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Au Musée de l’Homme, l’exposition “WAX” vous invite à découvrir l’histoire de ce tissu emblématique

27 janvier 2025
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Dans le cadre de sa saison “Migrations”, le Musée de l’Homme propose une exposition entièrement consacrée au wax, ce tissu emblématique du continent africain, dont les couleurs et les motifs ont traversé les frontières et les décennies. Une exposition en deux volets, l’un consacré à l’histoire du tissu, depuis plus de 120 ans entre Asie, Europe et Afrique, et l’autre à son actualité sur la scène de la mode, du design et de l’art contemporain.

À l’heure où le wax connaît une popularité sans précédent dans les sociétés occidentales, l’exposition donne à voir sa richesse et son histoire singulière, méconnue du grand public.

Le wax est un tissu de coton imprimé sur les deux faces, selon une technique utilisant la cire (wax, en anglais) pour délimiter des plages d’impression de motifs. Son histoire débute au XIXe siècle, au carrefour de l’Asie, de l’Europe et de l’Afrique. Les premiers exemplaires de wax sont en effet fabriqués par des entrepreneurs néerlandais cherchant à reproduire les traditionnels batiks indonésiens, qu’ils destinent au marché indonésien. Mais c’est sur le continent africain que ces imitations connaîtront le succès, grâce à des soldats ghanéens, enrôlés à Java par les Néerlandais au milieu du XIXe siècle. En regagnant leur pays, la Côte-de-l’Or (actuel Ghana) à la fin du XIXe siècle, ils emportent avec eux quelques-uns de ces tissus, qui suscitent l’engouement dans leur région. Les Européens décident alors de réorienter leur production vers leurs colonies ouest-africaines. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, la production du wax se développe au Nigeria, au Bénin, au Burkina Faso ou en Côte d’Ivoire, avant d’être concurrencée, notamment par les compagnies asiatiques. Le tissu devient alors l’enjeu d’un commerce mondial.

L’exposition revient sur les grandes étapes de cette saga, avec la mécanisation de la production au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, l’emprise de Vlisco, la manufacture historique des Pays-Bas, le succès de sa succursale ivoirienne Uniwax fondée en 1967, le rôle des “Nana Benz”, puissantes femmes d’affaires au Togo à partir des années 1960… Ce volet historique de l’exposition montre aussi que le tissu doit avant tout son succès à ses motifs, dont les bases iconographiques ont été posées dès le tout début du XXe siècle, et qui puisent leur spectaculaire diversité dans la faune et la flore aussi bien que dans les actualités politiques et sociales. La richesse de ce répertoire iconographique constitue aujourd’hui un véritable patrimoine, qui perdure tout en continuant d’évoluer : certains motifs connaissent un succès durable, d’autres ont un destin éphémère selon l’intérêt que leur porte la clientèle, soucieuse de sélectionner des modèles qu’elle pourra réinvestir de valeurs sociales et symboliques. De nombreux motifs à succès, comme La main, Morceaux de sucre, Fleur de mariage, Œil, Hibiscus, Hirondelle, Le sac de Michelle Obama, Robinet, L’œil de ma rivale, Tu sors je sors, Chérie ne me tourne pas le dos, ou Mari capable, indiquent que le wax est plus qu’un simple produit de consommation. Par ses motifs et la coupe du vêtement, il permet à celui ou celle qui le porte de faire passer un message, de montrer son appartenance à une communauté ou son engagement en faveur d’une cause qui lui tient à cœur. L’exposition permet également d’apprécier les différentes qualités de tissus : du fancy, imitation bon marché largement répandue, au superwax de qualité supérieure, en passant par le glitter glam aux reflets brillants.

œuvre de la photographe Thandiwe Muriu © Thandiwe Muriu

Cette œuvre de la photographe Thandiwe Muriu, interroge la place des femmes dans la société kenyane © Thandiwe Muriu

Quand les artistes s’emparent du wax

Depuis deux décennies, le wax suscite l’intérêt croissant d’artistes et de stylistes qui revisitent sa signification historique et culturelle autant qu’ils explorent ses possibilités esthétiques.

L’exposition présente une sélection de leurs œuvres au Foyer Germaine Tillion. Elles reflètent une diversité de perspectives oscillant entre amusement, interrogation et décalage, et offrent une tribune à celles et ceux qui abordent les aspects plus polémiques du wax, notamment son lien avec l’histoire coloniale. Car le wax n’a pas la même signification pour tous. Puissant vecteur d’identité, il pose la question de l’appropriation et de la réappropriation culturelles. Pour certains, il est un emblème, un symbole d’appartenance à un héritage partagé, pour d’autres, il demeure un tissu imposé par l’impérialisme européen, engendrant un sentiment de rejet.

Romuald Hazoumè - Sica © Romuald Hazoumè Courtesy Galerie Magnin-A, Paris

Romuald Hazoumè – Sica © Romuald Hazoumè Courtesy Galerie Magnin-A, Paris

Les photographes Malick Sidibé et Seydou Keïta ont notamment documenté, dans les années 1960, période des indépendances, une vie quotidienne où le wax était devenu accessible à tous, porté dans toute l’Afrique occidentale et centrale. Certains photographes contemporains témoignent, eux, de nouveaux usages du wax, à travers lesquels il s’impose comme un marqueur de fierté et d’appartenance, tant sur le continent qu’au sein de la diaspora africaine. D’autres encore l’utilisent comme support de réflexion sur la place de l’Afrique dans un monde globalisé. Ils s’appuient sur sa palette graphique, immédiatement identifiable, pour créer des œuvres engagées dénonçant les excès de la société de consommation, depuis l’exploitation massive des ressources naturelles jusqu’au drame des migrants qui périssent en mer. Les notions de panafricanisme, d’empowerment, d’Afropéen, d’upcycling, et d’afrodystopie sont ainsi évoquées, à travers les œuvres du plasticien béninois Romuald Hazoumé, du plasticien camerounais Lamyne M, du styliste ivoirien Alexis Temomanin (créateur de la marque DentdeMan), de la styliste camerounaise Adina Ntankeu, des stylistes et designers textiles du collectif Heartwear, du styliste malien Lamine Badian Kouyaté (créateur de la marque XULY.Bët), des photographes maliens Malick Sidibé et Seydou Keïta, de la photographe kenyane Thandiwe Muriu, du photographe sénégalais Omar Victor Diop, de l’artiste visuel Gombo, du peintre congolais Monsengo Shula, de l’artiste et designer sénégalaise Selly Raby Kane, de l’artiste ghanéen Michael Gah, de la peintre nigérianne Tonia Nneji, du sculpteur textile nigerian Samuel Nnorom, du peintre congolais Hilary Balu, de l’artiste congolais Sinzo Aanza, ainsi que de la photographe Krissima Poba et du sculpteur togolais Didier Ahadji.

Didier Ahadji - La Vendeuse Ambulante de Pagnes © Galerie d’art contemporain Le Comoedia

Didier Ahadji – La Vendeuse Ambulante de Pagnes © Galerie d’art contemporain Le Comoedia

Commissaires scientifiques

  • Soloba Diakité, historienne de l’art, spécialiste du patrimoine textile africain
  • Cindy Olohou, historienne de l’art et critique d’art contemporain ;
  • Manuel Valentin, anthropologue des patrimoines matériels, responsable scientifique des collections d’anthropologie culturelle du Muséum.

Commissariat d’exposition

  • Marie Merlin, cheffe de projet, muséographe.

[Source : communiqué de presse]

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