LEK : un graffiti à mi-chemin entre abstraction et installation
Exposition XIX – LEK – Galerie 42b Œuvres de Lek Du 3 novembre au 3 décembre 2016 Le vernissage aura lieu le jeudi 3 novembre à partir de 18h. Galerie 42b |
Le Mausolée, les entrailles du Palais de Tokyo, la Tour 13 : tenant d’un graffiti à mi-chemin entre abstraction et installation, LEK est de plusieurs aventures collectives récentes. Son regard à l’occasion de son premier solo show depuis son retour de La Villa Médicis à la Galerie 42b.
Oui, j’habitais dans le quartier et ça a été ma première galerie, à ciel ouvert. Quand j’ai vu ça, ça m’a mis une claque. Les formes, les couleurs, l’écriture : il n’y avait aucun rapport avec ce que je connaissais. Quand des profs m’emmenaient au musée du Louvre ou ailleurs, pour moi, c’était le passé, des vestiges sans rapport avec ce que je voulais être ! Là, je voyais le présent, ce qui se passait le jour même. Le lendemain, il pouvait y avoir une nouvelle peinture, et je trouvais ça incroyable. Voir les peintures apparaître, c’était magique ! Bien sûr, la magie était d’autant plus opérante que j’étais très jeune. J’étais un gamin un peu paumé qui n’avait dans la vie qu’une seule envie, dessiner. J’ai appris à comprendre cette écriture, à trouver des bombes. Mes inspirations, c’était la rue, mes artistes, Mode2, Skki, Lokiss, JonOne, Jayone. A l’époque, c’était méprisé. Quand mes parents ont découvert que je cachais chez moi des bombes que j’avais volées, pour eux j’étais un délinquant… Vous avez suivi des études d’architecture. Le graffiti a joué un rôle dans ce choix ? Oui. J’avais toujours eu envie de faire du dessin, mais on m’a dit qu’il fallait être fort en maths. Je me suis retrouvé dans un BEP de dessin industriel. Là, un prof qui voyait bien que j’avais envie d’aller ailleurs m’a suggéré de faire une école d’architecture. Ma culture graffiti était quelque chose de très fort, que j’avais envie de mélanger à l’architecture. On se posait déjà sur des bâtiments. Bien sûr, de manière négative. Mais moi, je le voyais comme de l’ornementation. C’est aussi cette formation qui m’a permis de faire de la peinture comme j’en avais envie : casser un mur, le morceler, le découper avec de la couleur, mettre des motifs, combiner différents éléments pour dessiner le lieu à mon image. J’arrive à retranscrire un début d’architecture autre que celle qu’on voit. Vous cassez les lieux, mais vous reconstruisez leur mémoire, aussi… Oui, même si je ne l’ai pas pensé comme ça d’emblée. J’ai commencé par les lieux abandonnés, vers 94. Dès le départ, j’ai commencé à récupérer des éléments. Au 104, par exemple, avant qu’il ne soit transformé. Avant, c’était les pompes funèbres de Paris. J’y ai récupéré des plaques de corbillard… C’était une mémoire, mais je ne m’en suis rendu compte qu’avec le temps. Au départ, je récupérais des objets un peu comme un collectionneur des lieux que je visitais. Je les mettais de côté, mais je ne savais pas encore ce que j’allais en faire. Ca prend du temps, de comprendre ce qu’on fait ! Vers 2008, avec le groupe 1984, on a commencé à s’approprier des espaces, à tenir un lieu. Une recherche qui a conduit au Mausolée, aux côtés de Sowat… Oui, ça a été un peu l’aboutissement. Sowat avait la même envie que moi de montrer au monde ce qu’on pouvait vivre dans ces endroits-là. Le Mausolée était un lieu très dur dans une banlieue semi difficile, parmi des toxicos, des gens sans logements… Créer dans ce type d’endroit a une résonnance impossible ailleurs. Avant, il m’était arrivé de peindre dans des lieux et de croiser des gens qui y vivaient, et de me dire que ma peinture ne servait à rien. Mais je me rappelle d’être tombé sur un type qui vivait dans un de ces bâtiments complètement détruits… Il m’a dit que ça lui faisait du bien. J’ai commencé à comprendre que cet acte très égoïste, peindre, pouvait avoir une résonnance sur quelqu’un d’autre. Et dans la vie, à partir du moment où une personne t’écoute, tu peux commencer à développer quelque chose. Avec Sowat, on est entrés plus en détails dans les façons de vivre des anciens habitants des lieux – la mémoire, donc. Parler de « mausolée », c’était annoncer la mort de votre culture ? On parle maintenant beaucoup de street art, plus que de graffiti. C’est une culture vouée à disparaître parce qu’elle est absorbée. Ca peut paraître plus joli de faire une affiche ou un pochoir… Je n’ai rien contre le street art, mais notre culture a un potentiel, et personne ne veut la voir. Parce qu’on est des gens avec des caractères compliqués, parce qu’on ne vient pas forcément de quartiers faciles. Le graffiti a tout de suite une résonnance de violence, de bandes, de gangs. Pourtant c’est une partie de notre culture, mais ce n’est pas tout. Quelquefois, quand personne ne t’écoute, tu gueules. Avec Sowat, on a décidé de faire un peu autrement, et d’expliquer notre démarche. Ca implique parfois de se retrouver dans des projets qu’on n’approuve pas entièrement, mais où il nous paraît intéressant d’être présents. Montrer que tu existes, c’est aussi être là où l’on n’a pas envie que tu sois. Et si pour ça, il faut participer à des projets où il y a du street art, ça ne me dérange pas. J’aurais toujours ma façon de faire ! Je montrerai toujours comment je peux transformer un lieu à mon image. Sophie Pujas [Visuels : Lek & Sowat (Mausolee project). Photographies de Man – Art is Life. Flickr] |
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