Borondo – interview
D’où venez-vous ?
J’ai commencé comme tout le monde, en dessinant, quand j’étais enfant. Mais alors que la plupart des gens arrêtent en grandissant, j’ai continué — pour moi c’est l’aliment de l’âme. J’ai toujours été fasciné par les murs. Je me rappelle, enfant, avoir été très absorbé par le couloir de ma maison… Petit, j’ai aussi passé beaucoup de temps dans les rues, à jouer, pour moi c’était le lieu d’une vraie communication, et je crois que mon rapport à l’espace public vient de là. Déjà, je regardais tous les murs, tous les petits graffitis, même s’il n’y en avait pas beaucoup, parce que j’ai grandi dans une toute petite ville. J’ai commencé à faire des graffitis à mon tour, dans la rue, et sur des trains.
Comment êtes-vous passé du graffiti à des silhouettes humaines ?
Je suis allé à Madrid, et j’ai commencé à m’intéresser à l’idée de trouver un mode de communication plus large, plus ample. Tout en continuant les graffitis, j’ai appris des techniques traditionnelles, comme la peinture à l’huile, le fusain, etc… J’ai étudié aux Beaux-Arts à Madrid, mais j’ai arrêté, je trouvais que j’apprenais plus en travaillant par moi-même, en voyageant, en peignant. Peu à peu, je suis parvenu à ce langage plus classique, figuratif, dans l’espace public. Au début, je n’avais pas beaucoup d’information sur ce qui se passait sur la scène street art. C’est un peu après que j’ai vu le travail de Banksy ou de Blu, mais surtout celui d’Ernest-Pignon Ernest, dont la découverte m’a beaucoup impressionné.
Vos personnages dans des cabines téléphoniques, c’est une référence à son travail ?
Oui, c’est un hommage, même si ma technique est différente, puisque je peins le verre avant de gratter cette surface ce peinture, ce qui est aussi une façon de jouer avec la lumière. Il est l’un des premiers à avoir instauré un dialogue entre l’œuvre et le lieu, les murs, l’atmosphère… C’est ce dialogue que je cherche. Utiliser des bombes de couleurs vives, c’est un peu comme faire partie de ce système de publicité à outrance, de matraquage… Rendre la rue encore plus stridente, encore plus criarde qu’elle ne l’est, très peu pour moi !
Est-ce que vous pensez à l’histoire des lieux que vous investissez ?
C’est plus instinctif. Je travaille davantage sur l’esprit d’un lieu que sur son histoire, je ne fais pas de recherches sur ce qui s’est passé à tel ou tel endroit. Mais dans un lieu, tu ressens certaines choses, et c’est ce qui me guide, m’inspire.
Vous avez expérimenté de nombreuses techniques différentes : rouleaux, pinceaux, peinture grattée sur verre…
Même si j’ai appris les techniques traditionnelles, ce qui me plaît le plus, c’est la recherche, m’amuser avec les matières. Ce qui est merveilleux, dans la rue, c’est de se demander sans arrêt comment faire : comment faire pour poser à tel endroit, transporter son matériel, agir vite… Cela donne des idées sans arrêt ! S’adapter constamment, je trouve ça très beau, c’est un jeu permanent ! Il y a une dimension de performance : pas seulement l’œuvre, mais l’acte.
Récemment, vous avez eu plusieurs expositions en Italie et en Espagne, puis aujourd’hui à la galerie Itinerrance. Les choses vont vite ?
En deux ans, c’est vrai, tout s’est un peu précipité… La galerie, c’est un autre type de travail, qui peut me donner les moyens de continuer à travailler dans la rue, et d’expérimenter d’autres choses. Ce qui me plaît le plus dans une exposition, c’est l’installation, ce moment où l’on commence à créer un lieu, à redessiner un autre espace. Cela permet de prendre le temps de réfléchir, de tester ses propres idées. Mais pour moi, ce sont deux recherches différentes, je ne veux pas copier en galerie ce que je fais dans la rue. J’y vais doucement, je veux continuer à jouer, à voyager…
Propos recueillis par Sophie Pujas
Exposition de Borondo
Jusqu’au 13 avril 2013
Du mercredi au samedi, de 14h à 19h
borondo.blogspot.fr
Galerie Itinerrance
7 bis rue René Gosciny
75013 Paris, .
[Visuel : courtesy Galerie Itinerrance]
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