Artof Popof
Alors nom, prénom, profession ?
Artof Popof, né à Moscou, arrivé à l’âge de cinq ans en France, après être passé par les États-Unis. Ma première école, c’est le graffiti ; j’ai commencé à peindre à 13 ans dans la rue, en 1988. Le graffiti existait depuis un certain temps, et les premiers tags que j’ai vus dans le 11ème ou le 12ème arrondissement entre Bastille et Nation, appartenaient à un quartier encore assez populaire, avec pas mal de terrains vagues et d’endroits à repeindre. Tu te prends une claque comme minot, tu arrives sur un mur censé être gris, et soudain, il y a plein de couleurs, des lettres plus grandes que toi. J’ai rencontré un groupe avec qui j’ai commencé à peindre, les M.A.C. J’étais une sorte de mascotte pour des gens comme Psykoz, Kongo ou Juan. Puis, avec mon book de graffs, je suis rentré aux Beaux-Arts de Versailles et j’ai commencé à faire des recherches sur la toile, en jouant avec ces deux terrains, la rue et l’atelier.
Comment a évolué ton art ?
Mon art a évolué justement dans ce dialogue entre la toile et le mur. J’ai essayé de prendre l’énergie de l’un pour aller l’interpréter sur l’autre. C’est dans ce parallèle que j’ai pu évoluer. Je suis né en Russie, et j’ai grandi avec des oeuvres de peintres russes devant les yeux, donc, pour moi, le passage aux Beaux-Arts était naturel. Je voulais approfondir et pousser dans cette voie, au maximum. Ce ne sont pas deux terrains qui s’appellent naturellement : le graffiti est fait de performance, de terrain, d’urbanisme, à l’opposé du support blanc et lisse de la toile.
J’ai deux ateliers différents, un à Montreuil, l’autre au 6B à Saint-Denis (Lieu de création et diffusion, NDR) avec deux amis, Da Cruz et Marko 93. Je me rends compte, avec eux, qu’au bout de trois mois sans aller dans la rue (comme ça peut nous arriver en hiver), ça nous gratte : il faut y retourner ! Cette énergie là est essentielle : il y a tant de manières d’explorer et d’exploiter de nouveaux graphismes. Mais c’est aussi intéressant, après toute cette activité collective où nous sommes influencés par les gens, le support, le quartier, par la manière dont on est perçu, de se retrouver seul dans son petit coin d’atelier, pour se poser.
Comment travailles-tu ?
J’ai commencé à la bombe, mais depuis j’utilise la sérigraphie, le pochoir, le pinceau, des techniques que j’ai empruntées à des gens que j’ai rencontrés. Mais c’est important de s’affirmer dans son propre style, ainsi je me suis fabriqué mon propre pinceau, afin qu’on reconnaisse tout de suite ma signature graphique (il sort un pinceau qu’il a lui-même découpé, NDR). Sur ces toiles, j’ai utilisé comme support des vieux journaux des années 1950. J’ai travaillé les deux côtés de la toile, afin que les gens qui possèdent l’œuvre sache qu’elle vit, et a une histoire des deux côtés.
Peux-tu nous en dire plus sur ta marque de fabrique, ces cinq lignes qui sinuent partout ?
Ces sillons là, je les ai développés pour qu’ils deviennent ma marque de fabrique, qu’ils fassent tilter les passants. Ils représentent les 5 lettres de mon nom, mais de manière invisibles, car elle se déplacent à la vitesse lumière.
Ces toiles ont-elles toutes été faites pour l’exposition « Rue Popof » à la galerie Ligne 13 ?
Pour la plupart oui ; j’ai aussi réalisé cette série de dessins, justement inspirés de l’équilibre entre la rue et l’atelier : en référence au black book, ce petit carnet qu’on balade, remplis de sketchbooks, j’ai réalisé des esquisses que j’ai appelés « boites noires ». C’est un concept qui tourne autour d’un texte que j’ai écrit : « L’être urbain », afin d’expliquer ce qui motive les graffeurs. Ces extraits de textes se retrouvent sur chaque esquisse ; comme une forme d’écriture automatique.
Le street art est-il toujours aussi rebelle selon toi ?
J’en suis persuadé. La seule chose, c’est que les artistes peuvent maintenant travailler la toile, réaliser des performances, ou vendre des T-Shirts. Mais on ne légalisera pas le graffiti. On ne le rendra pas officiel. La seule vérité, c’est que le graffiti fait ce qu’il veut. Et c’est tout l’intérêt. Même si ce n’est pas du vandalisme, il ne faut pas perdre cet élan. Il y a toujours des terrains à explorer, où on ne nous acceptera pas. Et c’est ça qui va nous intéresser !
Un dernier mot pour terminer ?
Peindre c’est se tuer à la « tache » ! Goutte que goutte !
Propos recueillis par Mathilde de Beaune
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Rue Popof – Artof Popof
Du 21 septembre au 21 octobre 2011
Galerie Ligne 13
13, rue La Condamine
75017 Paris
M° La Fourche ou Place de Clichy
[Crédits : Galerie Ligne 13, Paris]
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