Dreamlands – Centre Pompidou
Un siècle avant de devenir le titre de cette exposition, « Dreamland » fut le nom d’un parc d’attraction sur Coney Island, à New York, premier d’un genre promis à autant de prouesses techniques que d’extravagances ludiques. Ce « Pays du rêve », tout entier voué à la fête et à l’émerveillement, fut aussi un laboratoire de technologies de pointe, inaugurant la mode des gratte-ciels qui donnera son visage actuel à Manhattan.
Depuis, les hauts lieux de loisir et d’amusement, univers factices mais redoutablement attirants, ont fasciné assez d’architectes pour bouleverser le concept de « ville moderne ». C’est Las Vegas, empire du kitsch érigé en modèle d’efficacité. C’est Celebration, ville administrée par la firme Walt Disney. C’est Hollywood, capitale du cinéma propageant le mythe d’un monde de décors et d’inauthenticité. Et aujourd’hui c’est Dubaï, nouveau terrain de jeu pour architectes en quête de records…
Le parcours de l’exposition est très spectaculaire : maquettes, projections vidéo, œuvres plastiques et ambiance sonore plongent le visiteur dans une réflexion où démesure et modernité sont les maîtres-mots. Néanmoins, il se pourrait que « Dreamland » désarçonne quelques habitués du Centre Pompidou. Car le propos, à vrai dire, ne concerne que de loin la sphère artistique. En fait le constat objectif du phénomène urbanistique inspire à lui seul un tel vertige qu’à l’exception de quelques photos et vidéos, les œuvres d’art exposées ça et là – même signées Dali ou Picasso – paraissent bien anecdotiques. Pour une fois, le propos des artistes semble en dessous de la réalité.
Regard nouveau sur la ville
La vraie richesse de « Dreamland », c’est sa pertinence sociologique. Un siècle et demi après Marx qui déjà s’inquiétait de la transformation du Paris haussmannien, nous voilà plus que jamais plongés dans une ère où les loisirs et la consommation sont rois. De ce point de vue, ces villes entières bâties selon la seule règle du « mieux jouir » soulèvent bien des questions. La folie des grandeurs de quelques milliardaires ne pourrait-elle pas faire de ce rêve un cauchemar, en sacrifiant le charme de l’authentique aux attraits de l’artifice ? Pourtant les commissaires Didier Ottinger et Quentin Bajac ont veillé à ne pas réaliser une exposition militante, où des idées altermondialistes auraient triomphé de l’obscénité de ces « Dreamland » tapageurs. Au contraire, exposant des faits plus que des arguments, ils laissent le visiteur choisir entre fascination et indignation. Une démarche appréciable à une époque si propice à nous priver de notre libre-arbitre.
Le Centre Pompidou, une fois n’est pas coutume, consacre sa galerie la plus spacieuse à une exposition qui tient plus de l’étude urbanistique que de l’histoire de l’art moderne. Que les amoureux de l’art purs et durs passent donc leur chemin et se consolent avec l’exposition voisine sur Lucian Freud. Les plus curieux, voyageurs aguerris, citadins incurables et amateurs de jeux de construction, en revanche, trouveront ici largement de quoi porter un regard nouveau sur la ville… et sur le monde.
Grégoire Jeanmonod
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Dreamlands
Commissaires : Didier Ottinger, directeur adjoint du Musée national d’art moderne, et Quentin Bajac, Conservateur au Musée national d’art moderne, chef du cabinet de la photographie
Jusqu’au 9 août 2010
Tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi
Tarifs: 10 à 12 euros (8 à 9 euros tarifs réduits)
Centre Pompidou
Place Georges Pompidou
75004 Paris
M° Hotel de Ville ou Rambuteau
[Visuel : Centre Pompidou © Courtesy Allan deSuza et Talwar gallery]
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