André Kertész au Jeu de Paume
C’est en tant que soldat austro-hongrois, durant la Première Guerre mondiale, qu’André Kertész (né en 1894 à Budapest) réalise ses premiers clichés, des images de conflits, de soldats. Malheureusement, la plupart de ses photographies de guerre ont été détruites lors de la Révolution hongroise de 1918, pendant laquelle il rencontre Brassaï, photographe français d’origine hongroise. Kertész lui apprend la photographie et lui fait découvrir les surréalistes à Paris.
Ces surréalistes, André Kertész s’en approche lorsqu’il émigre au début des années 1920 à Paris. Il s’intéresse également aux dadaïstes, sans pour autant intégrer l’un ou l’autre des mouvements. Si Kertész expose en 1927 à la galerie Au Sacre du Printemps, c’est en 1933 qu’il réalise une des ses plus célèbres séries : Distorsions, où des corps nus se reflètent dans un miroir déformant.
Kertész réalise plusieurs portraits d’écrivains et d’artistes, à l’instar de Colette, Brancusi ou encore Mondrian et travaille pour plusieurs magazines comme Vogue et Vu. Alors qu’il connaît un grand succès dans l’Europe de l’Entre-deux-guerres, sa réussite ne se répercute pas lorsqu’il arrive aux Etats-Unis en 1936. Il faut attendre 1964 pour voir son talent reconnu, notamment avec une exposition individuelle au MoMA de New York.
« Journal intime visuel »
Les clichés présentés au Jeu de Paume montrent parfaitement la densité et la richesse de l’œuvre de Kertész. Cette exposition chronologique présente son parcours d’auteur, ainsi que les différentes périodes de sa vie de photographe, en mettant bien en relief l’esprit de liberté qui se reflète dans son œuvre.
Tantôt poétiques, tantôt inquiétantes, souvent graphiques, les photographies d’André Kertész sont le résultat d’un travail permanent et d’un goût prononcé pour l’expérimentation. A travers des angles de prises de vues avant-gardistes, il montre la Hongrie, Paris, les buildings de New York, le jeu des ombres sur des cheminées… Kertész utilise le cadrage comme une interprétation et reprend parfois certaines de ses photographies ; en faisant par exemple un gros plan sur un élément précis, comme le gros plan réalisé sur les mains de sa mère où l’on voit l’alliance qui rappelle la mort de son père.Autodidacte, Kertész a toujours vu la photographie comme une approche intuitive et émotionnelle et non pas comme une volonté de systématiser son style. La force qui se dégage de ses photographies est sans doute représentative de son esprit d’indépendance et de son caractère solitaire.
« Ma photographie est vraiment un journal intime visuel […]. C’est un outil, pour donner une expression à ma vie, pour décrire ma vie, tout comme des poètes ou des écrivains décrivent les expériences qu’ils ont vécues », explique l’artiste.
Après la mort de sa femme Elisabeth, Kertész, toujours en quête de nouveauté, se tourne vers le Polaroïd, dans les années 1980. A la fin de l’exposition au Jeu de Paume, une série émouvante de polaroïds en couleur, représentant des autoportraits et des figurines de verre, livre les souvenirs et l’hommage qu’il rend à sa femme.
Cette exposition est une rétrospective que l’on attendait depuis longtemps en Europe. Kertész a influencé un grand nombre de photographes de la génération suivante comme Man Ray, Berenice Abott ou bien sûr Brassaï. Cet avant-gardiste a fait grandir l’histoire de la photographie, notamment en y apportant une touche de poésie et de liberté.
Aurélie Steunou-Guégan
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A découvrir sur Artistik Rezo, :
– 145’000 visiteurs pour l’expo Kertész
André Kertész
Commissaires : Michel Frizot et Annie-Laure Wanaverbecq
Exposition organisée avec le concours de l’Institut Hongrois de Paris et présentée dans le cadre du Mois de la Photo à Paris, novembre 2010
Du 28 septembre 2010 au 6 février 2011
Le mardi, de midi à 21h
Du mercredi au vendredi, de midi à 19h
Les samedis et dimanches, de 10h à 19h
Plein tarif : 7 € // Tarif réduit : 5 €
Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75008 Paris
M° Concorde
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