La subversion des images – surréalisme au Centre Pompidou
« C’est par la force des images que, par la suite des temps, pourraient bien s’accomplir les vraies révolutions. » André Breton, auteur du Manifeste du surréalisme, en définit ainsi les aspirations. Le Centre Pompidou accueille alors fidèlement en ses murs cette puissante volonté de représentativité, à l’ampleur tant artistique que subversive. L’exposition parcourt ce cheminement iconoclaste qui bouleverse les normes et les valeurs en modifiant les perceptions traditionnelles.
La stimulation des consciences s’opère avant tout par un regroupement d’artistes. Les fondements solidaires s’avèrent d’ailleurs l’essence du mouvement : « J’ai toujours beaucoup plus compté sur l’action collective que sur l’action individuelle », explique André Breton. Les écrits et les collages à plusieurs partagent donc l’affiche avec les illustres cadavres exquis.
L’ambiance « surréaliste », inévitablement instituée ad hoc, se joue des visiteurs. Aux glaces déformantes s’ajoute le trouble visuel de photographies renversantes : les corps humains se transforment en compositions désaxées aux membres épars. La confusion se poursuit dans la fantasmagorie, lorsqu’un cliché de Brassaï découpe la sombre silhouette de la statue du maréchal Ney en plein brouillard. Au loin, une enseigne lumineuse – « HOTEL » – semble l’unique repère, le seul asile, engoncé dans l’air poudré et blafard.
« Beauté convulsive »
D’autres réalisations rejoignent cette magnificence d’une situation, ce soudain émerveillement face à un événement à priori ordinaire. Que ce soit un jaillissement d’écume photographié par Pierre Jahan, comme une créature mouvante s’élevant instinctivement devant une digue ; ou un autre tirage célèbre de Brassaï, dévoilant une farandole de vitres cassées dans un atelier.
L’aspect presque enfantin des collages, les cadavres exquis inlassablement jouissifs et délicieux se mettent également au service de la « beauté convulsive », terme cher au Pape du surréalisme, surnom ironique d’André Breton.
Apogée de l’éclat recherché, Lee Miller devant l’objectif de Man Ray – affiche de « La subversion des images » – incarne le développement de la beauté convulsive par André Breton : « érotique-voilée, exposante-fixe, magique-circonstancielle ». Le mannequin, de profil, offre son cou noué, tressé, sensuellement découvert, tendu par le rejet en arrière de son menton, relevé dans un élan inspiré et hédoniste. Le visage incliné, les yeux clos, ses cheveux ondulant autour du strict contour de l’oreille puis glissant docilement vers l’ombre des épaules, Lee Miller concentre en-elle cette idée « convulsive » d’une expression exclusive, contenue mais extatique.
« La subversion des images » entraîne les spectateurs à la suite des extravagances des artistes surréalistes, remarquables par leur éclectisme. Le lyrisme indéniable, décalé, de leurs œuvres, incite, plusieurs décennies après eux, à réinventer nos propres codes. Le Centre Pompidou évoque ainsi à travers le surréalisme un soupçon de magie volontaire, qui permet de dépasser les cadres classiques de la perception visuelle.
Cyril Masurel
« La subversion des images, surréalisme, photographie, film »
Jusqu’au 11 janvier 2010
Tous les jours (sauf le mardi) de 11h à 21h
Tarifs : 10 à 12 euros, selon période / réduit : 8 à 9 euros
Informations : 01 44 78 12 33
Centre Pompidou
Place Georges Pompidou, Paris 4e
Métro Hôtel de Ville (ligne 1), Rambuteau (ligne 11)
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