Renoir au Grand Palais, derniers jours
Dès la première salle de l’exposition, on sait que l’on ne va pas être déçu. Trois pièces monumentales, « Danse à la campagne » et « Danse à la ville » de Renoir mises en parallèle avec « Danse villageoise » de Picasso. Si les deux premières ont été réalisées pour être montrées ensemble, il est rare que les trois soient réunies, alors que le peintre espagnol s’est directement inspiré des « danses de Renoir » pour « Danse villageoise ». Picasso n’a d’ailleurs pas été le seul artiste à trouver dans les travaux de Renoir un terreau propice à la création. On découvre ainsi tout au long de l’exposition des Picasso, donc, mais aussi des Bonnard ou des Matisse dont on distingue assez nettement la filiation avec les tableaux du maître. Durant l’exposition, la peinture de « Renoir au XXème siècle » est présentée comme moderne compte tenu de la période à laquelle elle a été réalisée ; et cela peut en être attesté par le fait que Renoir a incontestablement inspiré de nombreux artistes qui l’ont suivi. Mais aussi par le fait qu’il produit à cette époque son propre art détaché de tout mouvement, et notamment de l’impressionnisme dont il est pourtant un illustre représentant.
Renoir au-delà de l’impressionnisme
A la fin du XIXème siècle, lorsque Renoir commence à amorcer un virage dans sa peinture, le mouvement impressionniste n’est pas encore vraiment accepté par le public. Cela n’empêche pas l’Etat de lui commander un tableau en 1892 (« Jeunes filles au piano ») suite au succès de ses expositions dont les chef-d’oeuvres évoqués plus haut sont des pièces maîtresses. Renoir va tirer de cette notoriété un certain confort qui lui permet plus de liberté créative à partir de cette époque. Lorsqu’on compare les tableaux de Renoir avant et après cette date, on perçoit le travail d’un artiste plus « sûr » de ses idées, avec une ligne artistique plus visible. Pour résumer brièvement, Renoir déclare en 1891 : « Je me donne beaucoup de mal pour arriver à ne plus tâtonner. J’ai cinquante ans sonnés depuis quatre jours et si à cet âge on cherche encore, c’est un peu vieux. Enfin je fais ce que je peux. » Alors qu’en 1914, son immense modestie lui fait dire : « Je commence à savoir peindre. Il m’a fallu plus de cinquante ans de travail pour arriver à ce résultat, bien incomplet encore. » Il se consacre durant les trente dernières années de sa vie à une peinture « décorative », parfois inspirée des thèmes antiques où les nus ont une large part, parfois réalisant des commandes de portraits qu’il exécutait en toute liberté. Attention, ne nous y trompons pas, ne cherchons aucune connotation péjorative dans le terme « décorative ». Pour Renoir, la peinture est avant tout faite pour embellir, pour orner les murs. Mais il suffit de regarder son œuvre pour réaliser qu’il n’y a rien de dégradant à faire du « décoratif ». En contemplant quelques secondes un de ses tableaux, on ressent vite une irrésistible fascination pour le moindre décor, aussi naïf soit-il. On ose même rêver que Picasso, Bonnard ou Matisse aient été envoûtés de la manière avant de rendre hommage à l’artiste.
Le Génie Renoir
Il suffit de regarder autour de soi durant l’exposition pour constater la force de l’œuvre de Renoir. Chacun admire avec sérénité, quasi religieusement les tableaux du maître. Cela est aussi frappant dans la salle retraçant la biographie de Renoir, où sont exposées de nombreuses photographies de celui-ci. On a vite fait de comparer les personnes se penchant sur les images du frêle vieillard à des pèlerins se recueillant devant des reliques. Il est d’ailleurs étonnant de découvrir sur ces photos – et sur une vidéo où on le voit peindre un peu plus tard – l’état physique général dans lequel Renoir a réalisé de nombreux chefs d’œuvres. Atteint de polyarthrite rhumatoïde, il a perdu peu à peu l’usage de ses membres. Peignant quasiment chaque jour, il devait le faire au prix d’une souffrance inconcevable aujourd’hui. Ce courage et cette générosité expliquent certainement en partie l’admiration dont Renoir a bénéficié en son temps. Ce qui lui donnait sur ses contemporains un regard bienveillant : « Lorsque je regarde les maîtres anciens, je me fait l’effet d’un bien petit bonhomme et pourtant je crois que de tous mes ouvrages il restera assez pour m’assurer une place dans l’école française, cette école que j’aime tant, qui est si gentille, si claire, de si bonne compagnie. » A cette école, il lui lègue d’ailleurs à la fin de sa vie, son dernier travail, qu’il désigne comme son « testament pictural », « les baigneuses » qui mêle le goût de Renoir pour les nus, pour les références à l’art antique et une étonnante modernité dans la représentation du nu et la juxtaposition des couleurs.
Ludovic de Lacaussade
L’exposition est ouverte tous les jours jusqu’à 23h durant les vacances de noël.
« Renoir au XXème siècle »
Jusqu’au 4 janvier 2010
Tous les jours sauf le mardi, du vendredi au lundi de 9h30 à 22h, le mercredi de 10h à 22h, le jeudi de 10h à 20h.
Fermé le 25 déc.
Tarifs : 11 €, réduit : 8 € (13-25 ans, demandeurs d’emploi, familles nombreuses)
Renseignements et réservations : www.rmn.fr
Galeries nationales du Grand Palais
3, avenue du Général-Eisenhower
75008 Paris
Métro Franklin-Roosevelt ou Champs-Élysées-Clemenceau
Toutes les informations sur le site du Grand Palais.
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