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Art urbain, collection Nicolas Laugero Lasserre – par Jean-Luc Chalumeau

23 septembre 2013
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Exposition_d'Art Urbain_Collection_Nicolas_Laugero_Lasserre-Marie-du-1er

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Foin de la crise, du chômage et de la sinistrose ambiante : ce soir-là les jeunes avaient le sourire. C’est que les œuvres accrochées par Nicolas Laugero, représentatives de sa passion pour le street art qu’il a le bon goût de nommer en français art urbain, étaient presque toutes signées par des artistes pratiquant diverses formes d’humour que l’on croyait fort éloignées de la notion d’art. Il y avait bien jusqu’ici les belges, Magritte et Broodthaers en tête, dont le génie spécifique est de produire de l’art qui fait rire. Mais chez les autres artistes, il faut bien chercher (le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne a essayé en 2011, réussissant à trouver des pièces humoristiques même chez Vuillard, Boltanski et Warhol, mais c’étaient des exceptions dans leurs œuvres respectives). Il y a bien aussi des grotesques dans l’histoire de l’art, et des pastiches drolatiques, mais il est clair que nous sommes aujourd’hui devant un fait de civilisation nouveau, très bien mis en valeur par l’exposition : un art est né, qui critique le monde actuel en faisant rire. Il est significatif que Nicolas Laugero ait donné la vedette à Dran, dont on pouvait voir un irrésistible « M. Propre » (bien connu des ménagères de moins de cinquante ans) en train d’uriner contre un mur recouvert de dessins et graffiti.

Il y avait là des artistes célèbres, à la cote élevée, tel Banksy, celui qui a représenté sur un mur une soubrette en train de lever un rideau, lui aussi peint en noir et blanc sur le mur, de manière à glisser derrière lui la poussière qu’elle vient de ramasser. Banksy, l’homme qui a inventé l’éléphant porteur de missile, voisinait avec Blek le Rat, celui qui a retrouvé le sens du geste du David de Michel-Ange : ce n’était pas David, mais un guitariste ! (on l’a vu avec sa guitare lors de l’exposition de Blek le rat à la Jonathan Levine Gallery de New York). Il y avait aussi des artistes moins notoires comme Boris Hoppek, un allemand né en 1970 installé à Barcelone, pour qui le monde de l’art est un vaste terrain de jeu. Sa signature prend la forme d’un personnage noir de « Bimbo » au regard rond, qui symbolise le sexe et le racisme, principaux thèmes de l’artiste qui pratique certes l’ironie, mais à propos de sujet sérieux. On découvrait encore Faile, auteur notamment d’un panneau géant dans une rue de New York (Corner of Houston & Bowery) sur lequel apparaissait en particulier une superwoman menaçant de son colt un gros lapin en peluche.

Mais l’exposition faisait aussi appel à des artistes dotés d’un humour plus grinçant, ou plus philosophique comme Jef Aerosol dont la Statue de la Liberté brandit une bombe (aérosol évidemment) avec laquelle elle a écrit le mot « hope » dans le ciel, ou Speedy Graphito dont on connait, par exemple, sa version de l’Oncle Picsou, avachi dans un fauteuil graphité, qui regarde un Picasso mal accroché sur un mur lui-même graphité où l’on peut lire la célèbre formule de Georges Clooney au service de la société de consommation : « What Else? » On s’amusait aussi à déchiffrer les inscriptions soigneusement barrées de Rero, qui font référence à des choses pas si drôles que cela : « Sacralisation du banal » dit l’une, et, sur une parodie de tableau abstrait : « what you see is what you get ». On s’interroge un instant, et puis les lettres majuscules barrées du tableau de gauche nous disent : « on s’en fout ». Impossible de citer tout le monde, mais on aura compris que cette exposition a réussi à regrouper des représentants significatifs d’un courant extrêmement imaginatif. J’ai pointé l’humour comme son dénominateur commun, et je crois qu’il y en a même chez JonOne, qui a littéralement avalé Jackson Pollock. Son petit tableau de la collection Laugero Lasserre est d’une virtuosité rare.

Je ne donne pour finir que le site de Dran. Allez-y, cliquez sur l’orifice d’accès au contenu d’une vieille boîte en carton et suivez l’araignée en cliquant sur les images et les objets. Vous verrez, c’est on ne peut plus rigolo, et pourtant c’est de l’art. (retroactif.free.fr/dran/)

Jean-Luc Chalumeau

jean-luc chalumeauJean-Luc Chalumeau
Critique et théoricien de l’art, l’auteur a dirigé, de 1981 à 1995, la revue Opus international. Il est actuellement  directeur de la revue Verso Arts et Lettres et professeur d’histoire de l’art contemporain à l’ICART. Son dernier livre paru : LES EXPOSITIONS CAPITALES qui ont révélé l’art moderne de 1900 à nos jours (éditions Klincksieck).

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