Absent
« Le point de départ d’Ausente était d’explorer les désirs d’un jeune adolescent et la réaction de son professeur à ces sentiments. Du fait de circonstances inattendues, le professeur propose son aide à son élève et l’héberge le temps d’une nuit, mais il découvre très vite que le garçon a inventé de toutes pièces cette situation pour passer la nuit chez lui.
Je ne suis pas exactement parti de mon expérience personnelle, mais le film a beaucoup à voir avec les premières manifestations du désir telles que je m’en souviens. Je crois que, chaque fois qu’il y a du désir entre un mineur et un adulte, le désir du mineur est caché. Je ne suis bien sûr pas d’accord avec le fait qu’un adulte profite de la confusion ou de l’inexpérience d’un mineur, mais le film parle de l’existence de ce désir. L’idée de départ était précisément de mettre en jeu ce désir et de lui porter un regard différent, d’essayer simplement de le comprendre.
J’ai donc voulu, dès le début, renverser le thème classique d’un adulte abusant d’un mineur : voir ce qui se passe si le jeune comprend ce que la situation a de dangereuse pour l’adulte, et utilise ce danger comme un instrument à la fois de séduction et de pression.
J’ai choisi d’utiliser des éléments du thriller pour explorer les risques inhérents à une telle relation. C’est un point commun entre Absent et Plan B, mon précédent et premier film : le jeu avec les genres, le détournement. Chacun des deux films commence avec une forte identification à un genre (la comédie romantique pour Plan B, le thriller pour Absent), et joue avec l’idée que le spectateur se fait de ce genre. Dans Plan B, les personnages (et les spectateurs) sont transportés du genre vers des eaux plus profondes où ils ne pensaient pas arriver. Il se passe la même chose dans Absent, c’est comme si le thriller n’était en réalité qu’une excuse pour se rendre ensuite compte qu’on est engagé sur des chemins que le début du film ne laissait pas soupçonner. Ce jeu psychologique sur les désirs du spectateur est quelque chose que partagent les deux films. On croit savoir où l’on s’engage et au milieu du trajet, on peut se sentir aussi perdu, aussi perturbé que le personnage.
Montrer l’homosexualité au cinéma me semble être un acte politique. Je ne prétends d’ailleurs pas tellement mettre en doute la sexualité, j’essaie plutôt que le spectateur se permette d’imaginer une sexualité différente. Mais pour moi, le désir personnel est encore plus important : le désir qu’on me reconnaisse une identité à travers mes films. Faire en sorte que le spectateur puisse, bien que ce ne soit que pour un moment, se mettre à ma place. Je suppose que cela aussi tient de l’acte politique.
Je crois que mon cinéma, pour autant qu’on puisse utiliser cette expression, est un cinéma de corps. Les corps parlent et séduisent à leur manière. Peut-être est-ce dans Absent que c’est le plus clair, dès le générique du début, où le texte s’inscrit sur des fragments de corps. C’est une manière de dire : oui, tout le film se développe autour du désir physique, et de tous les désirs qu’il induit, comme des dominos.
Face à cette situation embarassante, l’intention n’est pas de punir ni de juger, mais de comprendre sans préjugé. Plus qu’un film sur la dimension subversive du désir, ce qu’il est aussi, Absent est en fait bien plus un film sur la compréhension, le point de vue des choses, l’innocence et l’amour. »
Festival international du Film de Berlin 2011
- Teddy Award
Absent (Ausente)
Scénario et Réalisation : Marco Berger
Avec : Carlos Etchevarria, Javier de Pietro, Antonella Costa, Rocio Pavon, Alejandro Barbera et Luis Mango
Production : Mariano Contreras // Photographie : Tomás Pérez Silva
Musique : Pedro Irusta // Son : Carolina Canevaro
Production exécutive : Tomás Pérez Silva, Pablo Ingercher
Direction Artistique : Paula Lombardi
Argentine – 2011 – 90 min – Couleurs – 1:1,85 – VOSTF
Sortie le 27 juillet 2011
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