit de la fin du monde débute par «Aujourd’hui, le monde est mort». Sous la forme de testaments ou de dépositions adressés à des interlocuteurs futurs, un apiculteur constate la désertification du monde liée au comportement suicidaire des abeilles, un homme politique regrette que la poursuite du bonheur pour tous ait paradoxalement fini par mettre l’humanité en péril, et un chercheur spécialiste du génome humain avance que le manque d’imagination généralisé causera l’extinction des civilisations. Avec une trentaine d’autres scénarios, ces récits reflètent les réflexions qu’éveillent, chez Hiroshi Sugimoto, les vestiges des civilisations anciennes et la vision imaginaire d’un avenir incertain. Cette conception de l’histoire humaine, écartelée entre le passé précédant la naissance de l’humanité et le futur qui suivra sa disparition, est illustrée par les photographies de paysages marins (Seascape) par lesquelles commence et se termine l’exposition. Les différents récits sont matérialisés par des assemblages de matériaux et des objets divers. Est ainsi constitué un paysage de ruines dénué de toute présence humaine, démontrant par là que rien n’est immuable en ce monde. Certains récits seront accompagnés par des masques – comme par exemple d’authentiques masques de nô par lesquels l’acteur convoque sur scène l’âme du mort – symbolisant à la fois la frontière entre la vie et la mort, mais aussi la manière dont la spiritualité peut s’incarner dans des objets concrets.

Sugimoto18Le dieu du tonnerre, «Lightning Fields»…

À l’entrée de l’exposition, Hiroshi Sugimoto dispose différents fossiles issus de catastrophes naturelles. L’artiste considère le fossile comme un « dispositif d’enregistrement du temps préphotographique ». En sortant de cet espace, le visiteur est confronté à une étrange structure à mi-chemin entre un autel et un sanctuaire antique. En haut d’un escalier provenant d’une maison en ruines est installée une statue de bois sculpté datant du xiiie siècle, représentant Kaminari-sama, le dieu du tonnerre. Fixée sur un ancien pilier du temple Taima-Dera de Nara (Japon) et reposant sur un socle de fonte, la statue voisine avec la série de photographies Lightning Fields (2008), pour laquelle Hiroshi Sugimoto a expérimenté sur le thème d’une image photographique obtenue sans caméra. En partant des recherches de Fox Talbot, inventeur du négatif photographique, il a imaginé quelle aurait pu être la suite de ses recherches. Ce que nous voyons en est le résultat, obtenu à partir de décharges électrostatiques. Elles produisent des motifs qui ressemblent à des figures fractales, des images de synapses, des micro-organismes, ou encore des éclairs, et qui évoquent les origines de la vie et les impacts ayant dû accompagner la naissance du cosmos. Derrière le mur se trouve une cage de Faraday, du nom du scientifique qui découvrit la loi de l’induction électromagnétique. Cette cage a été réalisée par l’artiste dans une tentative de fusion entre photographie et induction électromagnétique. En effet, le scientifique associé aux recherches de Faraday n’était autre que Talbot. Les éclairs de lumière qui s’échappent de temps à autre de la cage semblent alors avoir été émis par le dieu du tonnerre, et transmis par induction jusqu’à la cage.

Sugimoto11Météorites et «attention, chutes de pierres»

Afin de ressentir directement les sensations qu’éprouvaient les premiers hommes (Comment utilisaient-ils leurs outils ? Quel était leur état d’esprit en les fabriquant ?), Hiroshi Sugimoto s’intéresse aux pierres réputées pour leurs pouvoirs tels que le cristal et le jade ou aux outils préhistoriques. Il s’intéresse également aux météorites, une manière de saisir la naissance et la formation du cosmos. Certaines des météorites présentées dans cette exposition contiennent des aminoacides. Selon la panspermie, théorie selon laquelle l’origine de la vie viendrait des molécules d’acides aminés contenues dans des météorites qui auraient heurté la Terre, ces météorites semblent évoquer à la fois les ruines d’un monde après sa destruction et la possibilité d’une nouvelle vie sur Terre. À côté, un écriteau sur lequel figure l’inscription en lettres rouges « Attention, chutes de pierre », a été découvert par l’artiste au hasard d’une promenade sur un sentier de Ryûjin-mura (village du dieu dragon), situé dans les montagnes de Kumano, un lieu sacré qui n’est inscrit sur aucune carte. Ironie du sort, le panneau d’avertissement gisait au fond d’une crevasse, précipité là par un rocher. Une trouvaille interprétée par l’artiste comme l’indice de la présence d’un dragon mythique qui aurait ainsi délivré une leçon pleine de profondeur.

Sugimoto1«Love Doll ange»

L’influence de Marcel Duchamp est présente en filigrane dans toute l’exposition. La rencontre d’Hiroshi Sugimoto avec l’œuvre Étant donnés : 1°) la chute d’eau, 2°) le gaz d’éclairage (1946-1966) a constitué une impulsion déterminante pour son travail de photographe. Il dit avoir été stupéfait par la similitude entre la réalité inquiétante de cette œuvre qui se regarde à travers un œilleton et celle que montrent les photographies de sa série Diorama : le caractère artificiel semble atténué lorsqu’on ne le regarde que d’un seul œil. Love Doll, une poupée ultra-réaliste, fait de toute évidence référence à l’œuvre de Marcel Duchamp, bien que son sens ne se réduise pas à un hommage à cet artiste. La poupée, un sex-toy disponible dans le commerce, pose également la question de savoir si la réplique peut dépasser la réalité. L’intérêt de Hiroshi Sugimoto pour ces questions apparaît nettement dans la série Portraits (1999), des photographies de figurines de cire qui semblent plus vraies que nature, ou encore dans sa mise en scène d’une pièce de bunraku (théâtre japonais de marionnettes) présentée au théâtre de la Ville (Paris) dans le cadre du festival d’Automne 2013. Ici, la poupée est traitée comme un quasi-équivalent de corps sacré, dans un plan rappelant l’agencement d’un édifice religieux, évoquant les nouveaux objets de foi de notre monde contemporain, qu’il s’agisse de la Love Doll Ange ou d’objets de marque. Vers où se dirige cette humanité incapable d’empêcher sa propre destruction au nom d’une croissance aveugle ? Guidé par cette interrogation, Hiroshi Sugimoto laisse dériver son imagination et sa créativité à la rencontre du passé comme du futur.

Commissaire : Akiko Miki

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