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Agnès Thurnauer – Sleepwalking – galerie de Roussan

24 février 2014
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galerie de Roussan

Agnès Thurnauer – Sleepwalking

Commissaire : Jill Silverman van Coenegrachts

Du 21 mars au 24 mai 2014

Vernissage le 21 mars 

Galerie de Roussan
10, rue Jouye-Rouve
75020 Paris  

www.galeriederoussan.com

galerie de roussanDu 21 mars au 24 mai 2014

La galerie de Roussan organise la première exposition personnelle de l’artiste Agnès Thurnauer à la galerie. Cette exposition concorde avec son exposition rétrospective au musée des Beaux-Arts de Nantes.

« Thurnauer travaille avec une variété de mediums notamment de grandes toiles combinant image et texte en une brillante et complexe profusion iconique à la fois intuitive et structurée.

L’exposition « Sleepwalking » (Somnambules) reprend le titre de la grande toile exposée (au rdc de la galerie) qui présente une femme de dos prise dans un tissu de mots signifiant la peinture. Certains mots sont inversés et l’oeil se perd vite dans un espace abstrait et énigmatique construit comme un dessin d’architecture. Comme plusieurs des peintures récentes de Thurnauer, Sleepwalking capture un moment entre la perception temporelle et l’imaginaire ; l’artiste se tient debout dans cet entre-deux ; est-on bien sûr qu’il s’agisse de l’artiste, ou bien est-ce une autre femme, ou un autre artiste et de quel sexe ? Les bras sont ballants, les paumes tournées vers les cuisses, les jambes légèrement écartées, les cheveux à peine soufflés sur le côté, tandis que l’ombre portée peinte suggère une fenêtre au-delà; est-ce le jour ou la nuit qui définit ces contours ? La figure immobile nous échappe et nous lisons de haut en bas dans une police sans serif, peinte en vert franc sur fond taupe ; c’est alors que le chant ou le trope commencent et que nous voyons chaque mot comme un paysage du monde intérieur de l’artiste. Cela commence avec le « a », nous pensons alors que c’est dans l’ordre alphabétique, nous lisons abstraction, académie, acrylique, allégorie, annonciation, artifice, …. construction, concept, coton, couleur, crayon… tel un chant de sirène, et soudain, au milieu du tableau, les lettres s’inversent et l’on se demande alors s’il y a un miroir dans la pièce, s’il s’agit d’ailleurs bien d’une pièce ou d’un état d’esprit ? Si c’est un rêve, sommes-nous tous somnambules avec l’artiste, ou sommes-nous tous éveillés? 

Les mots emplissent la surface du tableau comme un voile ou un écran. Est-elle dans ce sens voilée comme si, par pudeur, elle se drapait dans un tissu de langage? La voyons-nous ? Et que regarde-t-elle, un autre espace plus lointain, le contour d’une pièce, l’intérieur de l’esprit ? L’atelier ? Un espace profond mais aplati où elle serait piégée entre l’état d’éveil et le sommeil. Elle est saisie là-même, et nous avec elle, à une distance où nous ne pouvons ni l’atteindre ni la perturber, comme un lapin dont les pattes sont prises entre les dents d’un piège. Elle est là, silencieuse et immobile. Perdue pour nous.  

Tout le long du mur de la galerie court une étagère où se situe en écho, Matrice, une sculpture sans cesse en devenir, un work-in-progress, qui appelle à regarder les éléments singuliers du langage, chaque lettre, comme un objet physique avec ses propriétés propres, chaque voyelle et chaque consonne ayant sa propre forme, parfois éclatée ,parfois entière. Thurnauer réalise des moulages de chaque lettre, en résine ou en plâtre, qui se proposent à nous comme autant d’éléments d’une pensée digressive, ou d’un langage qui n’a pas encore été appris. Un déversement de lettres telle une poignée de dés qu’on aurait jetés sur une surface, attendant d’être placés dans un ordre logique comme les notes de musique sur une portée, mais devenant néanmoins des objets à part entière, qui se sont singularisés des mots dans le tableau, comme s’ils étaient là pour nous rappeler le poids de chaque élément dans la construction du langage, car leur poids et leur masse s’imposent à nous, que l’on en soit conscient ou pas. Thurnauer est connue pour une série de portraits bien particuliers qu’elle a déclinés en différentes dimensions: des tondos de toutes tailles, parfois petits et luisants comme des « badges », souvent dans des couleurs brillantes et acidulées, sur lesquels elle inscrivait un nom célèbre d’artiste féminine transformé en nom masculin et inversement, plus souvent, un nom d’artiste masculin qu’elle avait féminisé, la transformation par les lettres recréant un paysage différent dans nos esprits comme si nous regardions quelque chose de familier sous un autre angle. 

Au sous-sol de la galerie, deux immenses dessins sur toile, où la figure féminine se propose effrontément combative dans sa presque nudité. Ses formes voluptueuses à la Rubens, la rondeur du ventre et des hanches, le poids de la poitrine, les tétons bien affirmés nous surprennent voire nous stupéfient, comme les hanches des nus des derniers Degas sortant du bain. Son geste brossé au pastel nous montrant un moment rarement public , juste une image d’intimité quotidienne que la forte présence formelle rend monumentale, et nous voyons alors dans ces personnages héroïques (autoportrait de l’artiste ou pas) des créatures mythiques. Et leur étrange pouvoir, leur courageuse et sensuelle littéralité va-t’en guerre nous laisse sans voix: nous sommes sensés voir le corps de la femme comme cela. Nous le voyons comment alors ? Ces deux tableaux font-ils partie d’une séquence d’un rêve, la blonde en longs gants noirs arme son poing gauche, prête à l’enfoncer droit dans la surface du tableau au mur, un personnage jetant un coup de poing dans l’abstraction, une blonde sexy et dénudée rassemblant toutes ses forces pour lancer son corps dans une surface à la Twombly, recouverte d’un réseau cacophonique de lignes gribouillées librement. Sa compatriote est tête en bas, en train d’enlever ou d’enfiler un haut rouge, ses seins lourds ploient comme si elle nous demandait de voir et ressentir sa présence ; elles sont comme les figures cavalières héroïques du XIX ème siècle prêtes à sauter par-delà les toits du Grand Palais. Thurnauer nous entraine dans le voyage intemporel de sa pensée, avec l’histoire de l’art et la théorie sémiotique qui vont avec. Une expérience nouvelle qui éveille à de nouvelles questions. Ainsi éveillé, on pourra se demander où l’on était auparavant. Somnambules. »

Jill Silverman van Coenegrachts

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