“Antigone n’existe pas” : la tragédie revisitée par Leslie Carmine
Leslie Carmen, jeune artiste émergente, nous frappe avec un seule-en-scène à la fois émouvant, drôle et qui fait réfléchir. Elle revisite Antigone, mais pas celle que nous connaissons tous, tragique et antique. Sa version est modernisée, une résonance directe avec notre époque. Ici, plus de rois ni de guerres thébaines, mais une hiérarchie bien contemporaine : celle de l’entreprise familiale.
La pièce, tout en restant fidèle à l’essence du texte de Sophocle, met en lumière les luttes de pouvoir et les conflits d’autorité, cette fois au sein d’une dynastie entrepreneuriale. Le parallèle est frappant et l’idée brillante, tant ces tensions semblent universelles.
Un seul-en-scène audacieux
Leslie débute son spectacle par une question évidente : “Qui connaît Antigone ?”. Elle nous plonge dans l’histoire que l’on croit tous connaître, celle que l’on considère comme universelle. Wikipédia devient sa source de vérité.
Avec intelligence et un subtil humour noir, elle soulève un premier problème : dans un imaginaire patriarcal où les femmes sont d’abord la possession de quelqu’un, souvent un homme, et où elles doivent mourir dès qu’elles se révoltent, comment et quand peut-on se libérer de la culpabilité liée à l’acte de dénonciation ?
Elle engage une véritable conversation avec le public, comme dans un cours d’analyse littéraire ou un brainstorming collectif. Ensemble, ils explorent des thèmes qui figent notre société : l’injustice, la révolte, la famille, le pouvoir, l’inceste, les inégalités de richesse, etc.
“Jouir de son privilège ou se révolter contre son propre pouvoir ?”
Leslie pose ici une question cruciale. Pour elle, “parler et être écouté” change tout. Face à une société capitaliste qui valorise le travail et la surproduction, nous faisons face au même dilemme qu’Antigone : doit-on se résigner ou prendre le contrôle de notre destin ? Sommes-nous autorisés à “pleurer dans le cadre du travail” ?
Elle nous confronte à ces situations avec un mélange d’humour, d’intelligence et de finesse, critiquant la violence inscrite dans les structures d’autorité et dans la famille, souvent normalisée par notre regard inconsciente de “rendre le patriarche touchant”. Incarnant une Antigone triste, presque pathétique, elle nous invite à dépasser l’archétype de la femme révoltée et victimisée. Elle appelle à “prendre en main sa révolte”.
Un ensemble captivant
Leslie manie l’écriture d’une manière contemporaine, en résonance avec les enjeux actuels. Elle nous confie qu’elle “écrit comme elle parle, et parle comme elle écrit”. En modernisant une tragédie si souvent revisitée, elle se démarque avec une approche audacieuse et personnelle.
Le théâtre est ici un espace de parole et d’écoute, permettant de dénoncer tout en restant protégé des répercussions immédiates. Cette théâtralisation des sujets sensibles permet une confrontation avec des situations complexes tout en gardant la distance nécessaire à la réflexion.
Le mythe d’Antigone, dans cette version, devient un outil puissant pour exposer des dilemmes moraux et sociaux. Toutefois, le théâtre, riche en symboles, ne change pas directement les choses ; il offre plutôt un espace de réflexion collective et de rencontre avec des récits variés, sans prétendre à une transformation immédiate du monde réel.
“ L’Antigone (…) de Leslie Carmine, frêle mais forte est l’égérie en feu d’une révolte sociale qui ne va pas s’éteindre, que nous n’oublierons pas” – Hélène Kuttner
Articles liés
La 4e édition de Boards to be Solidaire du 26 au 28 novembre chez agnès b.
Du 26 au 28 novembre, le Secours populaire Île-de-France & Urban Signature, en partenariat avec la styliste et mécène agnès b. et Artcurial, présentent la 4e édition de Boards to be Solidaire, une exposition exceptionnelle de longboards customisés, suivie...
Beirut dévoile son nouveau single “Caspian Tiger”
Zach Condon partage aujourd’hui le nouveau single de Beirut, l’éblouissant “Caspian Tiger”. Sorti sur son propre label, Pompeii Records, ce nouveau titre fait suite à l’album “Hadsel”, sorti l’année dernière et largement salué par la critique. Là où Hadsel...
Art Montpellier 2024 : ne manquez la 8e édition du 14 au 17 novembre !
Le “8”, de la 8e édition d’Art Montpellier se réplique à l’infini tel un kaléidoscope. Le jaune et le bleu illustrent l’éclat du soleil et le bleu de la mer, clin d’œil à l’attachement méditerranéen de cet événement d’exception....